Rencontre avec deux nouveaux chefs wallons de talent (+ leurs recettes)

Logan Depuydt et Xavier Fisset. © Jean-Pierre Gabriel

Du peps et de la fraîcheur, voilà les mots que ces deux jeunes chefs wallons emploient pour caractériser leur cuisine. L’un est exubérant, l’autre plutôt discret. Leur rencontre ne pouvait qu’être insolite… et savoureuse.

Si de prime abord ces deux-là semblent très différents, ils multiplient pourtant les points communs, à commencer par un talent certain qui donne naissance à des mets aux saveurs délicates et généreuses. Ils incarnent également une nouvelle génération de chefs, encore peu connus et médiatisés. Et comme ils n’en sont qu’à leurs débuts, ils travaillent généralement seuls en cuisine, épaulés par leurs épouses en salle. Pas très scolaire et volontiers frondeur, Logan Depuydt, aux fourneaux de L’Artiste à Falaën – l’un des plus beaux villages de Wallonie -, a grandi à la côte belge, à Ostende, où ses parents tenaient une brasserie-restaurant. Emily, son épouse, s’y est fait engager comme serveuse, alors qu’elle passait ses vacances dans le camping d’en face.

J’aime aussi provoquer un choc thermique en bouche pour réveiller les papilles.  » Logan Depuydt

Xavier Fisset de L’O de Source, à Spa, a, lui, terminé ses études à l’école hôtelière de cette ville, puis s’en est allé à Chambéry, au restaurant L’Essentiel, où Carine, sa future épouse savoyarde, est venue en stage dans le cadre de ses études hôtelières.  » Nous avons débuté il y a cinq ans à peine, j’avais travaillé à Tenerife quelques mois puis dans une grosse brasserie de ma région avant de passer au Balmoral à Spa, raconte-t-il. J’avais 30 ans et je voulais lancer mon propre restaurant d’une vingtaine de couverts. Avec le temps, je me suis créé un réseau de petits producteurs locaux, un des derniers étant un éleveur ovin, à Trooz, qui m’a proposé ses agneaux bio. En cuisine, mon but est de valoriser le produit. Il est primordial qu’il goûte ce qu’il est. Une tomate doit rester une tomate. Dans chaque plat, aucun ingrédient ne peut en écraser un autre. Nous devons susciter la gourmandise, l’envie de replonger la cuillère dans l’assiette. Mes trois mots-clés sont : équilibre, gras – qui amène la longueur en bouche – et peps – qui apporte la fraîcheur, renforce la pureté.  »

Rencontre avec deux nouveaux chefs wallons de talent (+ leurs recettes)
© Jean-Pierre Gabriel

Une notion de peps que partage son confrère de la région de Namur, lui qui canalise sa fougue tout au long d’un menu généreux de son restaurant L’Artiste.  » Mon établissement était un ancien bistrot. Nous avons mis six mois et tout notre coeur pour le retaper. On y a consacré jusqu’à nos derniers sous, y compris les tirelires des enfants.  » A table, le cuisinier donne rapidement le ton. Ses mises en bouche, au nombre de sept, sont servies en portions qui font davantage penser à des entrées. Une des plus simples, en apparence, est une feuille de romaine qui réinterprète la salade César.  » Pour celle-ci, je me suis inspiré d’un des chefs qui m’enthousiasme le plus pour le moment, Marcelo Ballardin du restaurant Oak, à Gand. Mais j’ai adapté l’idée et je vais encore la faire évoluer. La feuille va devenir une roulade qui enserre les autres ingrédients. La créativité peut emprunter plusieurs chemins, comme réinterpréter des classiques de mon enfance, tels que les asperges au jambon que nous préparait ma grand-mère (lire par ailleurs).  »

Nous devons susciter la gourmandise, l’envie de replonger la cuillère dans l’assiette.  » Xavier Fisset

Petits secrets de fabrication

Les deux chefs disposent d’une palette de possibilités pour affirmer leur originalité. Xavier Fisset, par exemple, travaille actuellement sur le pain qu’il sert. Il affine son levain, recherche des céréales moins connues comme les anciennes variétés de froment. D’un voyage en Corée, il a ramené les lacto-fermentations de type kimchi qui apportent des notes d’acidité, donc de fraîcheur.  » L’important est de ne pas abuser de matières grasses ; c’est pour cela que j’aime les bouillons et les infusions. Mais je ne renie pas le bon beurre pour autant. C’est dans du beurre frais que je poche, par exemple, les feuilles d’ail des ours.  »

La recherche de fraîcheur par l’acidité est tout aussi présente dans les préparations de Logan Depuydt. Il utilise volontiers le vinaigre de sushi, entre autres, pour cuire à froid des asperges vertes. Il l’amène également, via des pickles réalisés selon la marinade classique  » 1, 2, 3  » – une quantité de vinaigre pour deux de sucre et trois d’eau.  » J’aime aussi provoquer un choc thermique en bouche pour réveiller les papilles, c’est pour cela que je mets ici et là une quenelle de glace dans un plat salé.  »

Quelques mises en bouche de Logan Depuydt : oeuf carbonara ; kimchi, saté, noisette ; tomate sévillane ; salade César revisitée ; tartare de boeuf émulsion d'huître.
Quelques mises en bouche de Logan Depuydt : oeuf carbonara ; kimchi, saté, noisette ; tomate sévillane ; salade César revisitée ; tartare de boeuf émulsion d’huître.© Jean-Pierre Gabriel

Lui qui avoue n’avoir fait aucune grande maison et n’avoir fréquenté la très réputée école hôtelière de Coxyde que peu de temps, n’a de cesse d’évoluer. Tout comme Xavier Fisset qui change son menu une dizaine de fois par an, il éprouve le besoin de développer constamment de nouvelles recettes.  » C’est assez contradictoire car nos clients habituels demandent pourquoi nous supprimons parfois des plats signature de la carte, confie Logan. Aujourd’hui, j’apprends à remettre sur le métier des recettes de l’année précédente, à la même saison. Le dessert autour de la pomme est aujourd’hui tel que je le veux mais cela fait trois ans que je le modifie radicalement.  » Pour Xavier,  » un nouveau plat s’améliore de jour en jour. Mais avant de le proposer, j’ai besoin qu’il soit bien au point. Le maigre aux coquillages est un bon exemple. Au départ, j’utilisais des coques mais il est très difficile de se débarrasser du sable qu’elles contiennent. C’est pourquoi j’ai opté pour des palourdes. Pour le poisson, j’aurais pu prendre du bar de ligne. Mais c’est relativement cher. Par contre, le maigre, encore appelé courbine, que me fournit mon poissonnier local, est plus abordable et sa chair est à la hauteur de sa réputation, c’est-à-dire d’une grande finesse.  »

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