La fille des vagues

© CHARLOTTE LAMBY

Dans le monde de Kaitlyn, les vagues ne ressemblent guère à celles que nous admirons parfois lors de brèves escapades en nos plages longues et désertes. Ses vagues à elle sont tantôt carrées, tantôt en dents de scie. Parfois sinusoïdales, parfois triangulaires. Pourtant, elle a grandi sur l’île Orcas, Etat de Washington, un nord-est très loin d’ici. 10 000 âmes, dont beaucoup d’artistes à la retraite. Eduquée au grand air, la jeune fille passe des heures devant le piano de la chapelle que tient sa mère. Après avoir soufflé ses 16 bougies, elle quitte son île pour Boston et son Berklee College afin d’y maîtriser la composition musicale et la technique du son. Diplôme en poche, retour à Orcas, où elle file un coup de main à un voisin qui monte un studio d’enregistrement. C’est là que, fortuitement, elle découvre le synthétiseur Buchla, un monstre de potentiomètres et de fils électriques. Le voisin le lui prête pour une année. Coup de foudre. Kaitlyn délaisse alors sa guitare, trop prévisible, pour embrasser les lentes pulsations des deux oscillateurs du synthé.

Elle aime à raconter qu’elle laissait jouer deux notes seulement, et ce des heures durant, hypnotisée. Les notes produisent des vagues et des ondes entre elles, parfois à la lutte, parfois en harmonie. Toujours en mouvement. Adversaires et complices. Les synthétiseurs sont de parfaits éducateurs d’oreille. Deux notes en un an. La voie navigable tracée par Laurie Spiegel et Suzanne Ciani s’ouvre alors droit devant elle. Car avec les vagues de son Buchla, un appareil rare et caractériel, Kaitlyn va élaborer de la géométrie. En témoigne son album Euclid construit à partir de formes en trois dimensions peuplées de points symbolisant les notes, parcourues de traits symbolisant les rythmes. Une géométrie musicale élégante, bienveillante et aérée, où les vagues vous caressent délicatement l’âme.

JÉRÔME MARDAGA

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