Les noces de Foenkinos

En cette ère de morosité, David Foenkinos injecte une double dose de vivacité. Son humour à rebours prend le pouls de l’amour avec justesse, tendresse et parfois tristesse. Dans sa première pièce, Célibataires, Catherine Jacob jouit de prémices inespérées. Mais son roman, Nos séparations, démonte les désillusions de la fusion. Hyper volubile, ce garçon – né sous le signe du plaisir – masque ses fragilités derrière un air décontracté.

Quel est « le mythe de votre histoire » ?(déstabilisé) N’étant pas issu d’une famille littéraire, j’ai très peu lu avant 16 ans. C’est à cet âge-là, que je me suis fait opérer du coeur. Après cette expérience, je me suis éveillé au monde, à la littérature, à la peinture, à la sensualité, aux femmes et à l’imagination.

Quel petit garçon étiez-vous ?
Bien qu’étant nostalgique, je n’ai pas beaucoup réfléchi à l’enfance… En regardant mon fils de 6 ans, je vois le garçonnet que j’aurais pu être. Hyperactif et bagarreur, j’ai eu mon premier ulcère à cette même période. Mes parents, peu présents, m’ont permis de développer mon imaginaire afin de combler le vide.

Quel vieillard deviendrez-vous ?
Je préfère m’imaginer en vieux séducteur, à la Jean d’Ormesson, qu’en Romain Gary qui s’est suicidé. L’idée de perdre me travaille tant que je suis souvent propulsé vers la vieillesse. J’aime me rendre en maison de retraite, voir de vieux écrivains ou recevoir de jeunes auteurs.

Rêves d’hier et d’aujourd’hui.
Je rêve de temps, de liberté et de faire tout ce que je n’ai pas pu concrétiser quand j’étais enfant.

Qu’y a-t-il de plus jazzy en vous ?
L’imagination, à l’image du jazz qui comporte des impros et des bulles de champagne. Cette musique, issue du sombre, correspond à mon humour teinté de gravité. Ne pas toujours être ancré dans la vie reflète mon côté humain et fantaisiste.

Et dans votre écriture ?
Le plaisir que j’éprouve en écrivant. Je tiens absolument à ce que mon lecteur en prenne.

Votre héros de papier.
J’adore Solal. Ce personnage emblématique a ouvert mon imaginaire. Je me sens si proche d’Albert Cohen, que j’ai été sur ses traces. Tout en étant dans la séduction absolue, Solal a un vrai rapport à la noirceur. Paradoxal, il renie ses origines juives en aimant une femme chrétienne. Ce tiraillement entre amour et rejet m’intéresse.

Qu’en est-il de vos racines ?
Je suis originaire de Grèce. Mes parents viennent d’Afrique du Nord. Partis de rien, mes grands-parents ont subi le traumatisme de l’absence. Ma névrose passe par l’humour juif et la fascination pour les pays de l’est. La religion est la question d’une vie.

L’écriture, névrose ou délivrance ?
Je croyais que ce serait une délivrance, or c’est bien plus une névrose. Plus on avance, moins on se libère. En se plongeant dans l’inconscient, on se découvre au lieu de se soûler. C’est comme une psychothérapie à l’envers. Je ne transforme pas ma vie en littérature parce que la première est bien plus importante.

« Les mots sont mon refuge », contre qui ou quoi ?
Tel un adultère, m’éloignant des autres, mon imaginaire est une bulle parallèle à ma vie. L’écriture peut m’épanouir de manière extrême, car elle me rend à la fois très fort et très faible.

Plutôt ordi ou stylo ?
Même si je prends des notes, je suis branché ordinateur. Cela ne signifie pas que je sois un fou d’internet. Je tiens un blog (pour Livres Hebdo), mais je ne suis pas un bloggeur dans l’âme.

Quel a été le déclic théâtral ?
Après la parution de mon premier roman, France Culture m’a commandé une pièce. L’idée d’une agence matrimoniale a surgi, or je me croyais incapable de faire des dialogues. L’imagination a une vie autonome… Même quand on n’écrit pas, on écrit constamment dans sa tête. Une fois que j’avais digéré tout ce que je portais en moi, ma pièce est sortie en trois jours ! Je possède désormais une énergie incroyable pour le théâtre.

Voir vos personnages en chair et en os c’est…
L’un des plus beaux moments de ma vie. Ce rendez-vous avec son imagination est aussi perturbant. Quant aux retours de la salle, c’est imparable. J’adore faire rire ! Est-ce la politesse du désespoir ou de l’espoir ? Comme je veux être aimé, cela crée un rapport plus direct à la séduction.

Célibataire ?
Non, je ne l’ai jamais été. Quand on écrit des romans, on fait plein de rencontres.

Que feriez-vous si vous l’étiez ?
Autour de moi, je vois beaucoup de victimes de la solitude urbaine. C’est si dur de rencontrer quelqu’un, que j’aurais recours à toutes les formes d’aides. J’ai vécu un « speeddating » pour un reportage. Croyez-moi, sept minutes ça peut être très court ou très long.

Vos critères de LA femme ?
Une Suissesse aux cheveux lisses, catho de bonne famille, qui parle l’allemand et vote UMP ! Plus sérieusement, j’aime la douceur. Influencé par Truffaut, je suis séduit par l’actrice Claude Jade.

Quelle serait votre fiche de présentation ?
Un homme qui a le sentiment d’être vieux. J’ai beaucoup d’humour et de patience, mais au fond de moi, je suis très solitaire.

Avec qui aimeriez-vous danser un tango ?
Julie Martin (mon amie journaliste), Scarlett Johansson, voire tout le casting de Woody Allen (rires).

L’ironie…
J’adore ça ! Cette pièce présente une agence matrimoniale, tenue par deux célibataires. Abîmés par la vie, ils sont maladroits. Leur solitude est un peu pathétique, mais de par mon côté fleur bleue, j’ai envie que ça marche pour eux. Optimiste, je suis toujours rivé vers l’avenir.

Vous est-il arrivé de « ne plus rien espérer en amour » ?
Jamais. J’ai juste peur d’avoir le coeur sec, car nul n’est à l’abri d’éclats dans la tendresse.

L’amour, miracle ou prison ?
Prison, quartier VIP (rires) ! La passion est un enfermement, mais aussi un miracle. Je rêve qu’une femme comme Yoko Ono m’emprisonne.

Pourquoi explorez-vous inlassablement l’amour ?
On ne choisit pas les thèmes qu’on aborde. Je parle toujours des femmes, des couples, de la sentimentalité, de l’amour. Peut-être ai-je besoin de personnages féminins. J’admire leur force d’aimer.

Qu’est-ce qui rend le premier amour indélébile ?
On attend tellement ça ! Si on est capable de le rêver à chaque instant, on n’en découvre pas de meilleur. Mais dans ce roman, il s’agit d’un fantôme… Je n’ai pas de théorie sur l’amour, chaque histoire est si unique, si personnelle.

Que représente l’échec ?
Un soulagement.

Votre lien au dictionnaire ?
J’ai un rapport très physique et sensuel aux mots. Il est du même ordre que celui à la féminité.

Mot préféré.
Femme et Genève, dont j’aime la douceur.

Celui que vous auriez aimé inventer ?
La sensualité. Prude, je préfère ce thème à la sexualité.

Vivre avec un écrivain, plaisir ou punition ?
Je me pose la question… Les deux, tant c’est un ménage à trois. Pour une femme, il est difficile d’accepter la présence de cet autre fantasme.

Qu’y a-t-il de plus lâche et de courageux en vous ?
Ma façon de jouer au tennis. J’ai le sens du panache, mais mes amortis sont bien lâches.

Etre trentenaire c’est…
« être trop vieux pour être jeune et trop jeune pour être vieux », comme l’écrit Beigbeder. On commence par être vieux pour être jeune.

Votre look ?
Je le soigne de plus en plus parce que j’ai envie de paraître plus Homme. J’en ai marre d’avoir l’air d’un comique à lunettes rondes. Les bouclettes, c’est une plaie, mais on finit par s’accepter.

Portez-vous la cravate ?
Ce sera ma tendance 2009 !

Qu’est-ce qui vous fait vibrer ?
Au-delà de tout, mon fils. J’aime aller le rechercher à l’école, faire du sport ensemble. Sinon, je dirais une bonne idée. Quelle joie d’avoir plein de projets.

Lesquels ?
C’est un secret, mais je prépare un roman sur la délicatesse et une nouvelle pièce. Sur le site www.francelymphomeespoir.fr, vous pouvez lire la nouvelle que j’ai réalisée pour la lutte contre ce cancer. Il m’importe de parler de la maladie via un hymne à la vie.

Qu’est-ce qui vous rend optimiste.
Mon fils.

Pessimiste.
Mes grands-parents.

Etre heureux c’est…
Se satisfaire de ce qui est.

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

Nos Séparations, par David Foenkinos, Gallimard, 178 pages.

Célibataires, par David Foenkinos, Flammarion, 141 pages (joué au Studio des Champs Elysées, Paris, jusqu’au 31 décembre).


Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content