Elie Saab, une addiction

Francis Kurkdjian connaît le Liban sur le bout des doigts. Confessions d’un parfumeur aux fulgurances émouvantes.

Une inspiration.

« C’est un projet naturel pour moi. Je connaissais les silhouettes d’Elie Saab (et cette idée de robe de princesse) et le Liban, pour y être venu plusieurs fois bien avant le projet. Mais je ne suis pas parti de mes souvenirs olfactifs du Liban, parce que cela ne sent rien, enfin, rien… Oui, les soirs d’été, cela sent le jasmin mais cela sent aussi la ville, les pots d’échappements, les égouts – tout n’est pas super carré ici. J’ai également essayé de ne pas tomber dans le cliché du couturier libanais, d’une espèce de truc loukoumesque, mais plutôt de partir d’un ressenti dans la manière dont Monsieur Saab prend les choses de son patrimoine ou de sa ville et leur donne une forme de twist occidental – c’est cela qui m’intéressait et c’était aussi cela la difficulté. Je crois que j’ai réussi à ne pas faire une erreur de casting parce que j’aime Beyrouth, que c’est une ville très futuriste, tournée vers l’Occident et en même temps très moyen-orientale dans sa façon d’être, dans la vibration des gens, humainement et architecturalement. C’est une ville de tensions, un pays de tensions, des gens de tensions et c’est touchant. Cela fait un parfum de tensions, oui, il a de cela, pour moi, il est tendu, ce parfum – entre un truc super doux et pas super doux, entre un truc super fille et pas super fille du tout. »

La conception

« Je cherche d’abord un nom de code, le titre de mon histoire. Ce parfum, je l’ai appelé Nour, la lumière, parce que je trouve qu’Elie Saab est une marque lumineuse. C’est un couturier qui aime les femmes, son travail est de l’ordre de la parure, presque de la joaillerie, il y a un jeu subtil et un équilibre très particulier. J’ai imaginé l’odeur derrière tout cela. C’est un travail intellectuel, de création, d’anticipation, ensuite, je convoque les matières premières dont j’ai besoin et puis j’écris ma formule. Je ne compose plus là, elle est déjà faite ma composition à ce stade-là ! C’est un travail un peu pénible : trouver les bons ingrédients, les bonnes proportions pour arriver à l’idée du fantasme. Un parfum, c’est un fantasme réalisé. »

Le parfum

« Il sent très rond, il commence fleur et puis tout à coup, il y a un truc qui arrive qui n’est pas prévu au programme et qui l’envoie justement là où il ne faut pas aller, une espèce de note qui s’inspire d’une boisson libanaise qui s’appelle le jallab, c’est dément. Tout ici est assumé et tout cohabite parce que le Liban, c’est aussi cela. »

Anne-Françoise Moyson

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