From Rome, with love

Grande dégringolade immobile des escaliers de la piazza di Spagna, centaines de marches, centaines de touristes assis, quatre dizaines de degrés.

Elle, là-bas, avec sa bouteille d’eau, elle verse de la fraîcheur sur ses pieds nus. Lui, un peu plus loin, il la regarde, en oblique. Elle a des cheveux blonds tirant sur l’ambre, qui la cachent quand elle se penche. Assise, inclinée, elle regarde ses pieds, rafraîchis par l’eau qui rebondit en gouttelettes, qui noircit la pierre en la mouillant. Elle lève les orteils, elle joue.

Il en oublie les centaines d’hommes et de femmes. La chaleur insole. La bouteille de plastique, vide, roule, descend deux marches. Il se lève, il fait les dix mètres qui les séparent.

— Votre bouteille…

Elle lève la tête, elle avait les yeux fermés, elle est éblouie, elle tend le bras doré, elle prend la bouteille.

— Danke, dit-elle.

Puis elle baisse à nouveau la nuque ; les cheveux, comme un rideau. Et lui n’a guère le choix que de retourner s’asseoir.

La flaque assombrie autour de ses pieds pâlit à une vitesse effrayante. Le soleil boit à même la pierre. Elle se lève. Il tourne la tête, et il la voit debout, longues belles jambes abricot, mini-short en jean. Avec les sept ou huit personnes de son groupe, finie la pause, elle va continuer sa visite de Rome. Elle longe la marche pour descendre par l’autre côté des escaliers et passe devant lui. Elle lui fait un sourire. Lui aussi, il sourit. Un peu gêné, et il reste assis. Elle boite. Voilà qui est imprévu. Elle boite.

Et chez lui, maintenant, dans sa tête, quelque chose qui cloche.

Gregoire Polet

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