L’Italie secrète: Cagli l’inchangée

Niché dans la montagne, ce qui n’était qu’un ermitage suivant les règles de Saint-Romuald est devenu un monastère malgré tout assez isolé. À le voir de loin, on dirait une forteresse! Des hauts murs encerclent tout le monastère et semblent protéger les moines des tentations du monde extérieur. Une lourde porte en bois finit de couper ce petit monde. Les moines, nous ne les verrons d’ailleurs pas. C’est une jeune femme qui nous accueille pour nous faire visiter une toute petite partie de l’endroit. La communauté est petite, ils sont une dizaine, mais tous relativement jeunes d’après la guide. Et ceux-ci ne sont plus aussi coupés du monde que leurs anciens! Comme souvent dans les monastères, on y offre l’hospitalité, mais l’importante bibliothèque est ouverte aux chercheurs et tous les samedis soirs, ceux qui le souhaitent sont invités à discuter des lectures qui ont été choisies pour la messe du lendemain. Nous entamons la visite… La structure essentiellement romane de l’ensemble donne à la fois une impression d’austérité et de sérénité. Les fenêtres sont rares et hautes: à part le ciel, on ne voit quasi rien. Sans doute pour se rapprocher de Dieu? Tout cela est un peu oppressant, malgré la douceur de la lumière qui semble quasi tamisée à l’intérieur! La salle qui fait entrer le plus de lumière, c’est l’ancienne salle des copistes, où les moines s’attelaient à la patiente tâche de l’écriture et de l’enluminure, bien avant que l’imprimerie ne soit implantée en Europe. J’imagine des rangées d’hommes tonsurés, habillés simplement, penchés sur de lourds ouvrages à divers stades d’avancement. Certains entamant une page blanche, d’autres terminant une esquisse, des derniers rajoutant les détails en or, rouge ou bleu, le visage a deux doigts de la page. Dante Alighieri, dont il se murmure qu’il y fit un passage sur les routes de l’exil, y a sans doute passé un peu de temps à les observer! Dans l’un des cercles du paradis de la  » Divine Comédie « , il rencontre sans-Pierre Damiani, qui lui aussi, y était venu s’y réfugier. On est loin de tout çà dans la petite bibliothèque (nous ne verrons pas la grande) avec ses livres imprimés et son ordinateur!

L’impression d’austérité continue lorsque l’on redescend dans la vallée pour rejoindre la ville de Caglí. Caglí, c’est une ville de religion. Elle ne compte pas moins de … et 4 monastères au coeur même de la ville. Pour les fans d’architecture et d’art religieux, il faut au moins une bonne journée pour visiter tout ce qu’elle a à offrir! Comme nous sommes des invités  » officiels « , c’est au Palazzo Communale (l’hôtel de ville) que nous sommes reçus et confiés entre les mains du commissaire culturel! Comparé à Caglí, Fabriano a des airs de grande ville! Peu de magasins, quelques restaurants et une population qui semble relativement âgée et regarde passer avec curiosité notre petit groupe qui a l’honneur d’être accompagné par un de leurs édiles! Des églises justement, nous en verrons des tas: la cathédrale basilique, l’église Saint-François, L’église Saint-Dominique où le père de Raphaël, Giovanni Santi, a peint un ange dont on soupçonne qu’il porte les traits de son fils… Les intérieurs des églises sont bien entendu très beaux, comme partout en Italie, mais la région est souvent victime d’un fléau majeur: les tremblements de terre! Fabriano, Caglí et les villes des alentours ont toutes été touchées, et même souvent ravagées plusieurs fois dans leur histoire et souvent à quelques années d’intervalles. Les fresques défigurées des églises en témoignent. Malgré tout, Caglí donne une impression d’immuabilité, celle de ne pas avoir changé depuis la Renaissance.

Mais ce qui la distingue des autres bourgades du coin, c’est sa tour… le  » Torrione « , une énorme tour de garde qui d’un côté, surveille la ville en un seul regard et de l’autre, tout ce qui peut arriver devant. La tour et en cours de restauration et même si la vue depuis son sommet est magnifique, c’est dans ses entrailles que se cache le plus intéressant : de nombreuses sculptures d’artistes contemporains, mais surtout, un passage secret! Un long et étroit corridor de 300 mètres lui aussi en cours de réfection et qui mène vers un des palais de la ville. Je n’ai pu en parcourir qu’un petit bout, mais je reviendrai rien que pour le faire en entier! Cerise sur le gâteau, Cagli a son théâtre! À peine restaurée, cette bonbonnière d’opéra est toute pimpante et frivole…

La visite de la ville finie, nous nous dirigeons vers la  » frontière  » avec l’Ombrie. Le paysage est de plus vallonné… et bientôt, nous nous engageons dans une vallée encaissée, suivant une rivière… Le paysage est digne d’un film… Ce sont les Gorges de Furlo et sa réserve naturelle. L’eau bleu-verte du fleuve coule paisiblement entre deux énormes falaises. J’ai un flash! On dirait un paysage du  » Seigneur des anneaux « . J’en verrai presque les barques de la  » communauté de l’anneau  » glissant sur l’eau, admirant les statues géantes d’Argonath. Malgré le beau temps, personne n’a eu envie de faire un petit tour en kayak. Peut-être la proximité de la centrale hydroélectrique? Mais on peut également parcourir les sentiers du parc… et peut-être tomber sur un loup, qui en train de recoloniser cette partie des Apennins.

Nous nous arrêtons à côté d’un tunnel à flanc de montagne. Ce tunnel, ce sont les Romains qui l’ont creusé en 76 lors de l’amélioration de la Via Flaminia, une route vieille de plus de 200 ans reliant Rome à Rimini. Vespasien était alors empereur et une plaque d’origine en célèbre le fait! Et voilà qu’on le contemple, et que notre minivan passe tranquillement à travers… combien de légionnaires et centurions ont fait de même tant que la puissante Rome régnait sur cette partie du monde?

La tête m’en tourne… et dire qu’on va seulement passer au déjeuner!

Melissa

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