Efficaces les canneberges? Pas si sûr

. © iStockphoto

Les produits à base d’extraits de canneberge sont actuellement populaires contre les infections urinaires ou cystites. Or, il y a de sérieuses raisons de s’interroger sur leur efficacité réelle*. Car il s’agit de compléments alimentaires à peine contrôlés, mais aussi parce que les données probantes de qualité font cruellement défaut…

Malgré de nombreuses recherches, l’effet des proanthocyanidines qui sous-tendent les vertus supposées des airelles et autres canneberges dans la prévention et le traitement des infections urinaires n’a jamais pu être démontré de façon convaincante. On sait que la composition des suppléments disponibles dans le commerce varie de plus fortement d’un produit à l’autre : parmi les extraits commandés auprès de 12 firmes spécialisés, certains contenaient ainsi à peine 0,01 % de principe actif, d’autres 140 fois plus (1,4%). Un « détail » qui échappe souvent aux consommateurs, puisque les fabricants ne le mentionnent pas tous sur l’emballage, d’autant que ce n’est pas légalement obligatoire, seule la sécurité devant être démontrée pour ce type de produit. En vertu de règles européennes récentes, les allégations de santé devraient en principe reposer sur des bases scientifiques et être approuvées par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), mais ce n’était jusqu’ici pas le cas pour les suppléments à base de plantes.

Inflammation vésicale

La moitié des femmes sont victimes au moins une fois au cours de leur vie d’une infection symptomatique de la vessie, le plus souvent sans complications ou problèmes supplémentaires. Elle découle dans l’immense majorité des cas d’une contamination par une bactérie intestinale (généralement Escherichia coli). Ce n’est pas un hasard si ces infections des voies urinaires sont 50 fois moins fréquentes chez les hommes, puisque la distance entre l’anus et le méat urinaire est sensiblement plus grande chez eux que chez les femmes.

.
.© iStockphoto

Les principales manifestations d’une inflammation vésicale sont des difficultés à uriner et un besoin fréquent d’évacuer de petites quantités d’urine. Les facteurs qui augmentent le risque de cystite sont les rapports sexuels, l’incontinence urinaire et le diabète ; en outre, la probabilité d’une nouvelle infection est plus grande chez les personnes qui en ont déjà été victimes dans le passé. Certaines femmes souffrent de cystites à répétition ; lorsqu’elles se manifestent plus de 2 fois en l’espace de 6 mois ou plus de 3 fois par an, on parlera d’infections « récidivantes ».

Un traitement par antibiotiques est envisageable mais pas toujours nécessaire, puisque le problème disparaît souvent de lui-même. Pouvoir s’en passer est idéal, car les antibiotiques, en plus de provoquer régulièrement des troubles gastro-intestinaux, accroissent la probabilité d’être confronté à des bactéries résistantes et donc susceptibles d’entraîner une infection sévère. La prise d’un antalgique (en concertation avec le médecin) peut atténuer les douleurs.

Pouvoir antiadhésif

Au début du siècle dernier, des scientifiques ont découvert que la consommation de canneberges provoquait une acidification de l’urine et inhibait la prolifération des bactéries, mais cet effet est trop faible pour avoir le moindre impact sur les inflammations vésicales. D’autres travaux ont toutefois permis de mettre au jour un autre mécanisme protecteur. On sait en effet que les bactéries incriminées sont nombreuses à développer des cils très fins qui leur permettent de se fixer à la paroi interne de la vessie. Les canneberges contiennent justement des substances capables de former à la surface de ces petits poils une véritable couche antiadhésive qui les empêche de s’accrocher, de telle sorte que les éventuelles bactéries resteront dans l’urine et seront éliminées à la première miction. Le problème, c’est que cet effet suppose de consommer une quantité suffisante de canneberges (ou de l’imprononçable principe actif qui y est contenu) et qu’un bol de baies ou un verre de jus quotidien n’est vraisemblablement pas suffisant pour avoir le moindre effet perceptible. Les suppléments dont la concentration n’est pas précisée non plus n’offrent évidemment aucune garantie, d’autant que la dose minimale efficace n’est pas clairement établie. Sans compter que l’on ignore encore si le principe actif identifié est seul responsable des effets bénéfiques de la canneberge ou si d’autres substances jouent également un rôle, et à quelles doses. Il reste donc du pain sur la planche pour les chercheurs !

* Tijdschrift voor Geneeskunde, 2017; 73: 112-114.

Quelle prévention ?

Pour limiter le risque de cystite, il faut :

– vider la vessie après un rapport sexuel,

– ne pas attendre d’uriner lorsque le besoin s’en fait sentir,

– veiller à boire suffisamment.

Précisons qu’il n’existe pas de réelles preuves scientifiques à l’appui de cette dernière recommandation, mais comme boire abondamment ne coûte rien et n’a pas d’effets néfastes, on ne perd finalement rien à essayer.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content