La nouvelle cuisine juive

La leçon est plus que jamais d’actualité à l’heure où il convient de se porter responsables des ressources de la planète.  » Sans compter que l’un des préceptes casher  » tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère  » a fait naître toute une série de recettes – notamment pâtissières – qui séduisent les intolérants au lactose, de plus en plus nombreux, quelle que soit leur orientation religieuse.

Montée en puissance

Si Elvira plaide avec conviction la cause de la cuisine juive, d’autres marqueurs sont là pour en pointer la montée en puissance. De la même façon que les pizzas ont préparé l’avènement de la gastronomie italienne et les sushis celui de la nippone, certaines préparations issues de la tradition juive invitent les palais européens à la découverte. C’est d’ailleurs une constante des différentes world food qui émergent : elles sont toujours précédées par un mets emblématique – en général à l’esprit très street food – livrant une version  » digest  » de la cuisine en question. Ce sont d’abord les falafels qui ont joué les ambassadeurs. Il est piquant de savoir que si le mets est représentatif de la table israélienne, ses origines sont libanaises. Ces boulettes à base de pois chiches, d’oignons et d’ail, se sont répandues dans le monde entier, notamment sous la pression d’un temps de repas sans cesse plus court et d’une demande végétarienne croissante. Idem pour l’houmous, condiment particulièrement à l’aise avec une nourriture savourée en petites portions, un gimmick cher à l’époque. Mais le poids lourd du genre est sans aucun doute le bagel, petit pain juif d’Europe centrale, qui a gagné ses lettres de noblesse de l’autre côté de l’Atlantique… avant de revenir en force sous nos cieux. Dégusté avec un mélange de fromage frais, de saumon fumé, d’oignons rouges, de tomates et de câpres, on le trouve aujourd’hui dans toutes les néo-cantines dignes de ce nom, de Paris à Londres, en passant par Bruxelles.

Deux facteurs ont encore accéléré le mouvement. Il y a d’abord l’essor du vin israélien dont la reconnaissance tient à la prolifération en Israël des  » boutique wineries », soit une constellation de petits producteurs signant des flacons de qualité. Exit les jus fades fatigués de soleil, vive la fraîcheur et la complexité aromatique tant recherchées par les amateurs. Ce renouveau viticole a entraîné dans son sillage une autre dynamique positive : les chefs ont eu envie de faire vibrer ce patrimoine gustatif à l’unisson d’un répertoire réinventé. Du coup, une série de toques se sont mises à repenser la cuisine juive à l’aune des gastronomies espagnoles et scandinaves en plein buzz. À Tel-Aviv, c’est Aviv Moshe, un chef passé par feu El Bulli, le mythique restaurant de la Côte catalane, classé meilleur du monde, qui fait office de pionnier. Son Messa est la coqueluche design de la jeunesse dorée de la ville. Cette adresse fait valoir quatre grandes tables d’hôtes qui se partagent la longue salle blanche émaillée de faux marbre. Le succès est au rendez-vous, Wallpaper* a hissé Messa parmi les 80 meilleurs restaurants de la planète. Son style ? Audacieux, façon poitrine d’oie fumée chou-fleur ou joue de boeuf accompagnée d’une crème de patates douces au gingembre. Meir Adoni, chef du Catit, fait lui aussi la Une. À près de 40 ans, ce talent a voyagé à travers le monde pour signer une cuisine israélienne nourrie d’influences étrangères tout en restant farouchement méditerranéenne. Quant à Rafi Cohen du Rafael, il se profile comme le grand alchimiste d’un métissage néo-oriental. À Jérusalem, Michael Katz, à la tête de plusieurs adresses – Adom, Colony et Lavan -, propose, lui, une cuisine très personnelle qui colle aux produits locaux à coups d’aubergines grillées, de fromages de chèvre revisités avec des herbes ou de risotto de petits pois et pistaches.

Plus proche

À Paris, Yayin, un restaurant  » chic et cacher  » du XVIIe arrondissement, s’inscrit dans la voie du renouveau. Axé autour du vignoble israélien issu des différents terroirs (Haute Judée, plateau du Golan, désert du Néguev), il entend  » mixer les différentes cuisines juives du monde de façon créative et moderne « . Dans l’assiette, cela donne des fusions étonnantes telles que du gefilte fish – la fameuse carpe farcie – au lait de coco, un strudel aux champignons sauvages ou un haroset du seder – une préparation à base de noix, de pommes et de cannelle – de Pessah en croûte sur un magret de canard. Difficile pour le moment de goûter à cette effervescence en Belgique même si l’on compte quelques traiteurs et restaurants réputés : Food Art Europe et Serfati à Bruxelles, Hoffy’s et Lamalo à Anvers. À suivre : Loulou, à Bruxelles, une petite adresse urbaine à la fois restaurant et traiteur. Pastrami fait maison et bagels savoureux sont au programme mais également des préparations plus exclusives – et directement inspirées de la tradition ashkénaze – comme l’assiette Klezmer qui fait la part belle aux foies de volailles hachés accompagnés d’oeufs, d’oignons et de pommes de terre.

Et aussi: Les adresses chez nous

Food Art Europe, 52, rue Gheude, à 1070 Bruxelles. Tél. : 02 522 25 52.Hoffy’s, 52, Lange Kievitstraat, à 2018 Anvers. Tél. : 03 234 35 35. www.hoffys.be

Lamalo, 21, Appelmansstraat, à 2018 Anvers. Tél. : 03 213 22 00. Loulou, 110, rue de Stassart, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 513 05 80. Serfati, 37 rue Brogniez, à 1070 Bruxelles. Tél. : 02 521 08 11. Shoresh, 12, rue Henri Wafelaerts, à 1060 Bruxelles. Tél. : 02 343 18 48. www.shoresh.be

À lire

Les bonnes recettes choisies de la cuisine yiddish, par Mamie Goldé, Folies d’encre (disponible chez Filigranes, à Bruxelles). Le grand livre de la cuisine juive ashkénaze, par Florence Kahn et Stéphane Lagorce, Hachette Pratique.La cuisine de la diaspora, par Deborah Haccoun et Antoine Schneck-Rosenfeld, Minervois. La cuisine juive, par Claudine Farhi, Marabout.

Michel Verlinden

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content