Pourquoi la génération Y partage-t-elle tout ce qu’elle mange ?

Taking food picture with mobile phone © Getty Images/iStockphoto

A coup de hashtag et de filtres, les jeunes d’aujourd’hui partagent à chaque instant le contenu de leurs assiettes. Un comportement que beaucoup ne comprennent pas mais qui témoigne de la place des réseaux sociaux dans le quotidien de cette fameuse génération baptisée Y.

Dans une société de plus en plus connectée, il n’est pas difficile de s’imaginer qu’un aspect pourtant banal de notre vie quotidienne soit, lui aussi, touché par ce phénomène. J’ai nommé le repas. La nourriture a une place de plus en plus importante sur les réseaux sociaux, délaissant ainsi son côté fonctionnel et utile, à savoir se nourrir, pour arborer un aspect plus ludique. Et cette révolution se fait en grande partie via la génération Y et sa réputation de tout vouloir partager tout le temps, avec tout le monde. Donc aussi et surtout ce qu’elle mange. Instagram, Twitter, Facebook sont donc les vecteurs principaux de ce mouvement et de cette tendance avec, par exemple, plus de 175.924.290 publications sur instagram avec le hashtag Food, un chiffre qui continue de grandir chaque minute.

Une génération marquée par la technologie

Le foodporn, une activité très génération Y
Le foodporn, une activité très génération Y© istock

Eve Turow Paul, auteur du livre A Taste of Generation Yum explique que la différence principale entre les 18-34 ans et les générations précédentes, réside dans le fait que cette génération Y a grandi avec le boom de la technologie. Elle les compare à des cobayes, en termes d’éducation avec des écrans et des clics. De plus, c’est une génération dans l’environnement de laquelle nourriture et gastronomie tiennent une place très prégnante. Émissions culinaires, tendance « food », tous ces éléments font, aujourd’hui, partie de leur vie quotidienne. Ils sont en effet familiers des hashtags qui existent autour du sujet : vegan, healthy, foodie, … . C’est assez évident que ces digital natives ressentent l’envie de prendre part au mouvement. Mais pour l’auteur, ce qui est surtout remarquable c’est le désir de ces jeunes d’adopter un mode d’alimentation responsable et, fiers de ce choix, décident de le partager avec le monde entier.

Pourtant, bien que connectés et usant de la technologie, ces partages seraient une forme d’anti-technologie justement. Eve Turow Paul considère, elle, que la nourriture est avant tout un moment communautaire, de stimulation sensorielle, un outil de formation identitaire et un outil de contrôle. La technologie ne serait donc qu’un moyen pour faciliter les moments de déconnexion et la nourriture un moyen pour créer des connexions émotionnelles et personnelles avec d’autre. « Le but est vraiment de créer des moments en face à face. La génération Y est aussi en train d’exprimer le fait qu’elle n’a pas besoin de possessions matérielles, mais qu’elle veut faire quelque chose, créer des souvenirs qui lui sont propres » explique l’auteure.

La nécessité de se démarquer

Ce partage incessant, que ce soit de la nourriture ou de moments de vie en général, est une preuve de narcissisme, mais un narcissisme fondé et avec de bonnes raisons. En effet, cette génération est une génération qui doit constamment se réinventer et surtout se démarquer. Pour cela, chaque individu tente le plus souvent possible de s’identifier en tant que personne propre, de donner une marque à son nom. Et chaque réseau et occasion doit avoir sa propre marque. Eve Turow Paul appuie ce propos avec l’exemple des réseaux sociaux et souligne qu’un individu ne va pas se présenter de la même façon sur Lindekin pour décrocher un job que sur Tinder pour avoir un rendez-vous, ou encore sur Facebook.

Pourquoi la génération Y partage-t-elle tout ce qu'elle mange ?
© istock

Dans ce contexte, la nourriture elle aussi est devenue un moyen de se présenter. En postant une photo d’un repas fait maison, la personne va montrer qu’elle aime cuisiner et ce qu’elle aime manger. Cela va encore plus loin quand la politisation de la nourriture entre en jeu. A partir du moment où un #vegan vient se glisser dans son post, les gens voient la personne en tant que telle, si c’est le #bio, il y a une volonté de montrer qu’il y a un désir d’éducation, autrement dit « je poste un truc bio parce que je sais que la terre va mal, je me cultive, je m’éduque pour me tenir informer de ce qu’il se passe autour de moi. »

La gastronomie pas en reste

Mais les jeunes ne sont pas les seuls à utiliser les réseaux sociaux pour se démarquer. Twitter et Instagram représentent une véritable vitrine pour les chefs gastronomiques qui ne sont plus insensibles à l’impact des nouveaux médias sur leur clientèle et leur réputation. « Les réseaux sociaux font aussi bien pour nous que les étoiles » a même déclaré Dominique Loiseau au Guide Rouge après qu’on lui ait retiré en février la troisième étoile que son défunt mari, Bernard, avait durement obtenue. Les chefs sont aussi nombreux à voir les réseaux sociaux comme une proximité plus rapide et transparente avec leur public.

Un exemple parmi tant d’autres avecle compte du célèbre Alain Passard, fameux chef de l’Arpège à Paris.

Ceviche de st jack!

A photo posted by ArpegeLive (@alain_passard) on

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Même si certains voient dans cette tendance au foodporn une transgression de la part du client, qui s’octroie le droit de déflorer la surprise et de communiquer sur une création qui n’est pas de son fait, mais du chef auteur. D’ailleurs, en Allemagne, photographier le contenu de son assiette dans un restaurant et la partager sur les réseaux sociaux ne peut se faire sans la permission du chef. Dans le cas contraire, ce geste relève d’une atteinte aux droits d’auteurs et est désormais considéré comme un délit.

Par Alessandra Cillario (stg)

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