Zéphyr, la bière bretonne, complètement à l’Ouest

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

À Quiberon, Alexandre Eoche-Duval et Jérôme Jaffré oeuvrent pour l’extension du domaine de la bière. Ensemble, ces deux néo-brasseurs produisent des bières douces et équilibrées.

Sur place, on l’appelle vulgairement le « Caillou ». La presqu’île de Quiberon est une pointe de terre qui éperonne l’océan. Battue par les vents et les embruns – plus que de raison ces temps-ci -, cette petite fin de monde ne manque pas d’attraits : lumières qui subtilement varient, omniprésence d’un vaste horizon qui incite à la modestie, pureté cristalline de l’air…

Des plaisirs plus terrestres y prennent également leurs quartiers. Qu’il s’agisse de la gastronomie vitaminée aux ressources locales d’Hervé Bourdon – Le Petit Hôtel du Grand Large – ou des galettes mythiques de Jeannine Le Floch – qui ne se donnent malheureusement qu’à un petit cénacle qui maîtrise le morse -, Quiberon régale. Sans parler des redoutables kouign-amann de la maison Riguidel. De passage, l’épicurien pouvait regretter l’absence d’un breuvage artisanal qui viendrait compléter le panorama gustatif de cette terre des confins qui s’y emploie comme personne pour aiguiser les appétits.

Depuis juillet 2013, Quiberon peut compter sur une brasserie qui hisse haut l’étendard de l’artisanat. On la doit à Alexandre Eoche-Duval (34 ans) et Jérôme Jaffré (35 ans), deux passionnés qui se sont mis en tête de brasser sur la presqu’île, renouant ainsi avec le vieux rêve des brasseries de village. Impossible de ne pas lire dans cette implantation récente, un symbole de la reconquête des papilles opérées par la bière.

Autoproduction dans une lessiveuse

Alexandre a mis le feu aux poudres, il y a plus de 10 ans. « C’est en allant voir des amis dans les Alpes que j’ai eu envie de me réapproprier un produit. Les amis en question faisaient leur pain et leurs fromages, cela m’a donné envie. Je me suis dit pourquoi pas moi… J’ai commencé à chipoter sur Internet, notamment sur Brouwland, puis j’ai acheté des livres et, enfin, j’ai mis la main au brassin dans une lessiveuse… Ce n’est que pas la suite que je suis passé aux casseroles. » Contaminé, Alexandre transmet sa passion à Jérôme. Ensemble, ils chipotent jusqu’au moment de trouver la belle opportunité : un bar dans lequel implanter de quoi brasser ainsi qu’une chambre froide-chaude. Les deux amis ne tergiversent pas longtemps et se lancent dans l’aventure de la Zéphyr.

Pourquoi Zéphyr ? « Parce que c’est un vent doux et léger qui vient de l’Ouest, la presqu’île est dominée par les vents d’Ouest », explique Jérôme Jaffré. « Doux » et « léger », les deux qualificatifs ne sont pas innocents, ils s’appliquent parfaitement à la gamme Zéphyr qui n’a pas succombé aux sirènes des bières extrêmes flagellées par des doses massives de houblon. « Nous cherchons l’équilibre, il s’agit de bières de soif à savourer dans l’instant », expliquent Alexandre Eoche-Duval et Jérôme Jaffré qui ont opté pour un procédé d’infusion mono-palier à l’anglaise – procédé qui favorise le travail du maltose.

La gamme comprend classiquement une blonde, une ambrée et une brune, toutes trois présentées en bouteille de 50cl. Une « Bitter » et une « Pearl » – notre préférée qui fait un passage plus long en chambre de garde – témoignent quant à elles des expériences menées par les deux apprentis brasseurs qui ne cachent le caractère évolutif de leur gamme. « Nous ne sommes qu’au début de quelque chose, nous en sommes en formation continue », précise Alexandre. Ses bières, le tandem les a voulues issues d’un circuit court – ou du moins le plus court possible. Les houblons proviennent d’Alsace – Triskel, Fuggle et Tradition pour la blonde – et le malt d’orge est issu de Malt Fabrique, une entreprise des Côtes-d’Armor qui produit du malt bio. Pour le reste, ils s’en tiennent également aux lois de la pureté allemande qui veulent qu’en plus de la levure, seuls eau, malt d’orge et houblon entrent dans la composition de la bière.

Le logo ? Surprenant, un oiseau qui flirte avec l’imaginaire, on peut y retrouver le bec d’un macareux moine, la quille d’un bateau, une voile, un poisson…

Paradis des surfeurs

Le charme de la Zéphyr réside beaucoup dans le lieu qui abrite la brasserie. Situé au Rohu, il a été d’emblée adopté par les surfeurs de la presqu’île. Il faut dire qu’avec son côté brut de décoffrage – on pense notamment aux deux hamacs suspendus à la charpente pour les siestes inter-brassins -, il avait tout pour leur plaire. Idem pour les installations très « gypsy brewers » – des casseroles de grande taille – qui ne permettent pas d’excéder des productions de 90 litres. Celles-ci s’effectuent à raison de deux fois par jour et trois fois sur la semaine. Le tout pour un total de 540 litres semaines qui témoigne de l’approche artisanale de l’endroit. À ce titre, il faut jeter un oeil sur l’étiqueteuse DIY fabriquée à partir de deux pieds de lit, un véritable plaidoyer pour l’esprit de débrouille.

Bien vu, pour animer le lieu, les deux brasseurs organisent des concerts et encouragent les boeufs entre musiciens. Sans parler des excellentes planches proposées dont on recommande les Perchettes, des saucisses sèches préparées à la Zéphyr brune et signée par une boucherie locale, Les Compagnons de la Presqu’île. Bref, le bon endroit où s’arrêter lors de prochaines vacances dans le Morbihan.

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