Le Cartable, it bag de l’automne

Cartable © DR

On peut y voir tous les signes d’une époque : la mallette d’écolier tient le haut de l’affiche cette saison encore. Entre douce nostalgie et forte combativité.

Voilà près de dix ans que le cartable a retrouvé ses attraits et qu’on le voit régulièrement glissé sous le bras des it girls de ce monde ou sur les podiums. Tant et si bien que chaque saison a droit à sa nouvelle déclinaison : pour cet hiver 2017-2018, c’est un sac en cuir et à bandoulière, brodé d’un tigre ailé, qui a fait mouche chez Gucci. L’esprit créatif de la maison, Alessandro Michele, faisait défiler pour la première fois ses lignes prêt-à-porter masculine et féminine de concert. Cent vingt passages qui cultivent ce qui est devenu la marque de fabrique de l’Italien : carreaux, broderies, fleurs, seventies, insectes… et félins donc. Confortant Gucci dans son statut retrouvé de locomotive du groupe Kering. Et éclairant, déjà, sur l’un des adjectifs à coller au cartable : unisexe. Celui de la griffe au double G enlacé, bien que pendu à une épaule masculine, pourrait tout autant se balancer sur une hanche féminine. Même chose pour sa version miniature à porter à la ceinture et affublée d’une poignée en bambou. Le cartable a l’art de balayer d’un trait tous les clichés du genre. Et c’est sans doute là toute sa force, c’est un attribut qu’on colle inévitablement au travailleur, sans pouvoir dire si le propriétaire est un ou une business(wo)man.

Le tigre ailé de Gucci, pour un cartable non genré.
Le tigre ailé de Gucci, pour un cartable non genré.© imaxtree / SDP

Mais qu’est-ce qui peut bien nous faire ranger ce basique dans la catégorie du glamour ? Car basique – deuxième adjectif -, c’est tout ce que raconte son histoire. A mi-chemin entre la gibecière des chasseurs et la musette des poilus, les premiers spécimens sont des besaces en tissu dans lesquelles les enfants qui vont à l’école embarquent un livre, une ardoise et un casse-croûte. Celles des petits montagnards sont même en bois et font aussi office de luge ! Dans l’entre-deux-guerres, un modèle en carton bouilli apparaît : il s’entretient au cirage comme le cuir mais est bien meilleur marché. En gros, on le fabrique comme on peut, on y range tout ce qu’on veut – billes, lance-pierres et cordes à sauter compris – et on le garde le plus longtemps possible. Bien loin des effets de mode de notre millénaire. Et même si dès les années 1950, certains de ces sacs sont déjà flanqués de publicités pour des biscuits ou du chocolat, il faut attendre les eighties pour que se mette en place un vrai marketing autour de cet incontournable de l’écolier. Barbie, Spiderman et consorts débarquent dans les cours de récré. Jusqu’à l’overdose.

L’attrait du fait main

De quoi sérieusement coller un troisième adjectif au cartable : nostalgique. Pour ne pas dire traditionnel même, au sens respectueux du terme. Quand, en 2008, Julie Deane fonde The Cambridge Satchel Company,c’est justement pour retrouver ces lignes rétro d’antan, qui découlent, elle l’avoue, de l’univers de Harry Potter et ses potes. En moins de deux, la Britannique multiplie les collaborations branchées – avec Comme des Garçons, Bonpoint ou encore Vivienne Westwood – et explose les ventes en déclinant ses classiques en versions colorées, métallisées ou fluo, très vite portées par Taylor Swift ou Alexa Chung. En un an, le petit business commencé dans la cuisine de la créatrice, avec sa mère, dans le but d’envoyer ses enfants dans une école privée, voit ses ventes passer de 3 à 1 500 sacs par semaine. Véritable apôtre du homemade made in UK, l’entreprise a sa propre manufacture à Leicester depuis 2011 et milite pour préserver ce savoir-faire.

La réédition de modèles utilitaires pour en faire des sacs de ville, c’était une évidence.

Chez nous, Jennifer Simpson a lancé Manufacture9, en 2015, avec la même ambition du fait main :  » Je collectionne les accessoires et vêtements de travail anciens. Quand j’ai découvert Radermecker, une des dernières tanneries belges, j’ai pu ouvrir mon cahier d’inspirations.  » Elle imagine des paniers à bûches et des sacs de rangement pour la maison, mais aussi des sacoches aux lignes simplissimes, en cuir ou cuir et feutre.  » La réédition de modèles utilitaires pour en faire un sac de ville, c’était une évidence. J’avais envie de créations chics et intemporelles. Mais le but premier était de mener un concept 100 % made in Belgium, pour mettre en avant un savoir-faire de tradition.  »

Longchamp
Longchamp© imaxtree / SDP

En 2010, c’est Mulberry qui fait sensation avec un cartable baptisé Alexa. Comme Alexa Chung, encore. C’est que la directrice artistique de la marque depuis 2008, Emma Hill, a été inspirée par l’it girl croisée avec un cartable vintage Homme. Elle lui dessine une version plus souple et plus féminine. Un coup de maître qui parvient à hisser au top cette griffe, fondée en 1971 par Roger Saul, adulée dans les années 1980, et tombée en désuétude quelques décennies plus tard. Depuis, le hit a disparu des collections mais une batterie d’ersatz du genre continue à émerger chaque saison parmi les accessoires du label.

Voilà le cartable devenu prescripteur. Quatrième adjectif. C’est ce qu’enseigne également le succès du PS1 signé par Proenza Schouler en 2008 et passé au rang de classique adoré depuis. C’est tout ce qu’on souhaite également au nouveau Mademoiselle Longchamp conçu par la directrice artistique et héritière de la maison, Sophie Delafontaine : une pièce aux accents seventies mais aux lignes contemporaines, avec ses perforations, qui fait autant d’effet au bureau qu’en soirée. L’essence même d’un sac libre – c’est tout ce qu’exprime son inséparable bandoulière. Et un adjectif de plus qui le résume bien.

Par Amandine Maziers

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