Le pépian, plat traditionnel maya aux mille saveurs

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C’est un ragoût de viande aux parfums d’une autre époque : la passion des Guatémaltèques pour le pepian, un plat traditionnel, illustre leur engouement pour la culture maya, qui continue d’imprégner fortement ce pays d’Amérique centrale.

Sur une grille métallique au-dessus du feu, Elsa Morales, 62 ans, verse dans une poêle des graines de citrouille déshydratées – principale épice de ce plat – avant d’y ajouter d’autres ingrédients: sésame, tortillas de maïs, tomates, piments, ail, coriandre.

Cet ensemble, une fois cuit et mélangé, devient une sauce épaisse, rouge foncé, dans laquelle des carottes, des pommes de terre et de la viande (boeuf, poulet, porc…) sont ensuite plongés pour former un pepian très parfumé sans être piquant, servi avec du riz.

Dans sa cafétéria Rosita, au sous-sol du populaire marché central du coeur historique Guatemala, Elsa Morales raconte que ce mets ancestral, classé en 2007 au Patrimoine culturel immatériel de la nation, est l’un des plus demandés par ses clients. Plusieurs présidents du pays l’ont dégusté sur place, assure-t-elle.

Le pépian, plat traditionnel maya aux mille saveurs
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« Quand ils sont venus ici une fois (pour goûter le pepian), ils reviennent toujours », clame fièrement la cuisinière, mère de cinq enfants.

Origines

Selon les historiens locaux, le pepian est apparu à l’époque pré-colombienne au sein de l’ethnie maya-kaqchiquel, dans la région de Chimaltenango, dans l’ouest du Guatemala. »Dans le monde pré-hispanique, le pepian était servi lors des grandes cérémonies et des rituels liés à la religion et à la politique. Les membres des communautés (indigènes) ont ensuite poursuivi cette tradition et ont fait du pepian le repas de cérémonie par excellence au Guatemala », explique Ericka Sagastume, experte de la gastronomie locale.

« Dans sa forme la plus primitive », raconte cette spécialiste du Centre d’études folkloriques de l’université San Carlos, le pepian était concocté uniquement à partir de graines de citrouille, de piments et de tomates. Mais au fil du temps, des épices « venues du Vieux monde », comme l’oignon, le sésame, la cannelle ou la coriandre, sont venues compléter la recette.

Passé indigène

Les Mayas n’ont pas laissé leur empreinte uniquement en cuisine. Dans la société guatémaltèque, beaucoup d’indices, parfois imperceptibles, laissent deviner leur héritage. »Chaque jour nous constatons les apports des différentes cultures, particulièrement celle des peuples indigènes, dans notre vie quotidienne », souligne l’anthropologue indigène Ervin Us.

Le pépian, plat traditionnel maya aux mille saveurs
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Selon lui, l’un des legs les plus marquants reste néanmoins culinaire: l’omniprésence des tortillas de maïs dans les habitudes alimentaires locales.

Mais l’héritage indigène se fait aussi sentir dans le monde politique et religieux, de la tradition des décisions prises en commun à la « prière collective », dans ce pays où les églises catholique et évangélique comptent encore beaucoup de fidèles.

Autres vestiges de la culture maya: l’intérêt pour le surnaturel, qui reste « ancré dans la population indigène », indique l’anthropologue, ou encore les couleurs chamarrées des sacs, habits et tissus qu’on voit sur les marchés au Guatemala.

Pour Ervin Us, cette omniprésence de l’influence maya est salutaire pour les communautés indigènes qui souffrent encore aujourd’hui de racisme, après avoir été les principales victimes de la guerre civile (1960-1996).

Même si certains ont la « volonté de nier le passé indigène de ce pays, la preuve (de son existence) est forte », assure-t-il. Jusque dans les assiettes avec le pepian.

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