Isabelle Alonso

Isabelle Alonso ne mord pas. Elle déborde d’éclats de rire et se révèle avec la franchise qui la caractérise. Mais quand il s’agit de son combat, elle ne lâche pas le morceau. A l’heure où « les femmes font leur coming out d’êtres humains », elle publie un livre pour décrire cette « révolution clandestine ». Si son tempérament espagnol fait bouillir son sang, c’est parce qu’elle s’oppose fermement à l’injustice.

D’où vous vient le sens de l’humour ?
Il s’agit d’une pratique familiale, un refuge lié à « la politesse du désespoir ». J’ai choisi une vie avec humour.

Et le goût du militantisme ?
Je n’ai pas le goût du militantisme, mais le dégoût de l’injustice. J’aime écrire, rencontrer des gens et réagir en tant que citoyenne. Accros aux journaux et très politisés, mes parents m’ont transmis cette seconde nature.

Etre femme c’est…
Une constatation : c’est être un être humain. Je suis heureuse d’être une femme, mais comme disait ma tante, « faut savoir naître ». Si on savait ce qui nous attendait avant notre venue au monde, on choisirait d’être un homme. Nous sommes là pour corriger la société.

Que signifie être féministe ?
Etre une démocrate cohérente. Ce n’est pas une spécificité féminine, mais humaine que de se révolter face à l’injustice et l’arbitraire.

Quelle révolution prônez-vous ?
Nous avons déjà accompli une révolution pacifique, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir. La question des femmes n’étant pas intégrée au débat politique, il résulte un profond malaise.

Qu’est-ce qui est prioritaire ?
Il faut reconsidérer la totalité de l’activité humaine, de l’intime aux institutions, afin de repenser la société en terme d’égalité et de mixité. La moitié de la population, à savoir les femmes, a trop été spoliée et réclame sa juste part.

Etre libre, c’est…
Etre libre de ses choix, sans que quelqu’un vous dise quoi faire de votre vie, votre corps, et votre temps. Le nombre de femmes libres étant minoritaire sur la planète, je suis une privilégiée.

Que ne pourriez-vous pas sacrifier ?
C’est en étant heureuse, épanouie et équilibrée, que je peux être utile et agréable aux autres. On attend des femmes qu’elles se sacrifient, mais on les frustre en les poussant à leur perte.

Quelles femmes admirez-vous ?
Benoîte Groult, romancière et essayiste de talent. Marie-Victoire Louis, une femme intègre et rigoureuse. Les gens structurés m’aident à me tenir debout. Enfin, Virginia Woolf pour son courage et sa liberté.

L’homme qui force l’admiration?
Nelson Mandela pour son intégrité, son courage et sa capacité à être juste tout au long de sa vie. Ce livre est dédié à lui et à d’autres hommes africains. La lutte pour la justice n’a ni couleur ni sexe !

Votre définition de la virilité ?
C’est l’inverse du machisme, instrument de violence et de pouvoir. La virilité est la qualité qui rend l’homme attirant et agréable.

Qui l’incarne ?
Julien Doré. Amical vis-à-vis des femmes, il est si viril que même quand il chante Lolita, il me fait craquer. Il possède l’essence même du mec !

D’après vous « le corps de la femme a toujours été sous contrôle ». Comment est-il perçu aujourd’hui ?
J’aimerais qu’il soit perçu comme un vrai combat pour les femmes de demain. Corrigé, manipulé, dominé, le corps doit être parfait au lieu d’être ressenti. Beau comme il est, il nous appartient. Satisfaisons-nous de ce corps en état de marche au lieu de le rendre à tout prix désirable.

Quel regard portez-vous sur le vôtre ?
Ça m’a pris des années pour en faire mon ami. Ayant un rapport très charnel avec mon corps, j’aime faire du sport, danser et pratiquer du nudisme. Cela m’a libérée. Constructifs, mes partenaires masculins m’ont appris qu’on est attachant par ses imperfections. Je préfère décrocher un Prix Nobel que ressembler à Naomi Campbell (rires) !

Que représente la mode ?
Si c’est une contrainte, c’est nul. Si c’est un amusement, c’est une délicieuse futilité.

Style vestimentaire?
J’aime être sexy sans que ce soit contraignant. Mes fringues se composent de décolletés, jupes courtes, jeans et tee-shirts.

Une pièce fétiche?
Une veste d’homme de Castelbaljac. Usée et trop grande, elle est ma deuxième maison.

Le créateur qui sublime les femmes ?
Jean Paul Gaultier. Il met sa belle créativité au service de leur corps.

Votre parfum?
Mitsouko de Guerlain. J’ai un nez plus subtil pour le vin que pour les parfums (rires).

Celui de l’enfance?
La lavande espagnole en savonnette ou en eau de Cologne, Heno de Pravia.

Si vous étiez un instrument de musique?
Un violon ou une guitare, car j’aime le côté nomade des instruments qu’on peut emporter avec soi.

Talent rêvé?
Le chant. Donner sa voix au public doit être magique…

Péché mignon?
Je suis d’une gourmandise atroce ! J’aime les fruits de façon déraisonnable, mais j’ai surtout des envies de chocolat.

Aimez-vous cuisiner ?
Quand on est la fille d’une cuisinière émérite, c’est très inhibant. Alors, je fais juste « à manger » pour des amis.

Que représente l’amitié ?
Quand j’intègre mes amis à ma « famille », ça signifie que nos liens sont d’acier. Parmi mes meilleurs copains, j’ai plusieurs ex. Je ne les désire plus, mais je les aime toujours.

Quelle amoureuse êtes-vous ?
Cool. Quand j’aime quelqu’un, je ne lui impose rien. A l’instar de la chanson de Brassens, je suis « l’éternelle fiancée ».

Quelle séductrice êtes-vous ?
Médiocre ! Soit je plais, soit je ne plais pas. Si je tente une stratégie, ça ne fonctionnera pas (rires).

Votre plus grande folie amoureuse ?
Je suis la seule à le savoir… Tout comme le patinage artistique, ça doit rester facile en apparence.

Un côté méconnu?
Je suis quelqu’un de fantaisiste et de chaleureux, qui aime tant la vie, que je la prends du bon côté.

Que vous apporte l’écriture ?
La liberté. Ayant horreur des contraintes, j’aime ce moment aussi enivrant qu’une coupe illimitée de champagne.

Les planches ?
Que de rigolades et de mal au bide. Je suis prête à recommencer demain !

Et la télé ?
J’aime cette récré qui me permet de m’aérer les méninges. Ça commence à me manquer…

Qu’est-ce qui vous fait pleurer ?
Voir les parents vieillir, la misère du monde, les enfants malades, les gens jetés sur les routes à cause de la connerie de certains piétineurs.

Qu’est-ce qui vous excite ?
Quand on assiste à la chute du Mur de Berlin ou à la fin de l’apartheid, on croit que le monde va changer, mais ce n’est qu’un leurre.

Et vous fait rêver ?
J’aimerais réunir tous les gens que j’aime, dans une maison que j’adore, entourée de sable et de cocotiers.

Si vous étiez Présidente…
Je mettrais sur pied des structures pour détricoter le patriarcat et rééquilibrer les choses entre les deux sexes. Primauté à l’individu. Quel que soit son âge, son épiderme ou sa classe sociale, il subviendrait à ses besoins. Et je supprimerais le mariage en faveur des attaches sentimentales et affectives.

Et magicienne ?
Je tordrais le cou aux maladies transmises en faisant l’amour. Même si j’admets la mort, je ne supporte pas la douleur et l’angoisse du corps qui se barre en vrille.

Un mot pour vous définir ?
La joie de vivre.

Propos recueillis par Keren Elkaïm

Même pas mâle !, par Isabelle Alonso, Robert Laffont, 230 pages.

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