La cosmétique à l’heure des soins sur mesure

Une peau n’est pas l’autre et ses besoins peuvent varier en fonction des saisons. De plus en plus de formules personnalisables, voire totalement sur mesure, tentent de répondre à ces nouvelles demandes.

L’histoire de la cosmétique s’est aussi écrite derrière le comptoir des pharmacies. Et le petit pot de préparation magistrale, spécialité de l’officine qui en inventa la formule, est parfois devenu la pierre angulaire d’un véritable empire, comme ce fut le cas pour Mixa ou Helena Rubinstein par exemple. Car la multiplication des références, conjuguée à l’augmentation des volumes vendus, a très vite imposé, même aux entreprises longtemps restées familiales, une certaine standardisation des produits. On sait pourtant qu’une peau n’est pas l’autre. Que chez un même individu, les besoins peuvent même différer selon la zone du visage, le style de vie – nuit trop courte, soirée trop arrosée, excès alimentaires -, voire la saison et le climat de l’endroit où l’on se trouve. En réponse à ces envies de soins à la carte, les acteurs du secteur, petits et grands d’ailleurs, distribuent désormais des formules personnalisables qui peuvent dans certains cas aller jusqu’à la préparation d’un sérum sur mesure.

Riche d’une expérience de 165 ans dans le domaine pharmaco-cosmétique, la marque américaine Kiehl’s, propriété du groupe L’Oréal, revient en quelque sorte à ses fondamentaux avec la gamme qu’elle a tout récemment lancée en Belgique. Sous le nom d’Apothecary Preparation, on retrouve un concentré de base, identique pour tous mais customisable au moyen de deux complexes d’actifs choisis dans un éventail de cinq boosters – un antirides, un adoucissant, un anti-rougeur, un éclaircissant et un anti-pores dilatés. Avant de repartir avec ses trois produits qu’il devra mélanger chez lui – les concentrés ne peuvent en aucun cas être appliqués directement sur la peau -, le client aura bénéficié d’un diagnostic établi au départ d’un atlas dermatologique compilant, en photos, toute une série de problèmes « standards » ne nécessitant pas de traitement médicalisé.

« Depuis des années, nous rencontrons dans nos points de vente des hommes et des femmes à la recherche du rituel le plus adapté à leur peau, note Cammie Cannella, vice-présidente de la formation internationale chez Kiehl’s, à l’origine de ce concept. Les millions de consultations que nous avons conduites avec eux au fil du temps, conjuguées à nos recherches, nous ont montré qu’afin de satisfaire les plus exigeants, nous devions leur offrir un sérum puissant, conçu sur mesure afin de cibler leurs deux soucis principaux. »

Coup de boost quotidien

Chez Clarins aussi, il est désormais possible de doper son soin de base, dans sa salle de bains, en ajoutant quelques gouttes de l’un des trois boosters – il est même permis de les mélanger si nécessaire – au moment d’appliquer sa crème. Ce n’est pas la première fois que la maison française propose ainsi des adjuvants à ses produits corps ou visage : avec son duo Addition Concentré Eclat, il était déjà possible de doser sa bonne mine en ajoutant quelques gouttes d’autobronzant à sa crème de jour ou son lait corporel. Le succès rencontré par ces deux complices du teint a plus que conforté la marque dans son idée, et pas moins de dix ans de recherches ont été nécessaires pour mettre au point chacun des activateurs de beauté.

« Qui mieux que la femme elle-même peut ressentir ce dont sa peau a besoin, note Marie-Hélène Lair, directrice de la communication scientifique chez Clarins. Le matin, si elle est fatiguée par une nuit trop courte, elle lui offrira un surplus d’énergie. Le soir, si elle perçoit un certain inconfort lié au climat froid ou à l’inverse une trop forte exposition au soleil, elle optera pour le concentré réparateur. Un lendemain de veille un peu festif, elle choisira notre formule détox qui ravivera l’éclat d’un teint brouillé. » Au plaisir physique de la pose de sa crème, s’ajoute celui de jouer au préparateur en se concoctant son petit cocktail bienfaisant.

Dans la même optique, de nouveaux acteurs de la cosmétique ont d’emblée fait le pari d’une gamme personnalisable, voire totalement sur mesure. C’est le cas notamment d’Ioma, qui a mis au point une série d’appareils de mesure high-tech au service de la peau. Installés dans une sélection de points de vente chez Planet Parfum, ils permettent un véritable état des lieux de l’épiderme. Des données qui seront conservées pour chaque cliente afin d’être comparées lors de ses visites, en vue d’effectuer un véritable avant/après et d’affiner le réglage de la combinaison beauté qui sera suggérée au terme de l’analyse à partir des cinquante références disponibles.

Des sérums de saison

Lancée en 2010 par Julien et Amandine Azencott, la ligne Codage partage une philosophie similaire. Face à ce qu’ils qualifient d’offre tentaculaire, le frère et la soeur revendiquent un retour aux sources de l’officine traditionnelle, plaidant pour que s’instaure un véritable dialogue entre un expert – le vendeur en l’occurrence – et un consommateur exigeant en quête de ce qui lui convient vraiment. « La beauté passe par la nutrition de la peau à bon escient, adaptée à tout besoin et à chaque instant », plaident-ils. A cette fin, le duo a développé une offre de sérums à utiliser en « mix & match », en complément d’une gamme de nettoyants, de masques et de crèmes plus généralistes convenant tant aux hommes qu’aux femmes. Au Care Studio d’Adrien Coelho, à Bruxelles, qui distribue le label en exclusivité pour la Belgique, la découverte passe par une simple conversation avec Sylvie, et idéalement par un rituel coup d’éclat d’une vingtaine de minutes en cabine qui permet à la praticienne d’observer l’épiderme au plus près et de proposer ensuite une combinaison optimale de fioles à pipettes pouvant contenir jusqu’à 70 % d’actifs purs. En marge de cette « garde-robe de soins » comme aiment la qualifier ses concepteurs, Codage a imaginé, pour les plus pressés, quatre sérums saisonniers. A noter qu’il est également possible de composer sa propre préparation « haute couture » – prévoir minimum 150 euros en fonction de la quantité de nutri-éléments présents -, en répondant en ligne à un questionnaire détaillé, et de se la faire livrer chez soi, frappée de ses initiales.

Chez Etat Pur, c’est de la même manière sur la base d’un document rempli sur le Web qu’une « ordonnance » beauté est ensuite élaborée, le côté désincarné de l’analyse pouvant être compensé par une discussion sur la Toile avec une conseillère prête à répondre à des interrogations complémentaires. Comme chez Codage, la transparence est mise en avant, tant sur la nature des actifs utilisés que sur leurs bénéfices avérés et sur leur provenance. Une démarche écoresponsable qui se retrouve, en parallèle, dans le choix des packagings plébiscités en fonction de leur impact minimum sur l’environnement.

La recette fonctionne d’ailleurs aussi très bien dans le bio, comme en témoigne Sophie Trenteseaux, fondatrice du label belge Senz. Dans sa boutique du même nom, les amateurs de produits 100 % naturels peuvent fabriquer leur soin de A à Z. Mais la jeune femme dispose également de formules clés en main qui ne nécessitent que quelques minutes de préparation sur place ou à la maison. « Nous mettons à disposition une série de « bases » – pour le visage, le corps et même les cheveux – qui peuvent se suffire à elles-mêmes ou être améliorées avec des cocktails d’huiles essentielles déjà prêts, ou une sélection d’huiles choisies à la carte en fonction des envies particulières de la cliente, détaille-t-elle. Il n’est pas nécessaire d’ajouter plus de dix gouttes dans un pot de 50 ml. On mélange à la spatule et c’est prêt. » Dans tous les cas, la peau n’a plus qu’à profiter.