Les Américains en ont-ils assez de la malbouffe?

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Avec du retard sur la plupart des pays occidentaux, les Américains s’intéressent de plus en plus à la qualité de leurs aliments, au point de pousser les géants de l’agroalimentaire à prendre des mesures radicales, encore impensables il y a peu.

En annonçant début septembre que, dans les dix ans, aucune des poules produisant des oeufs aux Etats-Unis ne serait élevée en cage, McDonald’s n’a pas tant pensé aux gallinacées qu’à ses clients. Ceux-ci « s’intéressent de plus en plus à leur nourriture et à sa provenance », a indiqué le président de McDonald’s USA, Mike Andres.

Un mois plus tôt, Kellogg avait renoncé publiquement à utiliser des arômes et des couleurs artificiels dans ses céréales d’ici 2018, imitant ainsi son concurrent General Mills.

Fin mai, Pizza Hut et la chaîne de restauration rapide tex-mex Taco Bell, deux filiales du groupe Yum! Brands, avaient fait de même. « Plus que jamais, les gens veulent de la qualité » et « davantage d’information », avait alors expliqué Brian Niccol, le directeur général de Taco Bell.

« Il y a un effet boule de neige », observe Penny Kris-Etherton, professeur de nutrition à l’université Penn State (Pennsylvanie, nord-est). « C’était un sujet marginal dans un marché de niche et c’est devenu un besoin de masse », renchérit Larry Light, ancien responsable marketing de McDonald’s.

Une tendance qui s’affirme depuis environ deux ans. Ainsi, ce qui ne concernait auparavant que certains clients des classes moyennes et supérieures, prêts à payer plus cher des produits bio ou locaux, est désormais un sujet de préoccupation pour des dizaines de millions de consommateurs.

Le mouvement est intergénérationnel: les « baby-boomers » cherchent à mieux vieillir et les plus jeunes aspirent souvent à une vie plus saine et respectueuse de l’environnement.

Les réseaux sociaux mettent la pression

Les réseaux sociaux ont joué, comme pour beaucoup de sujets aujourd’hui, un rôle d’amplificateur qui a fini par mettre l’industrie agroalimentaire sous pression.

Des photos de poules en cage largement diffusées ont ainsi contribué à la tenue en 2008 d’un référendum en Californie, lequel a entraîné l’adoption d’une législation plus protectrice.

Production du fameux pink slime
Production du fameux pink slime© DR

En 2012, une pétition lancée par une mère de famille de Houston (Texas, sud) dénonçant l’utilisation, dans les cantines scolaires, de viande hachée traitée à l’ammoniaque, a eu un impact considérable. Plusieurs Etats américains ont renoncé à servir ce « pink slime » (cette « glu rose ») dans leurs écoles, de même que plusieurs grandes chaînes de fast-food, dont McDonald’s.

Longtemps attirés par les produits « diet » (allégés) qui promettaient moins de calories pour un même plaisir gustatif, les Américains se tournent désormais davantage vers le « naturel ».

Les Américains en ont-ils assez de la malbouffe?
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« Les gens veulent mener une vie plus saine. Or ils estiment que plus la nourriture est industrielle, moins elle est saine », analyse M. Light, qui dirige aujourd’hui la société de conseil Arcature.

« L’appellation « frais » est le signal de quelque chose de plus sain que de la nourriture préparée », même si « cela contient tout autant de calories », relève-t-il.

Pour Michael Jacobson, directeur du Center for Science in the Public Interest, un organisme de recherche, nombre de mesures annoncées par les géants de l’alimentation ne sont que cosmétiques.

« Ces décisions relèvent davantage de la communication que de la santé publique », selon lui.

Il prend l’exemple de la chaîne de restauration rapide Chipotle, qui a, depuis longtemps, fait de la qualité de ses matières premières un argument de promotion.

Chipotle a renoncé à utiliser des OGM et des viandes d’animaux élevés aux antibiotiques. Mais dans le même temps, la chaîne continue à servir de la nourriture « bourrée » de sel et ne propose quasiment pas de légumes ou de fruits, regrette M. Jacobson.

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Le « bien manger » est aussi une question d’éducation© Reuters

Reste que les efforts réalisés par certains géants de la restauration ou de l’agroalimentaire ne suffiront pas, à eux seuls, à révolutionner un pays qui compte 78,5 millions d’adultes sujets à l’obésité, estiment les spécialistes. « Vous pourriez privilégier à chaque fois le choix le plus sain et, malgré tout, empiler les calories », abonde Mme Kris-Etherton. Pour cette universitaire, « l’essentiel, c’est que les gens soient bien informés ».

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