des clics (et des claques)

© INGRID OTTO

 » Waw ! On ne naît pas femme, on le devient « , commente une personne bien intentionnée, sous la photo d’une jeune fille un peu empruntée dans sa belle robe. Pauvre Simone de Beauvoir dont on détourne l’héritage. Pas que j’aie toujours su exactement ce que cette phrase signifie, attention. Pendant des années, j’ai cru que c’était une espèce de conseil de grande soeur, comme si cette dame libre et forte me disait :  » T’inquiète, ça va aller, un jour tu seras capable de marcher avec des talons sans être verbalisée pour ivresse sur la voie publique et de mettre de l’eye-liner comme quelqu’un qui ne souffre pas de Parkinson.  » Pourquoi j’ai pensé à de Beauvoir comme une icône du tuto make-up, je ne sais pas. Cette maxime me parlait tellement. A l’époque, mes efforts incessants pour ressembler aux mannequins de Jeune et Jolie étaient vains, mon potentiel séduction avoisinant clairement celui de Petit Ours Brun. Et malgré les tentatives désespérées de mes parents de me soustraire aux diktats de la mode et aux impératifs de genre dont on accable même les bébés (qui naissent soit rose, soit bleu, tout le monde sait ça), j’étais pétrie jusqu’à la moelle de cette imagerie pleine de gloss pailleté et biberonnée à la Spice Girl, symbole ultime de ce que je pensais être le féminisme. J’attendais mon heure, je savais que j’allais être complète, un jour, quand je serais cette vraie femelle fatale. C’est peut-être en prenant conscience au fur et à mesure de ce que la philosophe française voulait vraiment dire que j’ai trouvé la pièce manquante à mon puzzle. Il n’existe pas de nature féminine. Aucun enfant ne naît avec en lui des désirs de robe volière, d’ongles vernis, de chevelure qui battent les reins et de centrale vapeur à la Saint-Valentin. Aucun. Comprendre que nous sommes le résultat de constructions, et pas toujours des plus heureuses et bienveillantes, c’est le début de la liberté. Ça veut dire, par exemple, qu’on peut être ce qui nous chante. Mais ça prend du temps. Cette femme-là, on la devient. Cet homme-là aussi. Et le reste on s’en fout, non ?

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