Rencontre avec Laurent Vanparys, l’anti-guide Michelin

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Naturellement né gourmand, Laurent Vanparys est devenu au fil du temps une sorte d’éminence grise de la gastronomie internationale. Ce Belge de 40 ans est une sorte d’anti-inspecteur Michelin que les chefs rêvent de voir débarquer dans leur restaurant.

Quand le fameux chef René Redzepi envoie ses bons voeux de Nouvel An, il n’oublie jamais Laurent Vanparys. Quand le chocolatier belge Pierre Marcolini veut réserver un couvert dans un restaurant prisé, c’est Laurent Vanparys qu’il appelle. Grâce à ce dernier, il a de grandes chances d’obtenir pour le lendemain ce que d’autres ne peuvent espérer qu’après une attente de six mois.

Inconnu du grand public mais sur-influent dans le cercle gastronomique, ce natif de Chaumont-Gistoux ouvre les portes et fait les réputations. Foodie compulsif, l’homme avoue n’avoir que peu de limites quand il s’agit de fréquenter les adresses qu’il aime. Il s’est déjà emparé cinquante-cinq fois des couverts d’In de wulf, le restaurant étoilé de Kobe Desramaults à Dranouter. Le Noma de Redzepi au Danemark ? Vingt-huit fois… alors que d’autres seraient prêts à vendre un bras ne fût-ce que pour pouvoir y faire la plonge.

Cette fréquentation intensive – quelque 160 restaurants par an – lui vaut l’estime des chefs mais aussi des scoops dont rêveraient bien des journalistes culinaires. Il a été le premier à poster les fameuses photos de fourmis  » qui ont le même goût que la citronnelle  » dont Redzepi, encore lui, s’est servi il y a quelques mois pour défrayer la chronique. L’info a ensuite fait le tour du monde.

Laurent Vanparys préfère-t-il l’aile ou la cuisse ? Les deux. Tombé dans la marmite depuis tout petit, c’est la cuisine maternelle qui lui a donné le goût des bonnes choses.  » Je me souviens que ma mère préparait des éclairs pour le goûter… J’en mangeais quatorze, il en restait deux pour ma soeur. Avec le temps, j’ai appris à me canaliser, manger moins mais mieux.  » Un voeu pieux auquel on ne croit qu’à moitié quand on découvre le vertigineux enchaînement de ses repas sur le Net.

Un jour au Geranium de Rasmus Kofoed à Copenhague, le lendemain chez Alexandre Couillon à Noirmoutier, le surlendemain à la Grenouillère d’Alexandre Gauthier dans le Pas-de-Calais… On en a des ballonnements rien qu’en lisant la liste des mets qui échouent dans ses voies digestives. Si la cuisine familiale l’a mis dans de bonnes dispositions, l’étincelle est venue d’ailleurs. En 2002, chez Pierre Gagnaire, à Paris.  » Il y a eu un avant et un après ce repas… L’émotion était tellement forte que je n’ai plus rien avalé pendant quatre jours, si ce n’est de l’eau et du pain.  »

Cette révélation lui donne l’envie d’en goûter davantage. Avec quelques collègues, il décide d’arpenter les étoilés.  » On était guidés par un appétit insatiable, on allait jusqu’à faire 400 kilomètres dans la journée pour tester une adresse.  » De fil en aiguille, Laurent Vanparys décide de consigner ses virées par le biais d’un blog, Gastros on tour. L’initiative fait du bruit, un réseau se crée.  » Chaque post était vu un millier de fois, une audience de passionnés s’est créée.  »

En 2007, une autre révélation, scandinave celle-là, le Noma évoqué plus haut.  » Je me suis senti comme un gamin de 5 ans devant ces assiettes, j’ai écrit une lettre à René Redzepi pour le remercier.  » Depuis 2010, le foodie a laissé tomber son blog, il préfère se concentrer sur les réseaux sociaux.  » Un spécialiste m’a dit que je touchais 7 000 personnes en direct mais quasi 1 million de façon indirecte… beaucoup de Scandinaves me suivent mais également pas mal de Français et de Belges.  » Sa ligne de conduite ?  » Je ne vais jamais dans les restaurants où il n’est pas possible de rencontrer les chefs, raison pour laquelle on ne me verra pas chez Ducasse ou Robuchon.  »

Tout comme Facebook, Laurent Vanparys n’a pas de bouton  » Don’t like « .  » Je suis sensible aux failles, quand je n’aime pas, je n’en parle pas, je ne suis pas dans la critique mais dans le partage, l’expérience positive.  » Une expérience positive qui prend désormais la forme d’un club d’épicuriens, Dead Gourmets Society, qui fonctionne par cooptation, ainsi que d’un business d’agence de food communication imaginé pour que  » les chefs puissent se concentrer sur la cuisine « . Avec un tel profil qui mélange les genres, il se pourrait que Laurent Vanparys précipite l’obsolescence programmée des chroniqueurs gastronomiques classiques.

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