De l’avantage d’être heureux

Ancien professeur de psychologie à Harvard, Shawn Achor nous explique les grands principes de sa méthode positive, à l’occasion de la publication de Comment devenir un optimiste contagieux.

Quel est votre but en publiant ce livre ?
Mes recherches résultent d’une démarche simple et mon objectif est clair : je veux que les lecteurs comprennent que le bonheur se choisit. Et que le moindre petit changement que l’on effectue peut transformer la vie pour le mieux. Nous appréhendons trop souvent le monde qui nous entoure avec une grille de lecture négative. On lit la presse, on regarde les infos et notre cerveau est bombardé d’histoires de meurtres, de corruption, de maladies et de catastrophes naturelles. En réaction, le cerveau se met à s’habituer à ce ratio négatif/positif. Ce qui explique pourquoi les pessimistes s’autoproclament « réalistes ». Mais c’est une réalité faussée qui contribue à ce que l’on appelle le « medical school syndrome » : plus on en sait sur une maladie, plus on en ressent les symptômes. Mon livre – et les travaux de bien d’autres chercheurs en psychologie – a pour but de changer cette donne. Cette année, un de mes articles dans la Harvard Business Review a été très commenté, donc j’ai tendance à penser que le monde – de l’entreprise, en tout cas – est prêt à réviser ses idées reçues et à entendre que le bonheur est, dans notre économie moderne, le plus grand allié de la compétitivité.

Le bonheur précède-t-il le succès ou est-ce l’inverse ?
C’est la question fondatrice de mon raisonnement. Vous y répondez de manière inconsciente plusieurs fois par jour, lorsque vous formulez : « Je serai heureux quand j’aurai trouvé un boulot » ou « quand j’aurai eu une promotion ». Le deal paraît simple et imparable : travailler plus pour avoir du succès et ainsi, être heureux, ou, plus heureux. Quand j’ai posé la question à certains de mes étudiants à Harvard, la réponse a été : « Je travaille comme un fou pour être bien/heureux/satisfait quand… » (remplir avec un salaire à cinq chiffres, une découverte scientifique, etc. !) Mais ces brillants étudiants oublient un peu vite au passage que l’accès à une prestigieuse université était déjà, en soi, supposé les rendre heureux. C’était le voeu qu’ils formulaient quand ils étaient au lycée. Pourquoi alors la formule succès puis bonheur n’a-t-elle pas fonctionné ? Parce qu’il faut tout simplement remettre cette formule à l’endroit. C’est le bonheur qui doit précéder le succès, et non l’inverse. Sa préexistence favorise l’arrivée de la réussite. Toute forme d’interaction humaine, sentimentale, professionnelle est bien plus fructueuse si elle a été positivée dès l’origine. Elle a ainsi plus de chances d’atteindre son but – celui-ci incluant le bonheur.

Comment peut-on changer la façon de voir sa vie ?
La première chose que j’ai toujours enseignée à mes étudiants surmenés – et que j’enseigne toujours dans les entreprises – est de cesser de combiner systématiquement réussite et bonheur dans une seule et même équation. De façon empirique, nous savons bien que la réussite ne mène pas au bonheur. Sinon, toutes les personnes à haut poste, tous les ultrariches, seraient heureux. La première étape consiste donc à arrêter de croire que le bon boulot, la promotion… sont les seules choses qui peuvent nous apporter le bonheur. La deuxième, c’est la prise de conscience du fait que le bonheur est une éthique. Nos phrases toutes faites sur le mode « je suis programmé pour être malheureux » ; « ce n’est pas à mon âge qu’on apprend de nouveaux trucs » ; « certains naissent cyniques et le restent à vie », sont autant de clichés véhiculés par notre culture occidentale. La croyance selon laquelle nous nous réduisons à nos gènes est un mythe pernicieux qui pourrait décourager nos désirs d’évolution. La communauté scientifique en est d’ailleurs en partie responsable car pendant des décennies elle a refusé de voir le potentiel de changement qu’elle avait sous les yeux. Or je soutiens, avec bien d’autres chercheurs, que le bonheur n’est pas une capacité génétiquement programmée mais le fruit d’un travail. Il faut entraîner le cerveau à positiver.

Quelle est la méthode pour y arriver ?
J’ai mis au point le 21 Day Challenge, comme une série d’exercices pratiques qui peuvent paraître très prosaïques mais qui sont en réalité le meilleur moyen de gagner en optimisme. Choisissez l’un des cinq points suivants et essayez-le pendant vingt et un jours consécutifs. Il en résultera automatiquement une dynamique d’optimisme. 1) Mettez chaque jour par écrit trois choses nouvelles pour lesquelles vous éprouvez de la gratitude. 2) Consacrez quelques minutes dans la journée à la rédaction d’une expérience positive vécue dans les dernières 24 heures. 3) Faites de l’exercice, quoi que ce soit, pendant dix minutes par jour – ceci conduit votre cerveau à être influencé par votre comportement. 4) Méditez pendant deux minutes en vous concentrant sur votre respiration. 5) Écrivez dès que possible le matin un e-mail de remerciements ou de compliments à un membre de votre équipe. Bien sûr c’est plus simple à exprimer en théorie qu’à mettre en oeuvre en pratique, mais c’est comme tout travail, cela demande une discipline et de la constance. Au fil du temps, le paradigme se transforme. Vous ne vous entendrez plus jamais dire « je serai heureux quand… ».

Par Elvira Masson


Comment devenir un optimiste contagieux, par Shawn Achor, Belfond.

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