Le yaourt « miraculeux » qui rend fous les Chinois

© AFP

L’alphabet chinois donne du fil à retordre à Tsvetka Radkova, une dynamique retraitée, mais sa fille se débrouille déjà très bien. Aucune des deux femmes n’a pourtant le projet de visiter la Grande muraille. C’est la Chine qui est venue à elles et leur petit village bulgare.

Ne demandez pas à des Bulgares de placer Momchilovtsi sur une carte, la plupart en seraient incapables. Demandez en revanche à des Chinois ce que ce nom leur évoque et beaucoup répondront: du yaourt.

Un yaourt issu « d’un secret miraculeux », celui d’une localité nichée dans le massif des Rhodopes où l' »on vit plus longtemps ». C’est la publicité chinoise qui le dit. Et c’est ce slogan qui a permis aux produits estampillés « Momchilovtsi » de devenir en quelques années une success story laitière dans l’Empire du milieu.

Le yaourt a beau être produit en Chine, par une entreprise chinoise -mais qui dit utiliser la bactérie lactique typique de cette région-, Momchilovtsi et ses 1.200 habitants, perchés dans les montagnes du sud-est de l’Europe, tentent de tirer profit de cette visibilité inattendue.

Le village a son festival sino-bulgare du yaourt, ses bus de touristes chinois venant découvrir sa belle architecture de pierre au milieu des forêts, et ses cours de mandarin pour tous les âges.

Tsvetka Radkova, 66 ans, et sa fille de 37 ans, venue avec sa fillette de 9 ans, font partie de la quarantaine de volontaires à tenter d’ânonner leurs premières phrases. « C’est dur, il faut s’accrocher », rigole la ronde sexagénaire. Veselina, sa fille, récolte les félicitations de ses camarades en formulant des phrases complètes.

A l’extérieur de la salle de classe, le village s’est mis à l’heure chinoise pour le troisième festival du yaourt organisé début septembre: indications en mandarin pour guider les visiteurs, brochures trilingues et enfants bulgares saluant les touristes chinois d’un sonore « Ni hao » (« Bonjour » en chinois).

Sans oublier les conférences sur les vertus miraculeuses du yaourt, les dégustations de produits laitiers et un concours de beauté pour élire « La reine du yaourt ».

– Centenaires –

« Les Chinois connaissent deux choses de la Bulgarie: les roses (dont le pays est un important producteur, ndlr) et le yaourt », explique Lei Lin, un touriste de Shanghai.

Un homme boit du petit lait en regardant ce spectacle: c’est Pan Jianjun, porte-parole du groupe chinois Bright Dairy, qui développe depuis 2009 la marque de yaourt « Momchilovtsi », habillée d’un habile discours commercial.

« Momchilovtsi est connu comme +le village de la longévité+ en raison du grand nombre de centenaires qui vivent ici », explique M. Pan. « Nos recherches ont montré que le yaourt local est l’un des secrets de cette longévité », assure-t-il.

De fait, au moins trois élèves bulgares du cours de chinois interrogés par l’AFP ont rapporté avoir des centenaires dans leur famille.

Fort de cet argument, et d’un engouement des Chinois pour les marques de produits laitiers traditionnels depuis le scandale du lait en poudre contaminé en 2008, le chiffre d’affaires de Bright Dairy se porte bien: il revendique des ventes de yaourt Momchilovtsi à hauteur de six milliards de yuans en 2016 (765 millions d’euros).

La publicité pour la boisson lactée à étiquette bleue et rouge, connue sous le petit nom de « Mosili’an » et ornée du dessin d’une paysanne bulgare en robe traditionnelle, s’affiche partout en Chine, des arrêts de bus à la télévision.

Comparativement, les retombées restent modestes pour le village qui accueille environ un millier de touristes chinois par an, rapportés au 18.500 visiteurs chinois en Bulgarie l’an dernier.

Mais la maire du village, Siyka Surkova, veut y croire: « la fréquentation augmente tous les ans, ce qui est normal vu la campagne de promotion géante que nous fait le yaourt en Chine ».

Ce succès prend parfois des détours inattendus avec l’organisation en 2014 d’une version chinoise de l’émission de téléréalité « Survivor » à Momchilovtsi: sept concurrents ne parlant pas bulgare confiés aux soins d’une famille d’accueil locale, un dictionnaire pour tout secours. Mais du yaourt à volonté.

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