Question de vocabulaire

© FRÉDÉRIC RAEVENS

Les mots sont à la mode, et la mode est aux mots d’esprit. Pour s’en convaincre, et si vous passez par Paris avant le 2 avril prochain, faites donc un crochet par le Bon Marché. Des prosaïques  » vous taillez petit  » ou  » c’est vous la caisse ?  » au lyrique  » Je veux du sublime. Pas du post-sublime, pas du néo-sublime, tu n’achètes pas un immeuble  » sans renier le décomplexé  » je peux vous payer en cash ? Ça allègerait mon sac « , l’établissement consacre une expo (1) aux aphorismes de ses clients, adressés directement au personnel ou captés au détour d’une allée. Et pour scénographier tout cela, qui d’autre que Loïc Prigent ? Depuis qu’il diffuse sur Twitter les sentences de la planète fashion, souvent caustiques, toujours drôles et surtout révélatrices d’un microcosme où l’on n’aime rien tant que les jugements péremptoires et les phrases assassines, le journaliste a su imposer un ton inimitable. Il applique la même démarche pour cette troisième collaboration avec l’institution de la Rive gauche : force merchandising à l’appui, ces poncifs involontairement comiques se retrouvent, lettrage noir sur fond blanc, sur des tasses, casquettes, crayons, briquets, cartes postales, pochettes, sacs en toile, etc.

Sans oublier les incontournables tee-shirts, puisque ceux-ci font un retour remarqué, dans la grande distribution mais aussi sur les podiums des maisons de luxe. A côté du  » we should all be feminists « , prise de position frontale de Maria Grazia Chiuri pour sa première collection chez Dior et image la plus instagramée de la Fashion Week du printemps 2017, Julien Dossena (Paco Rabanne), Haider Ackermann ou Sacai y sont également allés de leurs messages personnels à brandir en étendards. Dans la rue, enfin, le concept se décline lors des manifestations anti-Trump ou des marches pour la défense des droits des femmes.

C’est que, la mode étant le miroir de son époque, le  » vêtement militant  » reprend du service à chaque fois que la démocratie vacille. A fortiori à l’heure des réseaux sociaux tout puissants, car sur Facebook la plupart des vidéos sont visionnées sans le son. De plus, ajoute celui qui est aussi réalisateur de nombreux documentaires sur les figures tutélaires de la création,  » on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ; en revanche, on peut porter des tee-shirts partout et avec n’importe qui « . Le prochain slogan à afficher fièrement sur son poitrail ?

(1) Entendu au Bon Marché, jusqu’au 2 avril prochain. www.lebonmarche.com

RÉDACTRICE EN CHEF

DELPHINE KINDERMANS

UN MICROCOSME OÙ L’ON N’AIME RIEN TANT QUE LES JUGEMENTS PÉREMPTOIRES ET LES PHRASES ASSASSINES.

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