Jonas Eslender, l’homme qui passe sa vie à l’hotel

Jonas Eslender © LIEVEN BULCKENS
Elke Lahousse
Elke Lahousse Journaliste

Un boulot, une petite amie, un abonnement à Spotify et une foule de potes. Jonas Elslander est un trentenaire comme tant d’autres. Avec une différence notoire, pourtant : il n’a pas de domicile fixe. Ce guide touristique habite en effet la plupart du temps… à l’hôtel. Entretien avec un nomade moderne.

Sept jours sur sept, il commence sa journée de travail à 8 heures du matin pour la terminer 15 heures plus tard. Et ce, pendant plusieurs semaines d’affilée, avant une pause d’un mois ou deux.

Jonas Elslander est guide touristique et, la moitié de l’année, il accompagne des groupes de voyageurs à l’étranger pour le tour-opérateur Anders dan Anders. Le reste du temps, l’Anversois s’adonne à son activité préférée… les voyages ! Il vient ainsi de bourlinguer près de cinquante jours en Indonésie, vaquant d’île en île, avant de découvrir le Mexique et ses sites historiques.

Il a plongé dans les eaux limpides des Maldives, est passé par la Corée du Sud, pour ensuite mettre le cap sur Varsovie, Belgrade et Anvers, afin de rendre visite à ses amis et à sa famille.

 » J’ai toujours été curieux de savoir ce qu’il y avait au-delà de nos frontières. Après mon diplôme en développement de produit à Anvers, j’ai décidé, en 2010, de poursuivre ma formation à Kyoto. Je voulais vivre hors de la Belgique et le Japon m’attirait beaucoup. »C’est là que le jeune homme a été recruté comme guide.

 » Au début, je ne travaillais qu’au printemps et à l’automne, mais j’ai rapidement dormi plus souvent dans des lits d’hôtels que dans le mien.  »

Il y a trois ans, le globe-trotteur a mis un terme à son bail.  » Je louais un flat de 18 m2 pour 600 euros par mois. C’est petit mais pas anormal au Japon. J’appréciais d’y vivre car la vue donnait sur un temple bouddhiste. Mais il m’arrivait parfois de n’être chez moi que deux jours par mois. Je me suis alors demandé si j’avais réellement besoin d’une maison ou si je pouvais me sentir chez moi, même là où je n’avais ni clé ni boîte aux lettres.  »

Jonas Eslender, l'homme qui passe sa vie à l'hotel
© LIEVEN BULCKENS

Trois valises

Aujourd’hui, Jonas vit avec trois valises réparties dans trois lieux différents. L’une est au plat pays, l’autre à Tokyo et la troisième à Varsovie, d’où est originaire sa compagne.  » Elle bosse actuellement pour une start-up mais voyageait aussi aux quatre coins du monde jusqu’à récemment. Nous essayons autant que possible de faire coïncider nos destinations « , raconte-t-il. Le contenu de chaque malle est grosso modo identique : chaussettes, sous-vêtements, pantalons et tee-shirts.

La musique à elle seule me permet de me sentir partout chez moi.

Pour la Pologne, le trentenaire a aussi prévu quelques affaires de ski et, pour le Japon, des chocolats belges destinés à être offerts à ses nouvelles connaissances.  » Le plus souvent, je me déplace avec un simple bagage à main. Je n’ai pas besoin de plus. Mon mode de vie nomade est une leçon anticapitaliste intéressante.

Je ne dépense plus d’argent pour des choses matérielles car je n’ai plus de place pour les stocker. Je préfère m’offrir des expériences uniques : faire de la plongée dans des îles isolées, me payer une chambre d’hôtel sur une plage, avec vue sur le soleil couchant. Les seuls objets que je possède encore sont des écouteurs, des adaptateurs, une caméra GoPro, un ordinateur portable, des vêtements, des stylos, des Post-it, un boîtier pour les services bancaires via Internet et une enceinte Bluetooth pour écouter Spotify. La musique à elle seule me permet de me sentir partout chez moi.  »

Sa notion de chez-soi, justement, a évolué au fil des ans.  » A l’hôtel, j’ai l’impression d’être à la maison lorsque le lit est recouvert de beaux draps, que le shampoing est de qualité et que ma chambre est bien disposée, explique Jonas. J’ai un faible pour les couchers de soleil et je demande toujours que celle-ci soit orientée à l’ouest. Lorsque je ne travaille pas et que je réserve moi-même, je vérifie d’abord sur Foursquare où sont situés les chouettes bars et restaurants.

Dans un hôtel, on n’a ni jardin, ni cuisine, ni living. Pour compenser, j’ai donc besoin de me trouver dans un quartier convivial.

Ainsi, le Daiichi, à Tokyo, est un endroit où j’aime séjourner à chaque fois que je suis dans la capitale nipponne pour mon boulot. Trois mois par an, je vis sur le sol japonais et j’ai l’habitude de me rendre dans une dizaine de resorts. Je vais aussi régulièrement à Denver, Hong Kong et Séoul, villes où je loge chez des amis. A Anvers, ce sont toujours la famille ou des copains qui m’hébergent.  »

Garder des liens

Son compagnon de route le plus fidèle, finalement, c’est Internet.  » Maintenir des contacts avec mes proches, où qu’ils soient, est essentiel pour moi. Le fait de pouvoir envoyer des photos et des messages aux gens que j’aime me rassure.

Grâce à la Toile, je reste aussi au courant de ce qui se passe, tant au niveau politique que culturel. De cette façon, j’ai toujours quelque chose à raconter à mes potes belges, même si j’ignore leur toute dernière actu perso.  »

Pendant que Jonas parcourt la planète, les autres trentenaires, eux, deviennent propriétaires et parents. Prévoit-il de se ranger ?  » Habiter à l’hôtel est difficilement conciliable avec une vie de famille.

Et puisque ma compagne et moi-même souhaitons avoir des enfants, il y a de grandes chances que nous louions ou achetions un jour un logement. Cela ne signifie pas pour autant que nous y vivrons en permanence. J’aime mon boulot et j’adore voyager. Mais avoir un lieu où l’on trouve son propre café dans le placard et le livre de cuisine à côté du four me semble aussi être une aventure.  »

LES PLUS

1.  » Chaque matin, un petit-déjeuner délicieux sans rien devoir préparer. « 

2.  » Une salle de bains toujours propre. « 

3.  » Le lit et le bureau au même endroit. « 

4.  » La découverte, à travers les voyages. « 

LES MOINS

1.  » Le matériel est limité. Pour déguster une bouteille de vin, il faudra trouver des verres et un tire-bouchon. « 

2.  » Les prix élevés des services hôteliers. A la maison, faire une lessive ne coûte presque rien alors qu’à l’hôtel, cela peut vite revenir très cher. Au Japon, il faut compter 100 euros par machine. « 

3.  » Quand Internet ne fonctionne plus chez soi, il suffit de réinitialiser le routeur. A l’hôtel, il faut juste espérer que le réceptionniste puisse le faire. « 

4.  » Les chambres d’hôtel sont plutôt impersonnelles. Vous n’en avez pas choisi la déco. « 

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