Leonor Espinosa, la chef qui ravive le patrimoine gustatif de la Colombie

Leonor Espinosa, Chef du restaurant Leo Cocina y cava a Bogota, classé parmi les 50 meilleurs restaurants du monde © EPA

La Colombie a goût de café, mais aussi de mangue, de fourmi, de fleur de lys, de coquillages… Cet éventail de saveurs de montagne, jungle, plaine et mer, la chef Leonor Espinosa en joue avec brio dans sa cuisine.

« Mes plats reflètent les régions de Colombie, leurs écosystèmes et la vie qui en découle », a expliqué à l’AFP cette cuisinière de haut vol, dont le surnom, Leo, vaut également pour son restaurant de Bogota, « Leo Cocina y Cava », classé parmi les 50 meilleurs d’Amérique latine.

Leonor Espinosa, qui, petite fille, rêvait d’être artiste, a finalement étudié l’économie et travaillé dans la publicité, avant de se dédier à la gastronomie avec la ferme intention de « mettre en valeur et réconcilier » les richesses culinaires de son pays.

« J’aime démontrer que la Colombie est sans limites et ses saveurs très diverses », souligne cette rousse flamboyante aux lèvres pulpeuses et au tempérament passionné, digne de ses origines mêlées de sang indigène, irlandais et espagnol, métissées comme sa cuisine.

Ainsi les menus de Leo présentent aussi bien du thon en croûte de fourmis pilées accompagné d’une salade de tubercules des Andes, que des plats à base de beurre de chontaduro (grande palme épineuse de la côte Pacifique aux fruits orangés) ou des tamales d’achira (papillotes de feuille de maïs enveloppant une farce à base d’une sorte de lys rouge aux propriétés médicinales).

De la pub à l’art en assiette

C’est en cuisinant pour ses amis que Leo Espinosa a découvert que la gastronomie lui permettait d’exprimer tout son talent créatif et a été encouragée à quitter la publicité pour se consacrer à plein temps à la subtile alchimie des saveurs.

Et bien qu’elle apparaisse ici ou là dans des émissions de télévision ou des articles de presse, elle n’entend pas pour autant rejoindre le banc des chefs médiatiques, se revendiquant davantage comme une artiste des fourneaux.

« Ma cuisine, c’est de l’art (…) mais un art qui se nourrit d’investigation », explique cette chef toujours en quête de mets nouveaux et de fusions inédites pour étonner les gourmets.

Originaire de Cartagena, sur la côte caribéenne, Leo Espinosa s’inspire de ses voyages et de ses rencontres avec les différentes ethnies de Colombie: des ramasseurs de coquillages de la côte du Pacifique aux métis à la peau brune du Golfe d’Uraba, à la frontière du Panama, des « cow boys » de l’immensité des Llanos aux indiens des contreforts de la cordillère andine.

« Je ne serais pas capable de traduire un mets sans y avoir goûté moi-même », souligne-t-elle, en se défendant en outre contre ceux qui lui reprochent de détourner et s’approprier les mets traditionnels.

« Les gens meurent et les recettes disparaissent avec eux. C’est grave pour la mémoire gastronomique », argue-t-elle, convaincue que sa passion pour le patrimoine culinaire de son pays fait d’elle « une sorte de sociologue et d’anthropologue ».

Afin de mettre en valeur et préserver cette richesse, elle a également lancé il y a huit ans la fondation FunLeo. Dirigée par sa fille Laura, sommelière mais aussi experte en développement, cette fondation a pour but de mettre en valeur et conserver le savoir ancestral des différentes communautés.

« Nous autres Colombiens avons du mal à être fiers de ce qui nous appartient. Mais à quoi bon alors être le deuxième pays à la biodiversité la plus importante du monde et avoir des ressources naturelles reconnues à l’étranger? », lance-t-elle.

Car Leo Espinosa entend bien faire en sorte que « la tradition soit durable », tant pour le café de Caldas, cultivé par des descendants d’esclaves, que pour les coeurs de palmier du Putumayo, dont les plantations ont remplacé les cultures illégales de coca de certaines communautés indigènes.

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