En Islande, certains digèrent mal le saumon d’élevage de Jamie Oliver

© Reuters

« Quelle belle vue! », s’exclamait le cuisinier vedette Jamie Oliver en montrant des cages à saumon en Islande, sur fond de falaises enneigées. Mais ce que les gens ont remarqué, c’est qu’il allait servir du poisson d’élevage.

Le célèbre chef britannique doit ouvrir un restaurant de spécialités italiennes le 17 juin, jour de fête nationale, à Reykjavik, destination touristique à la mode. À côté des antipasti, des lasagnes et des pizzas, le saumon serait le plat du jour.

Sur Facebook, le 24 avril, cette star de la gastronomie s’est enorgueillie d’être fournie en « poisson durable » par Arnarlax, le plus grand producteur de saumon d’élevage du pays, avec six fermes et plus de 10.000 tonnes en 2016.

Ces termes ont interloqué certains, et ulcéré tous ceux qui voient la pisciculture comme un désastre environnemental.

« Jamais je ne mangerai chez vous et j’inciterai mes clients à vous fuir. Très décevant de vous voir acheter à ces types qui sont voués à faire un tort grave au saumon sauvage en Islande », a réagi sur Facebook un agent de voyage, Jon Gunnar Benjaminsson.

Beaucoup d’autres internautes toutefois, indifférents à la polémique, se disaient impatients d’aller dîner chez Jamie’s Italian Iceland. Et en supermarché, le saumon est pratiquement toujours d’élevage.

– Poux de mer –

Les plus remontés sont les pêcheurs à la ligne, fanatiques du saumon sauvage, qui ont une dent contre son cousin industriel. « Sur la planète où je vis, jamais ce poisson n’est considéré comme durable », s’indigne Haraldur Eiriksson, directeur des ventes chez Hreggnasi, un des plus grands clubs de pêche à la ligne d’Islande.

« Le problème n’est pas le produit en lui-même. Je suis sûr que c’est un produit bon et sain », dit-il à l’AFP.

Le souci, c’est l’environnement. « C’est une industrie qui crée beaucoup de parasites, en particulier les poux de mer », s’inquiète Orri Vigfusson, président du Fonds pour le saumon de l’Atlantique-Nord (NASF), qui cherche à faire retrouver à l’espèce son caractère sauvage.

« Les poux de mer vont partout dans les fjords et ils sont très très mauvais pour le saumon atlantique sauvage juvénile à la sortie de la rivière: ils l’attaquent et finissent par le tuer », souligne-t-il.

Un groupe de centaines de pêcheurs et agriculteurs islandais a attaqué en justice Arnarlax en janvier, demandant à un tribunal de Reykjavik d’annuler l’autorisation d’élever des saumons dans les fjords du nord-ouest.

L’équipe de Jamie Oliver n’avait pas anticipé cette mauvaise pub. « Nous avons été assez surpris par les réactions », admet Jon Haukur Baldvinsson, l’un des associés du futur Jamie’s Italian Iceland.

– Idées reçues –

« Nous n’avons pas encore décidé si nous mettrons du saumon au menu », précise-t-il. Des contrôles de qualité doivent encore être réalisés par l’équipe du chef britannique. « Et quand bien même, ce serait probablement en plat du jour, en fonction de la demande et donc en petite quantité ».

Pour ce partenaire de Jamie Oliver, « ça n’a rien d’unique: la plupart des restaurateurs n’achètent pas de saumon sauvage », trop rare pour être à la carte régulièrement.

Arnarlax plaide le malentendu. « C’est peut-être aussi de notre faute, nous n’avons pas assez informé les gens en Islande sur la façon dont nous faisons l’élevage de saumon », avance le directeur des ventes Omar Gretarsson. Il déplore des idées reçues venues des problèmes de la pisciculture norvégienne.

L’aquaculture en Islande a le vent en poupe. Une quarantaine d’entreprises ont produit 15.129 tonnes en 2016, un record sur les dix dernières années, avec le saumon comme espèce la plus fréquente, selon l’Autorité alimentaire et vétérinaire.

Il faut dire que les permis d’exploitation sont bon marché: jusqu’à 22 millions de couronnes islandaises (190.000 euros) pour les plus onéreux, contre 10 millions de couronnes norvégiennes (1,1 million d’euros) en Norvège.

Arnarlax se défend de toute infection par des parasites. « Jusqu’à présent, la fraîcheur de l’océan après la période hivernale est un traitement naturel, mais nous devons être vigilants », soutient M. Gretarsson.

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