SANS FAIRE TAPISSERIE

Niki de Saint-Phalle, lampe angulaire, polyester peint et stratifié, éléments électriques. © © LAURENT SULLY JAULMES / LES ARTS DÉCORATIFS, PARIS

Même si c’est trop peu souvent mis en lumière,  » les femmes ont toujours entretenu un rapport singulier avec les arts appliqués « , explique Raphaèle Billé, cocuratrice de l’expo parisienne. Elle nous livre trois bonnes raisons (au moins) d’y programmer une visite.

POUR SON TITRE IRONIQUE ET CE QU’IL RÉVÈLE

 » A priori, Travaux de dames ? évoque le cliché de la broderie, de la dentelle, autant d’activités dans lesquelles les femmes s’exerçaient, parfois pour leur métier mais surtout par hobby. Il y a une ironie entre la définition que l’on en a et le contenu de l’expo, car la question centrale tourne autour du rôle des femmes dans les arts appliqués : le textile, la mode, la céramique, le design, le dessin et la photo. Le point d’interrogation est à prendre au second degré : le statut des créatrices a évolué depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Nous nous sommes également appuyées sur l’histoire du musée des Arts décoratifs de Paris, qui a un lien privilégié avec cette thématique car, dans un contexte de débat sur la place des femmes dans la société, en 1895, un Comité des Dames y est fondé. Il s’agissait de l’un des bras des mécènes qui créèrent le musée. Il défendait un féminisme modéré et avait pour but de mettre en valeur les créations des dames et de promouvoir leur rôle dans l’art, en organisant des expos et en encourageant leur formation grâce à une école d’arts décoratifs, dont sont issues Dora Maar et Charlotte Perriand.  »

POUR SES OEUVRES DE PIONNIÈRES

 » Le champ des arts déco avait été laissé libre d’accès aux femmes parce que ce n’était pas de l’art. Elles ont su l’investir, s’y exprimer et y briller. Il est étroitement lié à ces pionnières, souvent issues de milieux privilégiés, qui vont s’émanciper, se comporter librement et utiliser tous les mediums simultanément. Sonia Delaunay en est un bel exemple. Elle crée le Tissu simultané n°189 pour son salon, dont elle a dessiné le mobilier et les textiles d’ameublement. Elle réalise ainsi la mise en place de son concept dans sa totalité et compose son intérieur comme un tableau, y ajoutant les vêtements, l’art s’infiltre partout. Nous avons ainsi souhaité mettre en lumière des pièces que nous ne montrons pas tous les jours. Nous avons tenté de faire sortir des corpus moins vus, ces échantillons de textiles ou de broderies que nous exposons peu, alors que, finalement, le public est certes avide de mode mais il est également curieux de découvrir les processus et les étapes dans la création. Nous dévoilons donc des trésors, telles les formidables créations textiles de l’atelier de Martine fondé par Paul Poiret et réservé aux jeunes filles – il les avait choisies sans formation académique, pour leur fraîcheur, afin de retrouver ce qu’il avait observé à Vienne en visitant l’atelier de la Wiener Werkstätte.  »

POUR SA LIBERTÉ DE TON

 » Nous avons profité de cette exposition pour montrer de nouvelles acquisitions. Nous avons donc associé la sculpture céramique de Kristin McKirdy, qui date de 2016, avec un buffet de Charlotte Perriand des années 70 et sa chaise Ombre de 1954 – très rare et que nous adorons -, car il existe une vraie parenté formelle entre ces oeuvres. Nous avons mélangé les périodes tout en restant assez chronologiques. Nous trouvions intéressant de confronter des artistes issues de différentes époques mais qui utilisent des mediums similaires et de voir comment elles les appréhendent avec le temps. La céramique en est l’exemple le plus fragrant, on voit s’affirmer une liberté croissante, les formes ne sont plus seulement utilitaires, ce sont de vraies sculptures. L’exposition s’achève sur une note humoristique avec  » Vous avez dit femme ? « . On y découvre notamment la silhouette de Rei Kawakubo pour Comme des Garçons, qui représente une armure, mais en rose, on est dans le contraste, cet ensemble est légendé 18th Century Punk, collection automne-hiver 16. Elle est la parfaite représentation de ces oeuvres qui posent question sur l’identité du genre du créateur ou de la créatrice, on aurait en effet bien du mal à dire par qui elles ont été façonnées.  »

Travaux de dames ?, musée des Arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, à 75001 Paris. www.lesartsdecoratifs.fr

Jusqu’au 17 septembre prochain.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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