Peter Philips, maître de Chanel

Interview de Peter Philips, directeur artistique du maquillage Chanel.

C’est depuis New York, où il pilote désormais le nouveau studio de création, que Peter Philips a repris la direction artistique du maquillage Chanel. Une fonction que notre compatriote assume officiellement depuis le 1er janvier dernier, faisant suite au duo mythique constitué par Dominique Moncourtois et Heidi Morawetz pendant plus de vingt ans. Une belle consécration pour ce Belge de 40 ans, diplômé de l’académie des Beaux-Arts d’Anvers, et connu pour ses maquillages avant-gardistes réalisés avec les plus grands photographes de mode – Irving Penn, Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin, Patrick Demarchelier, Mario Testino ou encore Peter Lindbergh – pour les revues internationales les plus prestigieuses. Interview.

Comment s’est faite votre intégration chez Chanel ?
Tout s’est fait de manière très naturelle. Je maquillais déjà en free-lance sur les défilés Chanel, sur les campagnes de publicité de la marque avec le photographe Patrick Demarchelier. J’avais déjà fait des shootings avec Karl Lagerfeld en plus de mon travail pour Givenchy, Estée Lauder et Armani. Les dirigeants de Chanel cherchaient quelqu’un qui appartienne à la nouvelle génération de maquilleurs et ils ont fait appel à moi. J’ai travaillé pendant plusieurs mois auprès de Dominique Moncourtois et Heidi Morawetz. La transition s’est faite en douceur.

Que représente pour vous la maison Chanel ?
C’est une maison unique, une grande maison. Une « family business » aussi. Chanel a une identité forte, qui s’appuie sur une véritable histoire, tout en étant très moderne.

A ce propos, comment intégrer l’héritage de la maison Chanel tout en étant innovant ?
Chanel est une griffe classique avant-gardiste, tout comme l’était Mademoiselle Chanel. En terme de make-up, elle a su proposer des rouges à lèvres innovants, un packaging ultrachic, des produits éphémères en éditions limitées, a su imposer le vernis noir… elle a toujours une longueur d’avance.

Mais quelle est donc la Peter Philips touch ?
Je suis très travailleur. Ma force, c’est ma base mode. Je suis diplômé de l’Académie d’Anvers. Je respecte le travail des autres. Je ne m’impose pas mais si je crois en une idée, je peux me montrer ferme. Parfois, je plonge dans des recherches très créatives… Vous souvenez-vous du masque de Mickey que j’avais réalisé en dentelle de Chantilly et qui avait été photographié par Irving Penn.

Vous avez commencé par la mode. Comment en êtes-vous venu au maquillage ?
J’étais étudiant à Anvers la même année qu’Olivier Rizzo. J’ai assisté à des défilés de créateurs belges à Paris et lorsque j’ai vu le travail des équipes de maquilleurs, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire dans ce domaine. C’était en janvier 1995. Je me suis alors donné trois ans, j’ai d’abord travaillé en Belgique mais surtout pour des magazines néerlandais. J’ai fait mon premier défilé avec Veronique Branquinho. Puis j’ai poursuivi avec Olivier Theyskens, au moment où il a « explosé », ainsi qu’avec Raf Simons. Je suis ensuite parti à Londres, pendant un an, et enfin à New York où ma carrière a décollé. Ma première couverture du Vogue France avec Christy Turlington remonte à six ans. Je me suis lancé comme maquilleur à l’âge de 28 ans. Cela fait douze ans déjà ; tout est allé très vite. Il faut dire que je n’ai fait que travailler : j’ai pris seulement quatre ou cinq semaines de vacances en douze ans !

Quels sont vos créateurs belges préférés ?
Assurément Dries Van Noten. Je suis inspiré par ses couleurs. Sa collection printemps-été m’a donné l’idée d’un eye-liner fluo couleur corail. Les femmes du monde entier ont quelque chose dans leur garde-robe de Dries Van Noten. J’apprécie Martin Margiela aussi : il a changé la mode, la manière de porter le vêtement. C’est grâce à lui que l’on a commencé à faire des expérimentations. Il a révolutionné la mode d’une manière très subtile, comme avant lui Gabrielle Chanel.

Y a-t-il, selon vous, un style belge en make-up comme il y a en un en mode ?
Ce serait peut être le style « no make-up ». Je crois que ce qui caractérise le plus l’école belge, c’est un esprit d’individualité dans le sens positif du terme. Je veux dire par là que les créateurs belges cultivent l’unicité. En ce sens, mon style est « individuel » et c’est cela qui plaît je crois.

Qu’est-ce qui booste votre créativité ?
La beauté des mannequins, le style du photographe, le stylisme… Mais cela peut être aussi un livre, un film. New York m’inspire beaucoup également. Là-bas, je regarde les gens dans la rue, je suis très observateur.

Que pensez-vous apporter à Chanel ?
Je compte surtout maintenir le même niveau d’exigence. Ajouter un esprit de challenge, trouver des idées, rénover tout en poursuivant les recherches déjà lancées. Je ne suis pas là pour changer quelque chose mais pour maintenir le niveau aussi haut qu’il l’est. Ce n’est pas le maquillage Peter Philips que je crée mais celui de la maison Chanel. Avec un grand respect pour ce qui a déjà été accompli. Cela dit, j’aurais sûrement une manière de travailler différente de celle de Dominique Moncourtois et Heidi Morawetz.

Quelle est, selon vous, la place du maquillage dans la mode ?
C’est une partie essentielle de la mode. Je transporte avec moi une valise pleine de produits de maquillage. Elle contient aussi un petit pot vide. C’est nécessaire d’utiliser un pot vide. Il n’est pas toujours obligatoire de faire quelque chose. Ne pas maquiller, c’est déjà du maquillage.

Quelles sont les femmes qui vous inspirent ?
Ce sont plutôt les aspects iconiques d’une personnalité qui m’inspirent. Les femmes d’une certaine maturité : Gabrielle Chanel, Claudia Schiffer, l’égérie de la nouvelle campagne de publicité prêt-à-porter printemps-été 2008 de Chanel, mais également Sophia Loren avec qui j’ai réalisé le calendrier Pirelli.

Poursuivez-vous en parallèle un travail de mode ?
Oui, je viens de faire une couverture du magazine anglais Pop avec Sienna Miller, qui était très belle. Et puis je compte également poursuivre ma collaboration avec Dries Van Noten sur les défilés.

Propos recueillis pas Agnès Trémoulet

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