Comme un garçon

DELPHINE KINDERMANS © frédéric raevens

Que des vêtements masculins franchissent la frontière des genres n’est pas neuf : en revoyant les proportions du smoking, de la saharienne ou du caban pour les intégrer au vestiaire féminin, Yves Saint Laurent a joliment prouvé les limites d’une stricte bipolarité. Et avant lui Coco Chanel, qui s’était notamment réapproprié la marinière ou le pantalon. Même Elsa Schiaparelli ou Charles Frederick Worth n’étaient pas pour dédaigner les détails de l’autre bord, façon sweater orné d’une cravate pour la première ou brandebourgs inspirés de l’uniforme d’officier pour le fondateur de la haute couture.

Plus tard, dès les années 80, c’est carrément devenu un parti pris affiché par certains créateurs, dont de nombreux Belges, Martin Margiela ou Ann Demeulemeester en tête. Mais il faut reconnaître que l’effacement des signes distinctifs dans la mode est passé à la vitesse supérieure ces dernières saisons – la tendance a d’ailleurs déjà trouvé une appellation, le courant  » gender fluid « . On est loin, aujourd’hui, de se contenter de silhouettes androgynes ou de deux-trois mannequins garçons s’invitant timidement dans les défilés du deuxième sexe. Démonstration éclatante avec les récentes Fashion Weeks, qui ont encore enfoncé le clou de la mixité. Alors que Gucci n’a rien dévoilé à Milan pour se concentrer sur le prochain calendrier – ces quatre semaines que les initiés nomment toujours  » la Femme  » – plusieurs griffes ont adopté la démarche contraire, le choix d’un moment plutôt que l’autre étant souvent une question de logistique ou de stratégie marketing.

Les dernières Fashion Weeks ont encore enfoncé le clou de la mixité.

Dans le grand public aussi, il n’est plus rare de voir des demoiselles faire du shopping au rayon Homme, et le compte-rendu dans nos pages pourrait bien susciter de nouvelles envies. Ce qu’elles aiment dans ces collections-là ? De belles matières, une intemporalité, un chic mâtiné de coolitude rappelant qu’il n’est pas indispensable de se percher sur des talons de 12 ou d’arborer un décolleté pigeonnant pour être séduisante. Certaines de ces marques ont même expressément adapté leurs tailles, pour correspondre aux petits gabarits. Mais pour parler d’une réelle égalité, il faudrait que les échanges se fassent dans les deux sens. Or, Jean Paul Gaultier et ses jupes ou les robes dessinées par J.W. Anderson restent à ce jour des exceptions. Après celle des filles qui portent un blouson, un médaillon, un gros ceinturon, la génération suivante, celle de nos kids conscientisés à la parité, sera-t-elle celle par qui s’effondrera le dernier cloisonnement des garde-robes ? Osons le pari.

Retrouvez chaque vendredi Delphine Kindermans dans l’émission Pop & Snob de Fanny Guéret sur www.rtbf.be/auvio et sur

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