Homme sweet homme

© frédéric raevens
Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Les humanoïdes sont partout. Récemment, c’est même YuMi, un chef d’orchestre au processeur affûté, qui dirigeait les musiciens lors d’un récital d’Andrea Bocelli, à Pise. A en croire Katja Grace, chercheuse au Future of Humanity Institute d’Oxford, l’intelligence artificielle serait en passe de nous détrôner, nous, Terriens constitués de chair, d’os et de neurones. Dans une étude rendue public au printemps, l’experte avançait en effet des chiffres, métier par métier. Selon elle, les traducteurs de langues pourraient être remplacés par des ordinateurs à l’horizon 2024 ; les journalistes en 2026, les chauffeurs de camions en 2027… En 2061, nous serions en fin de compte tous soumis aux diktats d’une technologie hyperpuissante. Un constat plutôt alarmiste, avouons-le. D’autres analyses esquissent heureusement un avenir moins désincarné. Ainsi, en 2016, l’OCDE estimait que 9 % des Français présentaient un risque de voir leur job piqué par un robot – c’est beaucoup mais moins désespérant…

Tout ne semble donc pas perdu, d’autant qu’entre en piste une stratégie nouvelle : le pacte avec  » l’ennemi « . Loin d’assimiler à un futur dantesque ces programmes numériques prêts à prendre le dessus sur nos cerveaux et nos savoir-faire ancestraux, certains concepteurs perçoivent en ce monde 3.0 un catalyseur pour leur imagination. C’est ce que nous soufflent nos Designers de l’année, Claire Warnier et Dries Verbruggen du studio Unfold, qui ont fait de l’imprimante 3D leur alliée indéfectible. Mais qui conservent le contrôle sur le processus, en réalisant leur software, en fabriquant avec leurs outils l’appareil de duplication et en y déversant de l’argile – une tentative audacieuse – pour bosser à la façon d’un céramiste.  » Il n’y a pas de ligne précise qui sépare la main de la machine, insistent-ils. Le tour de potier, c’était déjà une forme d’automatisation. A l’époque, on l’a parfois rejeté. Idem pour le moulage au plâtre, auquel on reproche de créer des objets identiques ! Quant au souffleur de verre, il utilise un instrument également.  »

Nous voilà donc rassurés : nous devrions garder un rôle dans cette société en mutation. Et plus qu’on ne le pense, comme nous l’enseignent, dans un autre registre, les bâtisseurs japonais contemporains qui sont au centre de notre dossier sur le design et l’architecture asiatiques. Confrontés sur leur île à des drames qui dépassent l’entendement, de la bombe atomique d’Hiroshima à l’accident nucléaire de Fukushima, ils restent convaincus qu’au-delà des prouesses constructives et des matériaux ultraperformants qu’ils peuvent mettre en oeuvre, mais qui ne résistent pas à ces cataclysmes, leurs immeubles se façonneront de tous temps, et avant tout, en phase avec ceux qui les habiteront et se les approprieront. Avec la vie humaine en somme, dans toutes ses subtilités… Une notion bien subjective qu’aucun logiciel ne pourra jamais égaler.

FANNY BOUVRY

CERTAINS CONCEPTEURS PERÇOIVENT EN CE MONDE 3.0 UN CATALYSEUR POUR LEUR IMAGINATION.

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