Ils ont tout plaqué et changé de vie pour se lancer dans la boulange bio (en images)

Thomas Teffri-Chambelland © AFP

Stewart d’Air France, directeur financier aux Etats-Unis, juriste d’entreprise… Ils sont dix à avoir plaqué leur vie d’avant et à s’affairer dans le « laboratoire » de l’Ecole internationale de boulangerie, à Noyers-sur-Jabron dans les Alpes-de-Haute-Provence, au sud-est de la France. Adieu comités exécutifs et rapports d’activités, les élèves, à 30, 45 ou 60 ans, mettent la main à la pâte. Au programme, dans un bâtiment aux allures de chalet en bois, façonnage de miches au levain naturel et surveillance du pétrin, au degré près.

Yuko Makino, qui a quitté à 33 ans « un travail administratif ordinaire », s’applique à diviser des « pâtons » souples et mordorés. Comptant sur l’appétence pour les produits français, elle compte ouvrir une boulangerie-café dans le centre du Japon, d’où elle vient. De la « pré-fermentation » à la cuisson en passant par la « rhéologie » des pâtes, le contrôle du taux d’hydratation ou « l’alvéologie », les méthodes sont sans additif et 100% naturelles, mais rien n’est laissé au hasard.

– De Toulouse à Hong-Kong –

« Oui, on peut être boulanger en trois mois », quitte à se perfectionner ensuite, estime Thomas Teffri-Chambelland, le fondateur de cette école, indépendante des grands groupes meuniers qui fournissent l’essentiel des artisans-boulangers en France. Un artisanat en crise qui n’a « pas grand-chose » à voir avec la profession de boulanger bio. Ici, on ne travaille qu’au levain naturel, un procédé qui exige bien plus de temps. Dans ce secteur porteur, plus de cent anciens ont déjà lancé leur affaire, de Toulouse à Hong-Kong en passant par La Réunion et des villes moyennes.

L’école, seule en France à délivrer un diplôme de boulanger bio, compte sur ses résultats (80% des anciens montent leur entreprise, aucune n’a fermé depuis 2006 selon la direction) pour renouveler cette année sa reconnaissance par l’Etat, acquise en 2013. En attendant l’établissement est plein, un an à l’avance. Signe que beaucoup partagent la même « quête de sens ».

Parmi eux, Sophie Ortiz, une Berlinoise en a eu assez de voir son job d’éditrice de manuels scolaires de plus en plus déshumanisé, « pré-formaté ». Son graphiste se délocalise en Nouvelle-Calédonie, le maquettiste en Australie. Elle ne communique plus que par le réseau. « A un moment, tu te demandes ce que tu fais là. N’importe qui pourrait être à ta place », déplore cette mère de cinq enfants.

Daniel, négociant en bijouterie fantaisie, a sauté le pas après un coup de blues. Il travaillait de chez lui, à distance avec des fabricants indonésiens : « Mes enfants étaient incapables de dire quel était mon travail. Tout le monde pensait que je ne foutais rien ».

– « Les pieds sur terre » –

Certains étudiants se financent par la formation professionnelle, les autres paient environ 12.000 euros. « On prend des adultes qui ont les pieds sur terre », explique M. Teffri-Chambelland. « Ils arrivent avec une bonne part de rêve qu’on s’applique à dégonfler et à préserver en même temps », raconte l’enseignant qui les aide à monter leur « business plan ».

Tous ont déjà un projet précis en tête, comme Pascal Pellaudin, qui a plaqué à 43 ans un job de directeur financier à 200.000 euros par an. Il s’y sentait « comme un pion occupé à faire le bonheur d’un grand chef ». Etabli à Boston, il a investi ses économies et sa future retraite pour y monter son enseigne « Only Sourdough », et s’affaire avec trois apprentis à son programme de la matinée : préparer 25 pains complets, 8 brioches, 40 baguettes et 15 pitas.

Le directeur de l’école a, lui aussi, eu une première vie, prof de bio au collège, avant de choisir la boulange. Amoureux des céréales et de la panification naturelle, M. Teffri-Chambelland a fondé plusieurs boulangeries et un moulin à farine de riz, garanti sans gluten. Son nouveau rêve : créer un conservatoire pour sauvegarder des recettes de pains traditionnels du monde entier.

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