Icônes électriques: le guitariste inconnu

Tous les quinze jours, Jérôme Mardaga nous parle d’un des musiciens qui a marqué sa carrière.

Imaginons un club étroit et souterrain dans une grande ville quelque part en Europe. Un groupe joue fort à l’arrière, sur une petite estrade. Point de lumières clignotantes ici. Trop de couleurs distraient le spectateur. Un simple tableau, laissant l’ombre nécessaire au mystère. Le guitariste repeint le ciel avec sa vieille Gretsch White Falcon, entre western hivernal et chapelle Sixtine. Je n’avais pas prévu de sortir. Je suis là par hasard. Jamais entendu parler du combo qui secoue la scène au moment où je commande une seconde pinte. Le serveuse et son chandail bleu électrique me rappelle une autre ville, une autre femme, une autre époque. Un vent d’Ouest souffle à tout berzingue, la plage est vaste et infinie, l’océan au diable, trois goélands racontent des blagues au sommet d’une falaise. Le sable est rouge. Electricité marée motrice. Je ne connais toujours pas le nom de la formation qui vient d’entamer le deuxième acte. Notre héros inconnu monte le ton sans faiblir, ça mouline, le pilier c’est lui. Un jeu très simple, panoramique à propos, en lignes longues, et surtout en silence. Un oiseau sur un fil électrique, maître de sa respiration et de son vol. De lents travellings avant à la Stanley Kubrick. Plus le concert touche vers sa fin, plus je rechigne à tout savoir sur le groupe devant moi. Cette musique possède une telle aura de mystère qu’il serait dommage de l’effriter. Un scénario à la Michelangelo Antonioni si vous voulez. Les choses se passent sans vraiment d’explications à la clé. Les choses n’arrivent qu’une seule fois. Je sors du club. Décoiffé. Remonté. Je rentre à pied en pensant à ne pas oublier de vous souhaiter de belles fêtes carillonnantes de beaux airs comme ceux que je viens d’entendre.

Jérôme Mardaga

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