Au Togo, toutes les raisons sont bonnes pour trinquer à coup de tchouk’

Un "street bar" (bar de rue) au Togo. © Peeter Viisimaa

A l’entrée de la maison de Mme Badanani, une petite calebasse est suspendue à un piquet de bois: c’est le signe distinctif des points de vente de tchoukoutou, boisson artisanale revenue en grâce au Togo face à l’augmentation du prix des bières manufacturées.

La sexagénaire, une vendeuse réputée de Nyekonapoè, quartier populaire de Lomé, remue sa bouillie de sorgho dans une marmite posée sur un grand fourneau. Au milieu de sa cour, une vingtaine de jeunes dansent le kamou, célèbre rythme kabyès (ethnie du nord du Togo), avec en mains, le précieux breuvage.

Le tchoukoutou, ou « tchouk » pour les intimes, est traditionnellement très prisé dans le nord du Togo, notamment chez les Kabyès. Mais la tradition s’est répandue à l’ensemble du pays et les revendeurs se multiplient dans la capitale portuaire.

Plus ou moins alcoolisée en fonction de sa fermentation, la boisson préparée à base de sorgho, de maïs ou de mil, a d’abord conquis les jeunes, mais pas seulement, se réjouit Mayéna, vendeuse de tchouk sous un arbre d’Attiégou, un quartier périphérique de Lomé. « Certains fonctionnaires viennent régulièrement chez nous, surtout à l’heure de la pause déjeuner », assure-t-elle, vêtue d’un tablier de cuisine frappé de la mention: « Chez tanti tchouk ».

Fierté nationale

Fortement nutritive, la boisson est consommée pour les fêtes mais aussi en complément des repas. « Certains hauts cadres, même des ministres, envoient leurs collaborateurs leur acheter quelques bidons. C’est une fierté pour notre pays, nous devons consommer les produits +made in Togo+, et les valoriser », dit Mayéna.

Consommer les produits locaux est même devenu en partie une nécessité, en raison des variations de taux de change et du coût élevé des importations ou des produits manufacturés.

« Je me suis rabattu sur le tchoukoutou depuis plus de deux ans parce que la bière vendue en bouteille coûte de plus en cher. Avec la boisson locale, j’éprouve pratiquement le même plaisir et à moindre coût », confie M. Kossigan, conducteur de taxi-moto.

La boisson est toujours servie aux clients dans des calebasses, récipients fabriqués à partir de cucurbitacées séchés et creux, car dit-on, ce serait un gaspillage gustatif de le boire dans des verres ou dans des bols: « C’est le fond de la calebasse qui fait ressortir le goût et la saveur de cette bière », affirme Hodabalo Andjo, 75 ans, instituteur à la retraite.

« Nos ancêtres faisaient sortir cette boisson pendant les funérailles des notables, occasions de grandes réjouissances. Les villageois chantent, dansent et boivent sans modération », explique ce Kabyès, assis devant une petite calebasse à moitié remplie de tchouk.

Certains lui trouvent même des valeurs médicinales, pour aider à soigner le paludisme mais pas seulement: Elom Adjivi, maître-tailleur affirme que le kablèmissine l’aide « à retrouver toute +sa+ force, après le petit-déjeuner ».

Les consommateurs ont le choix entre trois sortes de tchoukoutou : le tchakpalo, le kablèmissine et le lossomissine. Les deux derniers sont fort appréciés par les jeunes, car bien fermentés et alcoolisés.

Le breuvage est consommé au petit-déjeuner, en dessert, lors des soirées arrosées du weekend…

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