Pierre Cardin, no limit

© Robe de cocktail en lainage, 1975 archives Pierre Cardin

Il avait l’ambition de  » multiplier le luxe par les masses « , une certaine faculté à  » regarder vers l’avant  » et voulait plus que tout que son  » nom soit une marque, pas une étiquette « . Nonante-cinq ans après sa naissance en Vénétie et septante ans après avoir créé ses premières robes à Paris, Pierre Cardin peut se vanter –  » Je suis moi-même mon plus beau succès.  » La diseuse de bonne aventure croisée un jour de novembre 1945 a tenu parole, elle lui avait prédit un avenir brillantissime :  » Vous aurez une carrière exceptionnelle. Jusqu’à votre mort, votre nom sera partout dans le monde.  » Et si c’était lui seul et non le destin qui avait tout mis en oeuvre pour lui donner raison ? Après des débuts chez Paquin, Schiaparelli et Dior, le jeune homme fait défiler sa première collection haute couture en 1953 et signe sa première robe bulle un an après. Lui qui était irrémédiablement attiré par le rond, qui  » représente la lune, la poitrine, la vie « , placera sa carrière sous ce signe-là. Ce perfectionniste control freak s’amuse alors à exploser les codes en vigueur, tous les codes. Il embrasse le prêt-à-porter avec une décomplexion de dandy.  » Ce n’est pas un déshonneur de quitter les salons dorés pour aller dans la rue, dira-t-il, j’ai ouvert les portes du socialisme de la haute couture.  » Il voyage au Japon, en Chine, en URSS avant tout le monde. Il signe des licences à tour de bras et ignore ceux qui, le jalousant, l’appellent le marchand de cravates – rien ne lui résiste, ce génie de la com’ met son nom sur du mobilier, qu’il baptise  » sculptures utilitaires « , des cigares, un jet, des revêtements de sol, du papier peint, des costumes d’hôtesses de l’air… Il s’offre Maxim’s, le Palais Bulles, le château du Marquis de Sade, défile dans le désert de Gobi ou sur la place Rouge et ne tient décidément pas en place. Il succombe à Jeanne Moreau ( » Je n’aimais pas les femmes mais j’aimais Jeanne « ), se glisse dans les habits d’ambassadeur de l’Unesco, de médaillé de l’empire du Soleil levant, de membre de l’Institut à l’Académie des beaux-arts,  » c’est le plus beau jour de ma vie « . Rien jamais ne l’a contraint, Pierre Cardin n’a  » ni limites ni frontières « , sa garde-robe visionnaire serrée dans ce livre anniversaire en est le plus beau manifeste.

Pierre Cardin, textes de Jean-Pascal Hesse, préface de Marisa Berenson, 260 pages, 200 illustrations, éditions Assouline.

Anne-Françoise Moyson

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