Pain tomate versus crème catalane

© Helena Buono

Le choix est cornélien : sucré ou salé ? Tout un état d’esprit en découle. Qu’en pense le goût du jour ?

Pain tomate C’est quoi ? Un retour aux sources, à la simplicité même… très loin de la gastronomie moléculaire. Il s’agit de frotter une tomate bien mûre sur une tranche de pain (grillée ou non). Il faut ensuite la réveiller d’une pincée de sel et finalement l’imbiber d’huile. Pour les puristes, il est crucial de respecter cet ordre. Il existe une variante consistant à frictionner au préalable le pain avec de l’ail, ce qui renforce la saveur de la composition. À Majorque, une variété autochtone de tomates est employée, la tomatiga de Ramellet, pour un goût encore plus prononcé.

Le résultat ? Une tuerie juteuse à laquelle la tomate confère une sublime pointe d’acidité. L’huile se charge du côté gras rassurant.

Le vrai nom ? Pa amb tomaquet, pa amb oli (en catalan) ou pan Catalan (en espagnol).

Le message ? Celui d’une vie solaire et méditerranéenne.

Le monde qui en découle ? Avec une bonne dose d’antioxydants, ce pain quotidien sain et démocratique promet une longue vie d’épicurien développant un art de vivre – un rien austère – au plus près des produits.

À boire ? On reste sur le terroir avec un vin de soif, fluide, minéral et gouleyant, de l’appellation priorat.

Verdict ? Dans le contexte d’une époque qui valorise la santé, le pa amb tomaquet a des allures de pain béni. En plus, l’esprit tapas de la chose ainsi que son côté facilement reproductible en font le grand gagnant de cette joute.

VS


Crème catalane
C’est quoi ? Le dessert traditionnel en Catalogne. On le mange tout au long de l’année mais il est de coutume d’en déguster le jour de la San José – soit le 19 mars. Au programme de cette préparation pas vraiment légère : du lait, de la farine, de la Maïzena, des oeufs, du sucre en poudre, de la cannelle et du zeste de citron. C’est la crème catalane qui est à l’origine de la crème brûlée. Tout comme cette dernière, une grande partie du plaisir provient du contraste entre la croûte de sucre caramélisée et la tendre texture de la crème proprement dite.

Le résultat ? Un bonheur – servi la plupart du temps en portion individuelle – méchamment régressif… qui fond littéralement en bouche.

Le vrai nom ? Crema catalana, crema quemada ou, en catalan, tout simplement crema.

Le message ? La crème catalane excite la bouche à en vouloir davantage.

Le monde qui en découle ? À coups de crème et de sucre, la crème catalane joue un rôle ambigu : elle s’avère la cerise sur le gâteau… qui est déjà la goutte qui fait déborder le vase. Au trop peu du pa amb tomaquet, la crema catalana oppose un trop-plein.

À boire ? On quitte l’Espagne pour la France avec un blanc moelleux pas prétentieux de type gaillac.

Verdict ? Même si la crème catalane appartient à ces délices qui maternent la bouche, il y a toujours un moment où l’on regrette de s’être laissé tenter. La seule solution pour rester à équidistance entre la frustration et la spirale du sucre : jouer les purs et durs en ne craquant que le 19 mars. Amen.

Illustration : www.helenabuono.com





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