Marathon: 42.195 mètres magiques

© Jupiter Images

Courir un marathon représente un réel exploit. Si le corps des coureurs est particulièrement sollicité par cette épreuve, le marathon n’en est pas pour autant une épreuve de cinglés… Car l’homme est fait pour courir.

Courir un marathon représente un réel exploit. Si le corps des coureurs est particulièrement sollicité par cette épreuve, le marathon n’en est pas pour autant une épreuve de cinglés… Car l’homme est fait pour courir.

En 490 avant Jésus Christ, Pheidippides,messager grec professionnel, aurait couru 40 kilomètres, de Marathon à Athènes, pour annoncer la victoire contre les Perses. Arrivé à bout de souffle, il serait mort après avoir délivré son message… Ce que la légende ne rapporte pas, c’est que Pheidippides avait déjà couru plus de 400 kilomètres les jours précédents !

Plus rapide que les animaux

Parmi tous les mammifères, l’être humain fait preuve de qualités de course exceptionnelles, du moins en ce qui concerne l’endurance. Un sportif amateur peut maintenir une vitesse moyenne de 14,5 km/heure; des athlètes entraînés sont capables de courir 20 km/heure, pendant plusieurs heures. Un chien court plus vite mais n’arrive à maintenir un rythme de 30 km/heure que 10 à 15 minutes, et uniquement s’il est en forme. Les chevaux peuvent maintenir une vitesse de 32 km/heure pendant 10 kilomètres. Sur de longues distances, ils n’atteignent cependant qu’un petit 20 km/heure. Ils courent d’ailleurs rarement plus de 20km par jour, surtout quand il fait chaud.

L’homme a probablement développé ces qualités de course lorsqu’il chassait dans la savane, à l’époque préhistorique. Il épuisait d’abord les animaux par de longues poursuites pour pouvoir ensuite les tuer sans danger. Sa botte secrète ? Ses glandes sudoripares, exceptionnellement nombreuses, qui lui permettent de continuer à courir dans la chaleur, un phénomène qui n’a pas d’équivalent dans le monde animal. La plupart des mammifères doivent s’arrêter après un certain temps ou courir plus lentement pour se rafraîchir. Pas l’homme : il est fait pour courir.

Courir avec son cerveau

Si le souvenir de Pheidippides s’est estompé depuis longtemps, nombreux sont pourtant ceux qui continuent à se demander si courir ainsi ne comporte pas de risques pour la santé. D’une part, il y a les blessures, fréquentes chez les coureurs. Un risque qui doit toutefois être ramené à de justes proportions : d’après des données suisses, le nombre de blessures chez les coureurs est de 2,5 fois inférieur à celui rencontré dans d’autres sports. Et même jusqu’à 6 fois moindre que dans le ski. Il est un fait que les coureurs amateurs se blessent plus souvent que les coureurs expérimentés. Des lésions généralement imputables à un entraînement inadapté. En cause, le désir d’aller trop vite, de faire trop de kilomètres par semaine, parfois après une blessure insuffisamment guérie. A titre indicatif, il est établi que le risque de blessures augmente considérablement à partir de 60 kilomètres d’entraînement par semaine. Si les coureurs professionnels se blessent moins, c’est parce qu’ils écoutent mieux leur corps. Ils adaptent leur rythme et leur vitesse en fonction d’indicateurs tels que la fatigue, la douleur musculaire, les courbatures, la soif, l’échauffement et le rythme respiratoire. Les amateurs ont tendance à ignorer ces signaux d’alarme. Courir vous vide la tête, disent les fans de marathon… mais cela ne doit pas
empêcher le cerveau de rester en éveil ! Autre risque souvent évoqué : les morts subites. Il est vrai que courir n’immunise pas contre l’infarctus ou les troubles cardiaques, et que certains problèmes seront toujours en partie imprévisibles. Lors du marathon de Londres, un homme de 47 ans est tombé, victime d’une crise cardiaque, alors qu’il courait son 38e marathon ! Ce genre d’accidents est heureusement rare. Sur les 650.000 participants que totalisent les 26 éditions du marathon londonien, on ne déplore que 8 décès, tous des hommes. 6 sont morts d’un trouble cardiaque et 2 d’une hémorragie cérébrale. Le risque de mort subite lors d’une épreuve comme le marathon est 3 à 4 fois inférieur à celui encouru en faisant du vélo pendant la même durée.

Du soleil plein la tête

Nombreuses sont les études qui pointent les effets bénéfiques de la course à pied sur l’équilibre mental. On considère que les coureurs sont en général moins introvertis et plus « positifs » que les non-coureurs. Ils sont moins souvent dépressifs, anxieux, confus, irritables ou névrosés. Ils sont plus détendus, psychologiquement plus résistants et émotionnellement plus stables. Leur confiance en eux de dépend pas de l’opinion des autres, et ils sont surtout motivés par des aspirations internes. Cette belle humeur est d’ailleurs un important baromètre de leur équilibre mental, et sa disparition un signal d’alarme. Elle peut être le premier signe d’une surcharge, surtout quand survient un excès de fatigue, quand les mêmes kilomètres aujourd’hui semblent plus difficiles qu’hier. Il faut alors se reposer. Mais certains coureurs sont tellement obsédés par le but à atteindre qu’ils se laissent prendre à leur propre piège : ils pensent que leurs mauvaises prestations résultent d’un manque d’entraînement et s’investissent encore davantage. Ce qui ne fait qu’aggraver leur état.

Longévité ?

Un marathon exige beaucoup de l’organisme, ce qui peut laisser des traces, par exemple au niveau de l’immunité. Mais là aussi, des nuances s’imposent. Durant les 3 à 72 heures qui suivent une course, les marathoniens seraient plus sensibles aux refroidissements, mais il ne s’agirait là que d’une baisse passagère de l’immunité. Car de manière générale, les coureurs sont moins souvent enrhumés que les non-sportifs, ils sont en meilleure santé et vivraient jusqu’à 9 ans de plus… mais il n’est pas sûr que cela s’applique aussi aux marathoniens. Quant à savoir si courir augmente le risque de problèmes musculaires ou autres, on n’en a aucune indication, même à un âge avancé. En d’autres mots, si vous avez la course dans le sang, vous pourrez courir vos kilomètres quotidiens pendant de longues années, avec une santé que bon nombre de contemporains vous envieront.

LeVifWeekend.be, avec Jan Etienne

Références : 1. Le numéro d’avril-mai de Sports Medicine (2007 ; 37 : 279-466) est intégralement consacré au marathon. Près de 50 exposés scientifiques abordent tous ses aspects sportifs. 2. Archives of Internal Medicine. 2002 ; 162 : 2285-94.

Des vétérans vifs comme l’éclair ! 1976 est une date importante dans l’histoire du marathon. Cette année-là, les organisateurs du marathon de New York, plutôt que de se limiter à Central Park, ont étendu le parcours à l’ensemble de la ville. A peine 3 ans plus tard, le nombre de participants passait de 2.000 à 12.000 ! Ce qui a aussitôt donné l’idée à d’autres villes d’organiser des marathons. Même le Comité olympique n’est pas resté insensible à cette soudaine popularité : en 1984, les femmes ont pu courir un marathon olympique pour la première fois. Depuis lors, elles ont sensiblement rattrapé leur retard : elles n’ont plus que 10 minutes de retard sur les hommes (2 : 04 : 55 par rapport à 2 : 15 : 25) ! Mais ce sont les personnes âgées qui ont été les plus étonnantes : le marathonien le plus âgé, Fauja Singh, a couru son dernier marathon à l’âge de 92 ans. Quant au meilleur temps senior, il a été réalisé par Ed Whitlock, 73 ans, en 2004. Il a couru le marathon en seulement 50 minutes de plus que l’actuel recordman, Paul Tergat, qui avait alors environ 40 ans de moins…

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