Sang-Hoon Degeimbre veut remettre l’humain au coeur de la gastronomie

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« Il faut apprendre à observer l’humain de la même manière que l’on tente de comprendre la nature par laquelle nous sommes inspirés pour cuisiner », a expliqué lundi le chef Sang-Hoon Degeimbre (« L’air du temps »**), à l’occasion du premier congrès gastronomique de Wallonie organisé à Namur en marge du W Food Festival.

« Être cuisinier, c’est être généraliste; il faut être restaurateur, chef d’entreprise, boulanger, poissonnier, jardinier,… La troisième roue de la charrette, c’est l’humain, dont il faut remettre la gestion au centre de son entreprise », a martelé le Wallon qui présentait son système de « perma-nagement ». « Nous devons apprendre à observer les membres de notre équipe à l’instar de la permaculture. Chaque individu est différent, comme les plantes, mais ils se complètent. Il faut faire tourner l’équipe pour une meilleure compréhension des tâches et ne pas rejeter les ‘mauvaises herbes’ qui peuvent aussi apporter leur plus, comme un stagiaire par exemple », explique l’initiateur du collectif Génération W, mettant constamment l’accent sur les métaphores pour expliciter son propos. « Vous devez vérifier en permanence que les membres de votre équipe évoluent dans le bon terreau. »

Cultiver les talents

Dans le même ordre d’idée, David Martin (« La Paix »*) estime que le succès d’un projet dépend de sa construction autour d’un talent. « Pour gérer plusieurs activités, nous devons nous entourer de gens qui se retrouvent dans notre projet. Il faut sentir l’étincelle d’un talent, exploiter son don et lui apprendre à gérer », a estimé le chef et propriétaire de trois établissements notamment.

Bo Bech (« Geist »* à Copenhague), qui gère son restaurant depuis l’étranger, partage le même avis. « La confiance, la transparence, croire en son équipe et échanger avec elle sont la clef. Le rôle du chef est de de pousser ses talents en cuisine pour qu’ils se donnent à 100% et volent ensuite de leurs propres ailes. »

Quant à Benallal Akrame du restaurant parisien « Akrame »* et de l' »Atelier Vivanda » décliné dans la capitale mais également à Hong-Kong, Manille (Philippines) et Bakou (Azerbaidjan), il estime que les chefs ont de plus en plus l’envie de développer leurs projets. « On a le savoir-faire, mais il faut lui donner de la valeur, (…) entre autres en observant l’action des jeunes issus d’écoles de commerce, en se remettant en question, en restant curieux de voir comment le phénomène du ‘food’ évolue, en analysant ce que le client attend… »

David Sinapian, directeur général du groupe Pic, dont fait partie le restaurant « Anne-Sophie Pic »*** à Valence, croit lui en une politique de ressources humaines qui recrutent en dehors du secteur de la cuisine, en basant davantage la sélection sur les soft skills (mobilité, motivation, créativité…) et la multiculturalité, et en misant davantage sur la formation. « Notre objectif est de créer des vocations qui n’étaient pas forcément attendues initialement », explique le responsable du groupe qui compte aujourd’hui 250 personnes.

Changer les mentalités

Mettre l’humain au-devant de la scène, c’est aussi promouvoir l’action des producteurs, des éleveurs ainsi que des pêcheurs. C’est l’objectif poursuivi notamment par Filip Claeys (« De Jonkman »**). Initiateur du groupe North Sea chefs, qui compte aujourd’hui trente membres, le Flamand a souhaité rendre populaires auprès du grand public les espèces de poissons moins connues partant du constat que les variétés qui ne répondaient pas à la demande étaient rejetées en mer (by-catch). « Avant, j’utilisais des produits de qualité venant de partout dans le monde. Puis j’ai décidé de changer de mentalité et de retravailler ma cuisine avec des produits locaux et moins connus, en 2008. J’ai perdu 30% de ma clientèle alors que j’avais déjà une étoile mais j’ai persévéré. Je voulais créer la demande en formant un groupe qui suivrait mon idée », commente le toqué qui voulait initier un changement et sortir des traditionnels turbots, bars et autres soles. L’objectif était de s’inscrire dans une dynamique plus durable, promouvoir l’économie locale et aider les petits pêcheurs. En réponse à l’intérêt manifesté par Pierre Résimont (« L’eau vive »**), Filip Claeys a précisé essayer de trouver une solution pour acheminer les poissons jusqu’en Wallonie. « Changer les mentalités des clients, des chefs et des pêcheurs est moins difficile que de convaincre les fournisseurs. C’est aux chefs de créer la demande. »

Enfin, les métiers de salle ont également un rôle fondamental à jouer dans cette remise au centre de l’humain, souligne Frédéric Kaiser, responsable adjoint de la restauration du Bristol à Paris. « Nous sommes les ambassadeurs des chefs. La réussite d’une expérience culinaire pour un client, c’est du 50/50; la cuisine et le service. Il faut une réelle cohésion avec le chef pour mieux transmettre et comprendre les valeurs de la cuisine », explique-t-il, parlant d’une prise de conscience: « la technique en salle est importante, mais aussi la proximité avec le client, voire l’humour, mais seulement si c’est bien fait!  »

Le W Food festival, qui s’est tenu le week-dernier (1er et 2 juillet) à la Citadelle de Namur, a attiré un millier de personnes samedi, malgré la météo peu clémente, et environ 2.700 le dimanche. Les diners de gala ont, eux, rassemblé 250 et 150 personnes. Les organisateurs attendaient entre 4.000 et 5.000 visiteurs par jour.

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