Madagascar, paradis du cacao… aux marges choc

Une charrette tractée par un zébu massif sort en cahotant de la forêt tropicale d’Ambanja, dans le nord de l’île de Madagascar. Sa cargaison de cabosses de cacao va être vendue quelques euros à peine pour devenir un des chocolats les plus prisés de la planète.

« Ces cabosses rouges, c’est du criollo, le cacao le plus recherché au monde! », affirme fièrement Cyrille Ambarahova, petit producteur au milieu de son hectare de cacaoyers étiquetés « 100% bio » et certifiés « commerce équitable ».

Avec ses deux ouvriers munis d’un long bâton surmonté d’un crochet en métal, il trie avec soin les cabosses les plus mûres.

Madagascar, paradis du cacao... aux marges choc
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Si le cacao est arrivé à Madagascar dans les années 1900, ce n’est que depuis une vingtaine d’années qu’il a vraiment pris le pas sur les plantations de café, victimes notamment de la concurrence sud-américaine. Et à la différence de la vanille, l’autre produit de luxe de la région, il peut se récolter toute l’année.

Une fois les cabosses tombées des arbres, les ramasseurs emmènent la cargaison à dos de zébu dans l’arrière-cour de la maison de Cyrille pour en extraire les fèves fraîches.

A ce stade, difficile d’imaginer que ces grappes blanchâtres et gluantes finiront par devenir du chocolat fin.

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Avec une production annuelle de 7.000 tonnes, Madagascar reste un nain du marché mondial du cacao, mais ses variétés dont le fameux « criollo » lui ont permis de décrocher l’appellation très prisée de « cacao fin ».

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Prix trop bas

A Ambanja, où les pousse-pousse sont plus nombreux que les voitures, la population vit au rythme du cours du cacao. Mais les petits producteurs comme Cyrille n’ont pas vraiment leur mot à dire dans la longue chaîne de fabrication. Les fèves qu’ils récoltent sont vendues à des collecteurs mandatés par de gros producteurs tels que la compagnie française Millot.

Avec d’autres collègues, Cyrille a rejoint une coopérative pour essayer de négocier des prix planchers. Mais leurs efforts sont rarement récompensés. Ce mardi, la compagnie Millot leur a acheté leur récolte hebdomadaire 2.600 ariary par kilo de fèves, soit environ 70 centimes d’euros.

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Lui aussi producteur, Rémi Jaofeno peste contre les prix trop bas. « Le prix actuel devrait être triplé. Même la Banque mondiale insiste pour qu’il soit révisé à la hausse », s’emporte-t-il. « Le comble, c’est que notre cacao est mangé en France alors que nos enfants ici ne mangent même pas de chocolat », faute de pouvoir s’en offrir, ajoute Rémi pendant que ses fèves sont pesées sur une vieille balance à bétail.

A quelques kilomètres de là, dans la plantation MAVA, l’ère du transport en zébu est révolue depuis longtemps, on circule au milieu des 635 hectares de cacaoyers en 4×4.

Ici, le cacao est traité selon une division du travail bien rodée: une équipe d’hommes récolte, une équipe de femmes casse les cabosses et le tout est transporté dans une soixantaine de grands bacs pour fermenter pendant plusieurs jours, exhalant une puissante odeur de vinaigre.

‘Paradis du cacao

Triées puis séchées par une troisième équipe dans de gigantesques tiroirs placés à l’air libre, les fèves révèlent l’arôme puissant du futur chocolat.

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« A Madagascar, on considère qu’on est dans un des paradis du cacao », affirme Thomas Wenisch, le Français qui dirige l’exploitation et ses 700 employés. « On est relativement exempts de maladie grâce à la situation insulaire. Et la saison sèche assez marquée freine le développement des moisissures ». Malgré cette position privilégiée, la chaîne de fabrication du chocolat malgache s’arrête là. L’essentiel de la récolte est envoyée pour transformation à l’étranger, où elle deviendra un cacao fin, vendu près de 5 euros la plaque de 100 grammes à Paris.

Le peu qu’il reste est transformé à Antananarivo et vendu aux rares habitants de la capitale qui ont les moyens. « Une grande partie du chocolat mondial est produite avec un cacao pour faire des barres chocolatées. Et les grandes sociétés font pression pour baisser les prix », explique Thomas Wenisch.

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« Il y a une marge qui paraît forte et que ne justifie pas le transport et l’acheminement du cacao vers la grande entreprise », estime Philippe Bastide, expert pour le Centre français de recherche agronomique pour le développement (Cirad). « Il y a des coûts tout au long de la chaîne mais, raisonnablement, les petits producteurs malgaches pourraient recevoir un prix plus juste », poursuit-il.

Récolté dans le Sud, consommé dans le Nord, le cacao malgache n’échappe pas à la loi qui régit le marché de nombreuses matières premières. Dans un pays où 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté, il n’a d' »équitable » que le label.

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