La passion du grand cru

© Frédéric Raevens

Dans un coin de paradis fortifié du Limbourg, Peter Colemont produit un Chardonnay tellement savoureux qu’un millionnaire américain a fait des pieds et des mains pour s’en procurer douze bouteilles…

Peter Colemont vit à Gors-Opleeuw, un petit hameau rural d’à peine 400 habitants. La région est magnifique. Elle abrite des témoins du passé médiéval de la Hesbaye : quatre châteaux où, jadis, la noblesse et la riche bourgeoisie adoraient festoyer autant que s’enivrer. Face à ces beaux alentours, chaque jour, notre homme se rappelle de la chance qu’il a de pouvoir réaliser son rêve de viticulteur. A 51 ans, après avoir abandonné son poste de professeur en biologie et d’écologie au collège de Saint-Trond, il profite allègrement de sa seconde vie. Il organise des dégustations, transmet ses connaissances le soir venu et donne des formations sur l’accord mets-vins, à Hasselt. Le reste de son temps ? Il le consacre à une seule chose : faire du bon vin. En ayant opté pour une petite entreprise viable, il peut se consacrer pleinement au processus de vinification, loin des tâches logistiques et administratives qu’il déteste. Il insiste d’ailleurs sur un point :  » L’erreur la plus fréquente chez les viticulteurs est de vouloir s’agrandir à tout prix, occultant souvent la passion au profit du business.  » L’unique souhait de Peter est de produire des bouteilles de qualité, capables de rivaliser avec les grands crus de Bourgogne. Un voeu déjà exhaussé en partie : lors d’une dégustation à l’aveugle, Jancis Robinson, l’un des spécialistes en vin les plus renommés de la presse viticole (il écrit notamment pour le Financial Times) était persuadé d’avoir en bouche un superbe Puligny-Montrachet… qui est considéré comme l’un des meilleurs vins blancs du monde.

 » Cet amour du vin, je l’ai hérité de mon père, explique Peter. Lorsqu’il ouvrait une bonne bouteille avec des amis, il y avait une atmosphère magique à la maison. Le vin était la base de discussions philosophiques. J’avais 12 ans quand mon père est mort. A 18 ans, ma mère m’a montré les bouteilles qui se trouvaient toujours à la cave. Je les ai goûtées et j’ai compris à ce moment-là ce que je voulais faire plus tard.  » Son parrain, Jean Bellefroid, possédait son propre vignoble à Kerniel, où il produisait des vins depuis les années 60. C’est lui qui initia Peter.  » J’ai commencé en 1993 avec 300 pieds de Chardonnay dans le jardin de la maison. Peu de temps après, j’ai découvert près du château d’Opleeuw un jardin potager laissé à l’abandon. Un petit coin de paradis que j’ai acheté au propriétaire du château vivant un peu plus loin. En faisant quelques recherches, j’ai découvert que, 200 ans plus tôt, des vignes poussaient déjà dans ce jardin, à côté des figues, des artichauts et des pêches. En 2002, sous les conseils de spécialistes bourguignons, j’ai planté 250 pieds de Pinot Beurot et 4 250 pieds de Chardonnay…  » Le vin blanc Nuits-Saint-Georges lui a servi de modèle. Une analyse du sol lui a permis de déterminer la présence de chaux et d’argile, idéal pour le Chardonnay. Quant au Pinot Beurot, il assure un vin plein, gras, presque onctueux, avec de belles notes de fruits jaunes.

Des ressources naturelles

Le vignoble, planté en lignes à l’aide de tuteurs et offrant un bel espacement entre chaque pied (qui permet l’ensoleillement et empêche la pourriture de s’installer), est parfaitement entretenu. Un haut mur de trois mètres protège la vigne des vents froids du nord. Quant au microclimat du domaine, il est comparable à celui de Dijon, en Bourgogne. Les nuisibles ? Le propriétaire essaye de les combattre de façon naturelle :  » Dans un coin, j’ai construit un édifice pour recevoir les crécerelles. Les rapaces me débarrassent des rongeurs. J’ai également installé un nichoir pour les mésanges, qui consomment une centaine de chenilles par jour. Mais les plus grands ennemis de la vigne sont les champignons liés à la pourriture blanche ou la moisissure. Là encore, je fais confiance à la nature autant que possible, pour éviter de devoir utiliser des produits chimiques. Hélas, en cas de forte pluie ou d’infection par une bactérie, vous n’avez pas d’autre choix que de pulvériser.  » Malgré les précipitations, la nappe phréatique est basse, preuve que la terre draine l’eau. C’est au mois d’octobre que Peter effectue les vendanges, à la main, deux à trois semaines après celles de la Bourgogne.  » Je maintiens volontairement un rendement bas grâce à l’élagage, précise-t-il. S’il y a moins de soleil, comme c’est le cas dans nos contrées, il y a moins de production de sucre. Diminuer le rendement est alors une solution pour produire un vin de grande qualité.  »

Des clients de prestige

Le Clos d’Opleeuw régale le marché depuis 2004. Il est désormais exporté en Floride et à Chicago. Chaque saison, le stock s’écoule assez facilement. Le prix d’une bouteille ? Entre 30 et 40 euros dans le circuit de vente aux particuliers. A ce tarif-là, vous pouvez bien sûr vous procurer un Bourgogne, mais qui sera probablement de moins bonne qualité. Parmi les clients réguliers du vignoble, se retrouvent quelques fins et prestigieux connaisseurs. Des exemples ? Le propriétaire du Château Le Pin, c’est-à-dire du Pomerol le plus cher du globe. Mais aussi le millionnaire et collectionneur de vins Hank Uberoi qui, à New York, possède plus de 30 000 grands crus dans ses caves et a tenu à se procurer douze bouteilles de Clos d’Opleeuw. A côté de cela, plus près de chez nous, l’étiquette est visible dans des caves de restaurants trois étoiles comme l’Oud Sluis, De Karmeliet, Hertog Jan ou Hof van Cleve. Une belle récompense pour ce vin original, dont le vieillissement de longue durée rend le nectar plus fin que ses concurrents. Et rend la Hesbaye fière de sa terre…

Pieter Van Doveren

www.clos-d-opleeuw.be

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