Alain Chamfort

Son nouveau spectacle mélange du live et des images, du vrai et du virtuel, mais l’élégance est toujours de mise.

Alain, vous présentez un spectacle virtuel, vous avec l’air pourtant sacrément réel…

C’est une vieille idée qui date de l’époque de Trouble (1990) où j’avais envie d’être seul en scène, les autres participant via des écrans, ce qui permettait une interaction entre une fiction et moi. Il s’agissait d’utiliser le potentiel de la technologie. Le temps a passé et puis il y a un an et demi, un jeune producteur m’a contacté pour offrir ses services…

On a cette idée d’Alain Chamfort en reclus absolu ?
Pas plus que Jacques Duvall ou Marc Moulin (NDLR-ses comparses) : autant faire les choses bien, non ? Là il y aura un DJ, un guitariste et moi et on fera venir des invités virtuels sur écran. Aujourd’hui, l’image est indissociable du son.


Votre rêve d’enfant était la musique ?
C’était l’élégance. Je voulais être dentiste parce que j’avais été placé pour les vacances chez un dentiste par mes parents en Alsace -je ne sais plus pour quelle raison- et je trouvais que ce dentiste dans sa blouse impeccable, avait de l’allure. J’ai eu envie de devenir dentiste pour cette raison (sourire).


Vous avez soigné les coeurs pas les dents !
J’espère que j’ai contribué à en soulager quelques-uns, certainement une grande partie du mien.

Votre rêve d’adulte s’est donc transformé ?
J’essaie de me mentir à moi-même sur le temps qui passe (rires). J’entendais une interview de Karl Lagerfeld qui disait avoir oublié sa date de naissance parce qu’elle avait été brûlée (rires). Non, j’accepte le sort qui m’est destiné, je ne m’épanche pas sur le passé et je regarde toujours devant. Il y a toujours de nouvelles choses à voir, à écouter.

Vous êtes capable d’un coup de coeur -cher- sur un vêtement ?
Pas vraiment, j’ai la chance d’être bien considéré par les services de presse des stylistes et des couturiers et j’accède facilement à des vêtements dont j’ai envie ne fût-ce que pour aller au restaurant ou faire une émission de télévision. Je ne suis pas non plus un fou de cela : c’est plus une pose, un respect, par rapport aux gens.

C’est le produit de votre éducation ?
Oui, parce qu’on m’a appris enfant que le respect passait aussi par une forme d’apparence. C’est plus agréable pour les autres.

Vous êtes père de quatre enfants : quelles sont les valeurs que vous leur transmettez ?
Entre ce que je veux et peux leur transmettre réellement, il y a de la marge. Je pense qu’on leur transmet ce que l’on est vraiment, pas le reste. J’ai eu la chance que mes parents m’aient transmis des choses qui m’ont satisfait, je n’ai jamais éprouvé le désir de rejeter mon éducation, peut-être parce que j’ai eu de la tendresse, de l’affection, j’ai senti que j’étais aimé et accepté. J’espère avoir transmis tout cela naturellement à mes enfants, mais tout ce qui est « Travaille bien à l’école », cela ne passe pas (sourire).

Vous vous ennuyiez à l’école ?
J’étais une sorte de rêveur, j’avais déjà construit un monde imaginaire qui me satisfaisait plus que celui auquel j’assistais, et finalement, il s’est concrétisé à un moment donné. J’avais une certaine confiance à me laisser entraîner par mes intuitions…

A la fin des années 1970 et dans les années 1980, vous avez été une « vedette » de la chanson française, maintenant votre statut est plus celui d’un artiste. Vous ne regrettez rien ?
Non, parce que vedette vous met sur une sorte de pied d’estal qui n’est pas forcément confortable et qui fausse beaucoup le rapport aux gens. À part les manifestations d’admiration et d’hystérie, on n’est pas forcément apprécié pour autre chose que pour une forme de notoriété. Quand les gens viennent vers vous parce qu’ils ont perçu une forme de démarche artistique, c’est plus valorisant.

La musique d’Alain Chamfort, remède contre la déprime ?
Peut-être permet-elle de basculer davantage dans le domaine du rêve ou de l’apaisement. Le véritable plaisir, c’est d’être vraiment satisfait de son propre travail.

Si vous étiez un parfum ?
Celui que je mets est Bois d’argent créé par Hedi Slimane et je m’y sens à ma place.

Le sujet qui fâche ?
L’agressivité gratuite, la mauvaise foi, le non-respect : les gens imbus de leur pouvoir, ceux qui se placent au-dessus ou à côté.

Rêvez-vous encore de Claude François qui vous avait embauché dans sa maison de disques, Flèche ?
Oui bien sûr, il m’a quand même longtemps hanté. Il est toujours là et de temps à autre, il réapparaît à côté de moi. Il m’a beaucoup impressionné par sa pugnacité à vouloir absolument, coûte que coûte, maintenir sa position et son succès. Sa vie était dédiée à cela, il n’y avait pas de place pour autre chose.

Bigger than life ?
Il n’y avait pas une demi-seconde dans la journée où Claude François ne pensait pas à autre chose qu’à lui (rires).

Votre type d’homme : Sartre, Bond ou Jean-Luc Delarue ?
Je crois qu’on peut mettre Delarue de côté (rires)…

Votre type de femme : Sharon Stone, Hannah Arendt, Hillary Clinton ?
Sharon Stone !

Vous ne pouvez pas vivre sans…
Sans amour !

Sucré ou salé ?
En alternance.

L’odeur préférée ?
Après la pluie quand elle a fait ressortir les parfums naturels.

La pire des trahisons ?
Je ne dirais pas la trahison d’amour, plus la trahison d’amitié.

La pièce de l’appartement préférée ?
La pièce où il y a le piano.

L’objet avec lequel on vous enterra ?
L’alliance que j’ai prise à mon père le jour de sa mort : comme j’ai deux fils, il n’y a pas de raison qu’il y en ait un qui la porte plus que l’autre, donc je pense que c’est moi qui la garderai.

Vous avez un projet d’album autour d’Yves Saint-Laurent : quelle est votre définition de l’élégance française ?
La principale élégance est celle du coeur (sourire). Aujourd’hui, tout le monde peut être élégant parce que chez H&M par exemple, on peut trouver un costume bien taillé et pas cher. Avant, cela nécessitait un certain effort, il fallait se donner un peu de mal pour se singulariser, faire des recherches de gens, de lieux. Je pouvais aller jusqu’à Londres pour trouver un Shetland ou une paire de boots.

Etait-ce un moyen de ramener des filles ?
Ah, cela aidait, c’est sûr. J’étais beaucoup plus affilié aux mods et aux minets du Drugstore qu’aux rockers et aux blousons noirs.

Votre premier choc musical ?
Indépendamment de Chopin, Brahms, Rachmaninov, mes premiers chocs de pianiste, j’ai découvert Ray Charles, créateur d’harmonies incroyables, pianiste au jeu unique, et puis cette voix sublime qui passe du gospel à la ballade country…

En quoi l’Alain Chamfort de 1968 ressemble-t-il au Chamfort de 2008 ?
L’année dernière, on a sorti une intégrale de mon travail, rééditant notamment mes vieux enregistrements sous le nom d’Alain Le Govic qui précédait ma période Flèche chez Claude François, et quand j’ai entendu ces chansons, j’ai trouvé qu’il y avait déjà beaucoup de choses de moi. Les canevas harmoniques, le style de recherche mélodique étaient déjà présent et je n’ai fait que de tourner autour d’un périmètre qui ne s’est jamais vraiment éloigné de celui-là !

Philippe Cornet


Le spectacle d’Alain Chamfort, Chansons en trompe-l’oeil, a lieu le 20 novembre à Comines, le 21 à Welkenraedt, le 22 au Centre Culturel de Woluwé Saint-Pierre et le 28 janvier au Forum de Liège

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