Les noirs délices de Cyril Lignac

© Frédédric Stucin

Pâtissier réputé, le cuisinier étoilé travaille le cacao dans tous ses éclats au sein de sa Chocolaterie parisienne. Il nous dévoile quelques secrets de fabrication.

« Gourmand-croquant.  » C’était le tic de langage que Cyril Lignac dégainait à tout va dans ses émissions sur la chaîne française M6. C’est devenu un running gag dans Les Guignols de l’info. C’est aujourd’hui le slogan de sa Chocolaterie, inaugurée il y a un peu plus d’un an, avec son compagnon de route, le pâtissier Benoît Couvrand. L’idole cathodique aurait eu tort de s’en priver, d’autant que les deux adjectifs résument l’esprit de cette enseigne installée depuis mars 2016 dans le xie arrondissement, à Paris, où le chef possède déjà une pâtisserie et le bistrot Le Chardenoux. La  » chocolaterie-bijouterie « , avec serveurs en gants blancs et fèves de criollo exhibées comme des pierres précieuses ? Très peu pour cette toque aveyronnaise qui veut rendre au cacao sa puissance régressive. Pas de bonbons serrés dans des coffrets, mais des tablettes, des barres, des oursons, que les becs sucrés avalent avec frénésie. Interview 100 % chocolat.

Votre madeleine d’enfance au chocolat ?

Les roses des sables de ma mère. C’est une douceur toute simple : des corn-flakes, du beurre, du chocolat, on mélange et on met dans une assiette pour que ça refroidisse. J’adorais ça !

Votre première émotion en tant que chef ?

C’était il y a une dizaine d’années, quand je suis arrivé à Paris. J’ai eu la révélation avec L’Amazone, de Patrick Roger : une bouchée en forme de demi-sphère de chocolat avec un coeur de caramel au citron vert bien acide. L’équilibre est prodigieux et l’effet saisissant ! Cet homme me scotche : c’est un artisan d’exception, habité par sa passion. Il a des convictions et une dextérité fascinante.

Votre rapport au chocolat : addiction, passion, raison ?

Pas d’addiction. Je suis passionné par sa nature et toutes ses dimensions…

Plutôt lait ou noir ?

Si vous me donnez le choix, je vais spontanément vers les chocolats lactés ou pralinés. Mais en avançant, ma curiosité me porte de plus en plus vers le noir qui offre, selon les crus, les terroirs, les variétés, une palette infinie de sensations.

Le blanc ?

Quand j’étais enfant, j’aimais le Galak comme tout le monde, mais aujourd’hui, je ne suis plus dingue du blanc… En revanche, je craque pour le Dulcey de Valrhona (NDLR : un chocolat blond préparé à partir de chocolat blanc fondu et caramélisé). Avec Benoît (NDLR : Couvrand, chef pâtissier) et Samuel Cauvin, notre chef chocolatier, on le travaille avec du grué de cacao pour lui apporter de la texture et une épaisseur aromatique.

Votre chocolat industriel préféré ?

Je suis dingue des Choco Supreme de Milka. Ce sont des gaufrettes croustillantes enrobées de chocolat au lait. J’en ai acheté quatre paquets hier. Il m’en reste un ! C’est de la pure gourmandise…

Le chocolat, c’est plutôt à quel moment de la journée ?

Vers 16 heures, pour le goûter. J’ai aussi un petit rituel le week-end : quand je vais au marché de la rue Poncelet, dans le xviie arrondissement, je m’arrête toujours dans ma pâtisserie pour boire un chocolat chaud. Je n’en bois jamais ailleurs.

Le sel dans le chocolat ?

Il est très important, même s’il faut bien doser et ne pas en mettre partout. D’abord, c’est le trait d’union entre la cuisine et la pâtisserie, qui sont mes deux métiers. Ensuite, c’est un révélateur de goût qui craque, titille, apporte ce petit plus à nos barres chocolatées. Nos caramels, nos biscuits sont toujours légèrement salés…

Votre dernier choc ?

C’était chez Papillon, un bistrot chic du xviie arrondissement. Le chef Christophe Saintagne y sert un gâteau au chocolat à même le moule, tout juste sorti du four. Il est croûté à l’extérieur, coulant à l’intérieur. On y va à la cuillère… Un très bon souvenir !

Votre association préférée avec le chocolat ?

Le praliné. A la Chocolaterie, on le fabrique nous-mêmes et il est vraiment explosif. Ensuite, j’avoue que chocolat et guimauve, j’ai du mal à résister…

Les oursons à la guimauve, c’est votre best-seller ?

Oui, mieux vaut éviter d’en avoir chez soi (rires). D’ailleurs, si j’en rapporte une boîte chez moi, sa durée de vie est très limitée… Nos clients en sont vraiment dingues ! On prépare notre guimauve avec une gélatine de poisson : elle est quatre fois plus chère que celle de porc, mais elle apporte une texture incomparable. On utilise aussi une excellente vanille de Papouasie, sans lésiner sur les quantités. Dernier secret : le croquant de la coque en chocolat. L’ourson en guimauve n’est pas trempé, mais il est posé sur une semelle de chocolat, puis arrosé de chocolat au lait fondu. C’est plus de travail, mais le rendu est addictif !

LA TARTE AU GIANDUJA

Pour 8 personnes

Les noirs délices de Cyril Lignac
© DR

Pour la pâte sucrée : 30 g de poudre d’amande, 165 g de farine T55, 70 g de sucre glace, 100 g de beurre, 1 oeuf, 1 g de fleur de sel.

Pour la ganache gianduja : 40 g de lait, 130 g de crème liquide, 330 g de gianduja lait noisette, des paillettes de chocolat.

Commencer par la pâte sucrée. Mettre le beurre dans un robot pâtissier, le travailler jusqu’à obtenir une consistance onctueuse et ferme. Ajouter la poudre d’amande, le sucre glace et la fleur de sel. Incorporer ensuite 1/3 d’oeuf, 1/3 de farine, bien mélanger puis recommencer avec les autres tiers. Former une boule, et la laisser reposer 1 heure au réfrigérateur.

Pour la ganache, faire bouillir la crème et le lait. Pendant ce temps, faire fondre le gianduja dans une casserole. Verser la crème et le lait bouillants sur le gianduja fondu. Bien émulsionner jusqu’à obtenir une préparation homogène. Mixer et réserver.

Préchauffer le four à 150 °C. Sortir la pâte du réfrigérateur, la travailler légèrement. Sur un plan de travail fariné, à l’aide du rouleau à pâtisserie, étaler la pâte sur 2,5 mm d’épaisseur. Beurrer le cercle, foncer la pâte dedans. Cuire le fond de tarte à 150 °C pendant 20 minutes. Laisser refroidir. Couler la ganache dans le fond de tarte, et placer au réfrigérateur 2 heures avant la dégustation. Au moment de servir, parsemer le dessus de la tarte avec les paillettes de chocolat.

La Chocolaterie Cyril Lignac, 25, rue de Chanzy, à 75011 Paris. www.lachocolateriecyrillignac.com

Par François-Régis Gaudry

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