Yann Kerlau

© Mathieu Zazzo

C’est à une personnalité de la mode aussi impressionnante qu’insaisissable que s’attaque l’ex-directeur général d’YSL Beauté, par ailleurs écrivain, en publiant la biographie de Pierre Bergé.

Pourquoi avoir eu envie de consacrer votre dernier ouvrage à Pierre Bergé ?

J’ai eu la chance de le côtoyer durant seize ans, en tant que directeur juridique du groupe Yves Saint Laurent Parfum, puis comme directeur général d’YSL Beauté. Mon point de vue sur lui était différent de cette image très controversée qu’ont les gens à son égard. Ce n’est pas quelqu’un qui sollicite l’empathie immédiate, certes. Mais c’est une personnalité d’envergure, aux multiples visages, qui ne peut se limiter aux jugements à l’emporte-pièce. Un personnage de biographie intéressant, avec toute sa complexité, sa violence aussi – de son verbe, de ses écrits -, sans oublier son aptitude à se créer des ennemis et des alliés inconditionnels.

Dès le départ, il ne voulait pas se contenter d’exister, il voulait vivre…

C’est un homme qui a été poussé par une ambition extrême. Dans son cas, il n’avait pas d’autre choix que de l’être. Quand vous arrivez à Paris à 17 ans et que vous ne bénéficiez d’aucune aide, vous êtes un inconnu dans une ville gigantesque. Si vous n’avez pas d’ambition, vous êtes purement et simplement écrasé. Or, il voulait être riche et puissant. Rapidement, par l’entremise du peintre Bernard Buffet, il va croiser la route de personnalités exceptionnelles : Cocteau, Aragon, Camus… Pierre Bergé va immédiatement comprendre qu’il lui faut la maîtrise du verbe et une certaine forme de pensée, pour évoluer dans les hautes sphères. Il va construire ses relations et cultiver l’excellence.

Yann Kerlau
© sdp

Est-ce que Pierre Bergé aurait pu vivre sans Yves Saint Laurent, et inversement ?

Yves Saint Laurent est selon moi le grand personnage. C’est le créateur, c’est Dieu. D’une certaine manière, Pierre Bergé est le vice-président. Il ne règne pas, mais représente le passage obligé pour le pouvoir. Certains ont dit qu’il fallait constituer des tandems à la manière de Saint Laurent et Bergé. Mais on ne réplique pas une oeuvre, ou alors ce sont de mauvaises copies. Ici, c’est très circonstanciel, ils auraient pu réussir l’un sans l’autre, en s’associant chacun à un profil complémentaire au leur. Mais même quand ils se sont séparés, en 1976, ils ont maintenu ce lien qui les unissait. Leur histoire n’était pas terminée. Ils ont eu conscience que sans ce sens du couple, ils devenaient un attelage bancal. Pourquoi alors dissocier ce qui a priori n’avait pas lieu d’être ?

Pierre Bergé sous toutes les coutures, par Yann Kerlau, Albin Michel, 324 pages.

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