Shannon Bennett, le chef star qui met l’Australie dans votre assiette

© Simon Griffiths
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Shannon Bennett, la star des chefs australiens, s’est longtemps inspiré des étoilés français pour livrer une cuisine classique tout en finesse. Aujourd’hui, il souhaite remettre la gastronomie locale à l’honneur et parcourt le monde à la découverte d’autres goûts, pour mieux appréhender ceux de son pays. Il est passé par Bruxelles.

Avec ses cheveux longs et son tablier sombre, le chef australien Shannon Bennett a des airs de rebelle. Derrière cette allure atypique se cache en réalité un personnage dynamique, curieux et entreprenant. Ses restaurants, livres et guides sont bien connus des amateurs de cuisine. A force de persévérance, Shannon Bennett, du haut de ses 37 ans, est devenu un chef et un homme d’affaires respectés. Formé par des grands noms de la gastronomie, comme Albert Roux, Marco Pierre White et Alain Ducasse, et fort du respect qu’il voue à Carême, Dugléré et Escoffier entre autres, il se lance très tôt dans la cuisine classique. Il n’a que 24 ans lorsqu’il ouvre son premier restaurant Vue de Monde, à Carlton, dans la banlieue de Melbourne. Trois ans plus tard, il est élu Best New Talent par l’Australian Gourmet Traveller. Il ouvre par la suite six autres établissements sous les dénominations Café Vue et Bistro Vue, dont deux d’entre eux se trouvent à l’aéroport international de Melbourne.

Il y a huit ans, trouvant sa cuisine moins pertinente qu’à ses débuts, il ressent le besoin de se ressourcer. Il a beau employer les meilleurs ingrédients du marché et suivre à la lettre les règles d’or de ses mentors, il se rend compte que la cuisine qu’il prépare n’est pas vraiment la « sienne ». « C’était une cuisine très classique et très française, explique-t-il. Pendant longtemps cela a été ma passion, et j’aime toujours sa discipline, mais les gens qui voyagent aujourd’hui à travers le monde souhaitent vivre une vraie expérience culinaire là où ils vont. S’ils viennent manger dans mon restaurant en Australie, je veux leur raconter mon histoire, leur montrer où j’ai grandi et leur permettre de goûter aux spécialités de mon pays. » Parmi celles-ci : le wallaby, le kangourou et l’émeu. Le jeune chef encense également la qualité de la viande de la vache Mishima, une race originaire du Japon, qui, lorsqu’elle se nourrit de bonne herbe australienne, donne une viande exceptionnellement tendre. « Même les Japonais sont prêts à se mettre à genoux pour en manger ! » lâche-t-il.

Les poissons et crustacés ne sont pas non plus oubliés, avec le délicieux barramundi, le savoureux homard marron et les huîtres plates Angasi qui possèdent une saveur très particulière. Pas question pour Shannon Bennett, en revanche, de cuisiner des poissons pêchés à l’aide de filets. « Je tiens à connaître l’origine et l’histoire de chaque produit, affirme-t-il, et j’opte pour des poissons qui ont été tués selon la méthode japonaise Ikejime, qui consiste à opérer une piqûre dans le système nerveux central. C’est le moyen le plus rapide et le plus humain pour tuer les poissons. La chair est en outre plus délicate et se conserve plus longtemps. »

Quête d’identité

Dans son restaurant principal, Vue de Monde, Shannon Bennett tente d’honorer la cuisine traditionnelle australienne en employant exclusivement des produits originaires de son pays. « Chaque aliment qui compose l’assiette possède une histoire locale, assure le chef. Avec mon équipe, nous nous sommes mis en quête de faits historiques que nous utilisons comme références pour le choix des ingrédients et des recettes. Nous avons particulièrement analysé Melbourne lors du Gold rush, une période de la seconde moitié du XIXe siècle très prospère pour cette ville.

La majorité des plats que nous servons trouvent leurs origines dans des menus historiques. Pendant ces recherches, nous nous sommes interrogés sur ce qui était propre à la cuisine australienne. Dans le cadre du partenariat avec Miele (lire par ailleurs), j’ai beaucoup discuté avec les Dr. Miele et Dr. Zinkann, directeurs et co-propriétaires de la marque, et nous sommes arrivés à la conclusion que l’on ne pouvait étudier la cuisine australienne qu’en connaissant d’autres types de gastronomies et de cultures. D’où l’idée d’un voyage d’études à travers 22 villes, que la société Miele a tout de suite trouvée intéressante et qu’elle a souhaité coupler au lancement de nouveaux fours et à la production d’un livre. J’ai emmené quelques chefs dans l’aventure et nous concoctons un menu australien dans chacun des pays que nous visitons. Je souhaite expliquer aux gens que je rencontre à quel point la durabilité et l’économie d’énergie sont essentielles. D’ici maximum cinq ans, j’aimerais que l’ensemble de mes établissements soit exempt d’émissions de dioxyde de carbone. » Ainsi, le chef utilise exclusivement du glycol pour le refroidissement : cette technique est efficace, moins énergivore et dépourvue d’émissions de gaz à effets de serre. Il n’emploie plus de flamme nue dans ses restaurants mais exclusivement la technologie à induction. Le système d’extraction de l’air n’est donc plus nécessaire, ce qui réduit les nuisances sonores. Pour griller un produit, il recourt au charbon de bois japonais. Il faut compter 3 à 4 heures avant que le charbon devienne blanc et atteigne une température de 300 °C et 9 à 10 heures pour qu’il refroidisse. On peut ainsi l’utiliser du lunch au dîner.

Shannon Bennett ne lésine décidément pas sur les moyens pour réduire son empreinte écologique : « La graisse de friture usagée est emmenée dans la ferme dont je suis propriétaire et elle y est transformée en biodiesel pour le tracteur. Mon exploitation compte 22 hectares de terres, un grand potager et une truffière. Il y a également une ancienne bâtisse que j’aimerais aménager un jour en petit hôtel. L’éclairage LED prime au sein de mes établissements car il est peu énergivore. J’ai également banni tous les produits chimiques susceptibles de causer du tort aux membres de mon équipe et à l’environnement. J’utilise de l’eau électrolysée en guise de produit de nettoyage : il s’agit de 10 kilos de sel mélangés à 10 000 litres d’eau de pluie qui passent ensuite dans un système de membranes électrolysées en titane. Cette technique a été inventée par des Japonais pour lutter contre les pathologies dans la production légumière. En tant que chef, j’estime qu’il est de mon devoir de penser à l’environnement. Il est également essentiel pour moi d’employer des produits d’origine locale et à l’histoire intéressante. Le contenu de l’assiette doit pouvoir dire des choses sur le pays où l’on se trouve. Ce tour du monde me permet d’aller à la rencontre de confrères également soucieux de transmettre une identité locale à travers leur cuisine. »

Le lendemain, Shannon Bennett s’envolera pour Budapest. Shanghai, Mexico City et Toronto suivront. Avant de nous quitter, il nous tend sa carte de visite sur laquelle est apposée une semence, différente chaque mois. Cette fois, c’est la « Bottle brush », aux arômes de citron vert, qu’il met à l’honneur. « Vous pouvez en faire un excellent thé », sourit-il.

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