La beauté en marche

Olivier Theyskens © Thomas Deschamps

Sa vie est intense : à peine 40 ans et la moitié, déjà, consacrée à la mode. En octobre prochain, le créateur aura droit à une rétrospective au MoMu, à Anvers. Une expo sous le signe du beau et de la poésie, le parfait résumé de son oeuvre.

Il a tout connu de ce que réserve la mode, en bien. Il fut jeune créateur prodige, il avait 20 ans, on était en 1997, Madonna l’avait fait connaître en portant une de ses robes. Il signa les collections de vénérables maisons ainsi soudain dopées, Rochas dès 2002 puis Nina Ricci de 2006 à 2009. Il traversa ensuite l’Atlantique pour s’installer à New York quatre ans, afin d’interpréter à sa façon le mid market, chez Theory. Il prit une année sabbatique, en profita pour ranger ses archives  » accumulées dans des caisses  » et relança sa griffe à son nom avec un printemps-été 2017 applaudi. Le voici aujourd’hui avec une deuxième collection très sûre, theyskensienne et délicate. Et un automne qui a des accents de rétrospective, avec une expo au musée de la Mode d’Anvers. Il y est question de chapitres clos qui disent ses attirances, ses récurrences, son univers et les héroïnes qui se sont invitées chez lui, délaissant leurs films, leurs légendes, l’histoire, son enfance. Elles marchent toutes dans la beauté, comme dans le poème de Lord Byron qui donne son titre à ce bel inventaire,  » She walks in beauty « . Avec Olivier Theyskens, on ne peut faire l’impasse sur cet idéal délicat qu’il caresse depuis vingt ans maintenant, le teintant d’érotisme, de sensualité et de surréalisme parfois. En maître autodidacte de la coupe, du biais et des matières, belles toujours, il ne laisse pas de place à l’angoisse –  » Il faut juste avancer, évoluer, améliorer, chercher pourquoi et comment, et arriver à ce résultat dont on rêve, ou s’en approcher. Parce que cela répond à un désir.  » Et quand, à force de travail, ce qu’il appelle un  » crapaud  » se mue en une robe sublime, il sait pourquoi il fait ce métier.

Pour ce shooting particulier, il a privilégié la technique du collodion humide, rescapée du xixe siècle, quand la photographie ignorait qu’elle serait un jour numérique. Le Studio Baxton s’en est fait une spécialité, avec appareil datant de 1861 et temps de pose long, allant parfois jusqu’à une minute quand, entre chien et loup, le jour s’en va. Forcément, avec pareille alchimie, les accidents sont nombreux. Et heureux, qui ne se révèlent que par surprise et après attente patiente.  » Captivé « , Olivier Theyskens a choisi cette méthode pour toutes ces raisons –  » Elle est tellement l’anti aujourd’hui, j’aime sa beauté évidente.  » De même l’imprévu de la lumière et l’ancestral procédé confronté à la modernité de son propos. Il s’agit, on s’en doute, d’atmosphère et de nuances, comme lorsqu’il convoque pour le catalogue de l’expo le cercle de ses intimes et quelques poètes disparus, Lord Byron, mais aussi Charles Baudelaire, Pina Bausch ou Jim Morrison. Surtout ne rien appauvrir par quelques mots mal taillés, mal choisis. Laisser à chacun la liberté de l’interprétation, suggérer par l’émotion. Ce n’est pas autre chose qu’il propose à se perdre dans le mystère de ces clichés, qu’il commente pour nous.

Olivier Theyskens – She walks in beauty, au MoMu, à 2000 Anvers. Du 12 octobre au 18 mars prochains. www.momu.be

Par Anne-Françoise Moyson

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content