Psycho: cet été, on assume sa sexualité !

Une sexualité assumée © Getty Images/PhotoAlto

Journaliste trentenaire, Emily Witt refusait d’être une célibataire frustrée. Alors elle s’est lancée, corps et âme, dans une enquête sur le sexe contemporain. Et a découvert des univers insoupçonnés.

Le sexe fascine encore et toujours. Il semble plus accessible que jamais, mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce le nirvana constant ? Le monde a-t-il évolué en matière de pratique et de mentalité ? Journaliste pour The New Yorker et The New York Times, Emily Witt s’est penchée sur la question en s’épanchant sur ses propres doutes. Plus qu’une étude, il s’agit d’une aventure dédramatisant le sujet. Ecrit avec un ton qui rappelle celui de Carrie Bradshaw, l’héroïne de la série Sex and the City, il fait preuve de gourmandise, de franchise et de désinvolture. Le pitch : si les clichés quant au prince charmant ou à l’Amour avec un grand A ont la dent dure, il existe néanmoins mille et une possibilités pour explorer ses désirs et ses fantasmes. Polyamour, festivals hédonistes, méditation orgasmique, rencontres virtuelles : Emily a tout testé… Et encourage chacun à s’ouvrir aux autres et à soi-même.

Pourquoi être devenue le sujet de votre objet d’étude ?

Ce n’était pas planifié, mais en enquêtant sur le sexe, je me devais d’interroger mon expérience, sinon je serais restée trop distante. Ce sujet semble si subjectif qu’il m’a fallu l’approcher de l’intérieur. Comment ne pas être affectée par ces expériences et ces rencontres ? Elles ont retenti sur ma vie. La société change à une vitesse folle. Le mariage, comme institution monogame, n’est plus valable. Aux Etats-Unis, la moitié des adultes vivent en dehors de cette entité. Ils multiplient les expériences, en étant plus ouverts et tolérants qu’avant. Malgré cette libération, les jeunes ont du mal à exprimer leurs sentiments et leur vulnérabilité. Ça induit des malentendus. La sexualité contemporaine se veut casual, mais il y a des différences entre hommes et femmes. Ces dernières formulent moins leurs envies et restent prudentes quant à la contraception ou la protection contre les MST. Loin d’être monogames, elles aspirent à plus d’égalité.

LA SEXUALITÉ INCARNE UNE PART VITALE DE SOI. SI ON LA CACHE, ON BRIME TOUTE SA VIE.

Le couple est-il prisonnier de clichés ?

Nous rêvons tous du conte de fées, avec l’amour en guise de happy end. Jadis, la sexualité me semblait inhérente à la fondation d’une famille, or je me suis retrouvée vieille fille. Les femmes politiques incarnent ces clichés bien ancrés en nous. Michelle Obama représente le modèle traditionnel,  » respectable  » et romantique, alors que chez Hillary Clinton, l’aspect sexuel a été effacé. Nul ne tient compte des célibataires, des familles monoparentales ou des homosexuels. Je ne rejette pas tout, c’est juste qu’il existe tant d’options.

Est-il plus difficile de trouver l’amour ?

Non, ça a toujours été une denrée rare, mais nous sommes plus exigeants. On veut tout : la carrière, l’amour, les enfants, une sexualité épanouie et une jeunesse éternelle. De plus en plus de gens refusent de s’engager à vie. Difficile d’imaginer qu’une seule personne puisse nous combler sur tous les plans.

L’évolution des femmes a-t-elle modifié le paysage sexuel ?

Longtemps, la sexualité féminine a été opprimée. Leur liberté peut effrayer ces messieurs, mais elles s’autocensurent trop souvent. Avant d’écrire ce livre, j’avais peur de m’interroger sur mes désirs. Idem avec la pornographie. Les femmes sont attirées par les histoires, mais les images excitantes titillent aussi leur sexualité, pourquoi le nier ? Le sexe est encore présenté comme une alchimie magique, mais les filles ont besoin de tester d’autres plaisirs pour explorer la part méconnue d’elles-mêmes.

En Occident, le sexe est omniprésent. Est-ce une liberté ou une pression ?

C’est très paradoxal car malgré cette avancée, il reste une pression familiale et religieuse, encourageant la femme à servir l’homme. Chez les jeunes, on note une obligation orgasmique et une envie de sexe facile, n’impliquant ni sentiments ni engagement. Nos sociétés individualistes comptent plein de célibataires solitaires. Il y a tant de choix que les gens sont perdus. Tous les mouvements de self-help nous font croire qu’on peut maîtriser sa vie et ses émotions. Quel leurre ! La sexualité contemporaine est donc libératrice. Pour vivre son épanouissement, hors des structures imposées, il faut oser sortir de sa zone de confort.

Quel est l’impact des nouvelles technologies sur les pratiques sexuelles ?

, par Emily Witt, Seuil, 271 pages.
, par Emily Witt, Seuil, 271 pages. © GETTY IMAGES / SDP

Cet accès facile, à l’imagerie sexuelle et aux rencontres potentielles, influence nos comportements. Les applications comme Tinder ou certains sites le permettent, mais c’est plus complexe de construire une relation sérieuse sans vrais tête-à-tête. Internet aime les histoires idéalisées, or cela engendre un fossé entre la réalité et le virtuel. Je ne crois pas que le sexe, via la Toile ou la webcam, l’emportera sur l’expérience physique. Le virtuel doit rester un jeu, offrant des relations anonymes et désinhibantes. Il permet de se découvrir autrement. Les femmes sont trop attachées à la romance, j’espère qu’à l’avenir, elles exploreront leurs désirs profonds.

L’amour et le sexe sont-ils encore compatibles ?

L’amour reste transcendantal, mais il faut avoir la chance de le vivre. Ce livre montre qu’on peut avoir une vie sexuelle dépourvue d’amour, sans pour autant être malheureux. Avant cette enquête, j’étais timide, naïve et craintive du jugement d’autrui. La rencontre avec les autres m’a décoincée physiquement et mentalement. La sexualité incarne une part vitale de soi. Si on la cache, on brime toute sa vie. On peut la vivre de façon plus épanouie et authentique. La monogamie maritale sera remplacée par le polyamour. Les évolutions sociales et technologiques s’accélèrent et nous permettront de nous ouvrir à d’autres mondes.

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