Rencontre avec le chef Constantin Erinkoglou du Notos, ambassadeur des saveurs de la Grèce

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Constantin Erinkoglou, du restaurant Notos à Bruxelles, est l’ambassadeur par excellence des saveurs grecques. Il défend comme nul autre la gastronomie authentique, et saine, du pays qui l’a vu naître. En prime, il nous livre ses adresses fétiches.

La carrière de Constantin Erinkoglou, 59 ans aujourd’hui, ne commence pas derrière les fourneaux. Etudiant, il quitte le nord de la Grèce, où il vit, pour rejoindre Strasbourg et étudier la sociologie et les affaires européennes, avant de se spécialiser au Collège d’Europe, à Bruges. Il travaille ensuite une dizaine d’années à la Commission, au service de la consommation, avant de changer de cap, en 1995, et d’ouvrir le Notos, à Bruxelles, par amour pour la cuisine rurale traditionnelle de sa patrie, mais aussi pour rompre avec les sempiternels clichés qui lui sont associés. L’homme, intelligent et raffiné, met en effet un point d’honneur à prouver qu’on ne sert pas que de la salade de feta et de la moussaka à l’ombre des temples antiques.

Par conviction personnelle, le chef méditerranéen se bat depuis le début de sa carrière pour une Europe unie. Un quart de siècle plus tard, il constate avec amertume que rien ne bouge. « Regardez où en était la Grèce hier, et ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Et de quelle manière on la traite ! La solidarité, tout le monde en parle, mais où est-elle ? La paupérisation de ma nation m’attriste. On est en droit de se demander où est passé tout l’argent qu’elle a reçu de l’Europe. Il s’est évaporé ! Mais l’Union est en partie responsable ; les contrôles auraient dû être plus stricts.

On entend aussi souvent dire que nous sommes paresseux, mais rien n’est moins vrai. Jusqu’à l’adhésion à la CEE, le Grec moyen se contentait de son lopin de terre. Il était pauvre, mais heureux. Utilisés depuis des siècles, les produits locaux donnaient alors lieu à des recettes aussi simples que délicieuses. Dès qu’on est devenu Membre, l’argent a afflué. Le gouvernement s’est mis à le distribuer. Il ne fallait plus cultiver puisque tout se trouvait ailleurs à moindre prix. Des régions agricoles entières se sont vidées. Aujourd’hui, les tomates que l’on mange là-bas proviennent des Pays-Bas et n’ont aucun goût. »

Désormais, malgré les vertus bien connues du régime hellénique (ou crétois), dans lequel les graisses animales sont remplacées par des végétales notamment, le repaire des dieux de l’Olympe n’est plus préservé de l’obésité. D’après le patron du Notos, celle-ci s’explique par les influences « occidentales » qui ont chamboulé la diète ancestrale. « Des fast-foods sont apparus, et dans les meilleurs restaurants, les chefs, aveuglés par les nouvelles tendances, ont fait grand cas de la gastronomie moléculaire. Beaucoup d’entre eux ne se rendaient pas compte que cette standardisation nuisait à la richesse de leur propre terroir. Les jeunes ont renié leurs origines… » Mais le Bruxellois d’adoption se veut néanmoins optimiste. « Heureusement, il y a une prise de conscience. La Grèce est riche, elle a tout pour elle : montagnes, plaines et mers. Des citoyens pleins d’ardeur savent qu’ils doivent se retrousser les manches s’ils veulent s’en sortir. Je constate que les gens s’intéressent à nouveau aux mets séculaires. Certains viennent même frapper à notre porte pour nous demander de leur apprendre à concevoir ces plats d’antan. »

Avec mesure

Comme la plupart des confrères de sa génération, Constantin doit son éducation culinaire à sa mère et à sa grand-mère. « Elles m’ont appris la cuisine de la patience, celle qui dépendait de la région, des saisons, mais aussi du calendrier des fêtes religieuses. Dans le temps, l’homme travaillait aux champs et la femme aux fourneaux. Les préparations mijotées qui cuisaient des heures à feu doux étaient à la fois savoureuses, pratiques et élémentaires. Un mets concocté avec trois ingrédients dit la vérité : tout doit être parfait, les aliments comme le mode opératoire. Dans une recette en comprenant quinze, le cuistot peut masquer ses erreurs, un manque de fraîcheur ou un temps de cuisson erroné par exemple. C’est précisément parce que la simplicité est si difficile à maîtriser que peu de professionnels s’y risquent. Je suis toujours resté fidèle à mes contrées. Dans un souci de raffinement, je soigne juste davantage la présentation. »

Le style culinaire de Notos est d’ailleurs intemporel. « Je retourne régulièrement en Grèce pour consulter d’anciens livres dans les bibliothèques. Je trouve d’abord une recette, puis je m’efforce de tirer le maximum de ses composants. Je cherche ensuite les quantités idéales, les bonnes combinaisons, etc. J’obtiens ainsi des menus de saison équilibrés. Le boulgour, les légumineuses, les artichauts, les poivrons, le jus de citron, l’huile d’olive et les herbes fraîches, comme la sauge et le fenugrec, sont des éléments récurrents. » La carte de l’établissement repose sur trois piliers : les îles de la mer Égée, avec leurs saveurs pures d’herbes sauvages et de poisson ; la montagne et ses arômes corsés de viande séchée, de fromage et de yaourt ; et les influences du monde oriental. « La Grèce est la porte de l’Orient. Si vous grattez un peu, la culture arabe fait surface. »

>>>Les meilleures adresses grecques en Belgique de Constantin Erinkoglou, chef du Notos

Notos, 154, rue de Livourne, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 513 29 59. www.notos.be

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