Le vrai rhum cubain, breuvage à succès malgré l’embargo américain

Réputé partout dans le monde, le rhum cubain parvient à rivaliser avec les plus grandes marques bien qu’il soit privé d’accès au marché américain, le premier mondial pour cet alcool, pour cause d’embargo imposé à l’île caribéenne depuis 1962.

Issue de la distillation de la canne à sucre, cette eau-de-vie est apparue à Cuba voici un siècle et demi, à l’époque de la domination espagnole. La forme claire du rhum dit « léger » s’est peu à peu déclinée en nectars plus doux, foncés et subtils, élaborés grâce au vieillissement en fût de chêne blanc et aux assemblages savants de maîtres rhumiers qui ont contribué à la réputation de cet alcool « made in Cuba ».

« Nous n’avons pas peur de dire que, pour nous, le rhum cubain est le meilleur du monde », avance le maître Asbel Morales, 49 ans, dont 30 dédiés au rhum. Et « c’est reconnu internationalement », affirme-t-il.

Asbel Morales
Asbel Morales © AFP

Dans l’imposante distillerie du groupe Havana Club à San José, à 30 km de La Havane, reposent des centaines de tonneaux dans des entrepôts baignés d’une douce odeur boisée. La tranquillité ambiante est seulement troublée par le tintement des bouteilles en attente de remplissage.

Imperturbable, Asbel Morales inspecte à la lumière la qualité d’un produit de plus en plus demandé.

Le vrai rhum cubain, breuvage à succès malgré l'embargo américain
© AFP

En 2017, les ventes de rhum Havana Club – une marque co-détenue depuis plus de 20 ans par le Français Pernod-Ricard, numéro deux mondial des spiritueux, et par l’entreprise d’Etat Cuba Ron SA – ont encore bondi de 6%. Ce rhum vendu dans 120 pays est particulièrement demandé en Allemagne et en France. Et la Chine, un pays amateur de vins et de spiritueux et grand acheteur de cigares cubains, présente un potentiel énorme.

Bataille de territoire et d’étiquette

Pour poursuivre sa croissance mondiale, le rhum cubain ne peut en tout cas pas compter sur le marché américain, où un autre « Havana Club » est distribué par le groupe Bacardi.

En effet, la famille qui détenait les droits de la marque Havana Club les a revendus dans les années 1990 à ce groupe américain qui, depuis lors, commercialise du rhum portoricain sous cette marque aux Etats-Unis, avec une étiquette distincte.

De son côté, le « vrai » rhum cubain Havana Club s’est vu interdire l’accès au marché américain sur décision de justice. « Les Etats-Unis représentent 39% du marché mondial de rhum premium. Pour des raisons politiques nous en sommes exclus », déplore le directeur marketing du rhum cubain Havana Club, Sergio Valdes. « Mais nous figurons tout de même parmi les trois principales marques mondiales », se console-t-il, aux côtés du rhum Plantation – né de la rencontre entre des distilleries des Caraïbes et le spécialiste français de cognac Ferrand – et du Bacardi.

Ligne de production de la distillerie Havana Club de San Jose
Ligne de production de la distillerie Havana Club de San Jose© AFP

Le cubain Havana Club semblait pourtant promis, il y a encore quelques années, à un avenir américain: sur fond de réchauffement diplomatique entre Washington et La Havane, les Etats-Unis avaient accordé en 2016 au gouvernement cubain le droit de vendre du rhum sur leur sol… quand l’embargo serait levé. Havana Club avait alors anticipé ce moment en déposant la marque « Havanista » pour le marché américain.

Mais l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, opposé à la levée de l’embargo par le Congrès, a douché les espoirs du groupe.

Cubain à 100%

Pour le maître rhumier Asbel Morales, le rhum cubain est unique. Et ce à plusieurs titres. « On ne peut pas parler de rhum cubain si on n’a pas les conditions de sol, de température et d’humidité qu’on rencontre à Cuba. Le processus de vieillissement ne peut être comparé à d’autres dans le monde. Il se fait dans des conditions naturelles et sans additif », argumente-t-il.

Le vrai rhum cubain, breuvage à succès malgré l'embargo américain
© AFP

En outre, rappelle M. Morales, « la terre cubaine est très peu contaminée. La canne pousse pendant un an, très rapidement, avec un taux de sucre élevé et une faible teneur en substances susceptibles de dégrader la mélasse », matière première du rhum.

Et puis il y a le facteur humain: « le rôle joué par le maître de chai, qui a l’esprit, le nez et la gorge tournées vers le produit qu’il veut obtenir ». « S’il n’y a pas un maître qui contrôle (tout le processus), de l’entrée de la matière première au produit final, il est impossible de parler de rhum cubain », poursuit M. Morales, l’un des huit « Maestros Roneros » (Maîtres rhumiers) de l’île.

Le vrai rhum cubain, breuvage à succès malgré l'embargo américain
© AFP

Le savoir-faire concerne aussi les fûts de chêne dans lesquels dorment les meilleurs rhums. Ces tonneaux, tous déjà utilisés pour faire vieillir du whisky, sont notamment responsables de la teinte des rhums vieux et de leurs arômes tels que la pointe de vanille décelable dans les millésimes d’au moins 10 ans.

« Le goût est vraiment spécial, peut-être que cela a à voir avec le pays (…) c’est vraiment délicieux! », confirme, ravi, Curosch Zandi, un touriste allemand de 41 ans interrompu en pleine dégustation au musée du rhum de la vieille Havane.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content