Louvain-la-Neuve, un patrimoine d’une richesse insoupçonnée

La place des Sciences et la très sculpturale façade en béton du musée L. © JeanPierre Bougnet

Cinquante ans après le Walen Buiten, qui chassa les francophones de Leuven, la cité estudiantine du Brabant wallon est en plein essor et s’oriente toujours davantage vers le tourisme. Balade sous le signe de l’architecture et du design.

C’ était le 24 juin 1968. Suite aux élections législatives, le gouvernement imposait à la Section française de l’Université de Louvain  » l’implantation d’unités pédagogiques entières dans des sites nouveaux choisis par elle « . Ce fait marquant dans notre histoire était la conséquence d’une crise politique débutée fin 1967, alors que trente mille Flamands défilaient à Anvers afin de réclamer le départ des francophones du campus louvaniste. Moins de trois ans plus tard, la première pierre de Louvain-la-Neuve était posée.  » Plusieurs lieux ont été envisagés et finalement le bourgmestre d’Ottignies, Yves du Monceau, a écrit aux instances académiques pour proposer un plateau agricole, raconte Philippe Piette, responsable de l’Office de tourisme. L’université a bénéficié d’un prêt de l’Etat national pour acheter l’ensemble. Et très vite, l’administrateur général du projet, Michel Watrin, a exprimé le désir de créer, là, une véritable ville. Il avait fait le tour de la planète, des Etats-Unis au Japon, en passant par la Hollande et la France, et il s’était rendu compte que l’arrivée d’une université développait l’activité économique mais nécessitait d’autres infrastructures : logements, commerces, culture.  »

Le concepteur, imprégné par Le Corbusier, a mis au point un ensemble en béton d’une grande cohérence.

Dès le départ, un choix fort sera également fait : celui de créer une entité assez petite, très dense et piétonne, favorisant la rencontre entre étudiants et habitants.  » C’est Raymond Lemaire qui a conçu le plan directeur. Il n’était ni architecte, ni urbaniste mais historien, spécialiste des cités médiévales. Il avait notamment rénové le petit béguinage à Leuven « , explique Philippe Piette. C’est donc sur ce modèle ancien qu’il imaginera son implantation faite de places reliées par des voies étroites, dans le respect de la topographie. Seule une dalle – qui fait aujourd’hui 14 hectares – sera construite pour permettre de caser, en dessous, circulation automobiles, bus et trains.

Près du lac, le volume de verre de l'Aula Magna et le nouvel îlot urbain comprenant le Martin's Hotel.
Près du lac, le volume de verre de l’Aula Magna et le nouvel îlot urbain comprenant le Martin’s Hotel.© Martin’s HOtel

Se balader dans Louvain-la-Neuve, c’est prendre la mesure d’une ville nouvelle des années 70 qui est bien plus qu’un repaire d’étudiants – même s’il n’est pas rare d’entendre, au détour d’une rue, un chant paillard résonner sur le pavé. Le patrimoine architectural de l’endroit est d’une richesse inattendue et de nouveaux buildings continuent à sortir de terre. Désormais, on y compte 10 000 à 11 000 résidents, auxquels il faut ajouter 10 000 kotteurs et tous ceux qui étudient sur le campus.  » A midi, on estime qu’il y a 45 et 50 000 personnes, évalue le responsable touristique. A minuit, on est à 22 000 personnes.  »

En cette année anniversaire du Walen Buiten, une visite de ce joyau architectural peu connu s’imposait. Suivez le guide !

Le tout au béton

C’est là que tout a commencé, c’est donc logiquement que nous entamerons l’itinéraire à cet endroit. Si le premier bâtiment érigé, en 1971, fut le Cyclotron, un centre de recherche nucléaire, c’est la place des Sciences, et son emblématique bibliothèque, devenue fin 2017 le musée L, qui fut le déclencheur d’une stratégie urbaine.  » L’idée était de dire : on va renaître de nos cendres, résume Anne Querinjean, la directrice du musée. Les autorités académiques ont donc choisi un architecte, André Jacqmain, et lui ont donné carte blanche, ce qui lui a permis d’être très créatif.  » Le concepteur, imprégné par Le Corbusier, dans sa dernière période, plus baroque, a mis au point un ensemble en béton d’une grande cohérence, comprenant la place, le restaurant U, des auditoires et bien sûr la bibliothèque.  » Pour cette dernière, il s’est inspiré des grandes granges du Brabant wallon, relate Anne Querinjean. Les pilastres, en façade, rappellent quant à eux les géants des processions de carnaval qui protègent en quelque sorte l’institution. Pour l’époque, l’usage de ce matériau de structure travaillé comme une sculpture, c’était hyper contemporain.  » Un ouvrage aujourd’hui superbement mis en valeur grâce au musée qui abrite les collections de l’UCL.  » Le lieu était initialement rempli de rayonnages et de bureaux dessinés sur mesure par Jules Wabbes – on en a d’ailleurs conservé quelques-uns, et des luminaires que nous avons reçus de sa veuve. Quand nous avons investi ce bâtiment, je voulais créer une maison d’hôtes où l’on se sente bien, insiste Anne Querinjean. C’est pourquoi nous y avons mis du tapis plain et travaillé l’éclairage. Même si on n’a pas envie de faire le tour des collections, on doit pouvoir venir ici juste pour se poser, écrire, lire ses mails… Ce qui est agréable, c’est ce côté déambulation ; vous avez sans cesse des points de vue différents sur les oeuvres. On est loin du musée ennuyeux où les salles s’enfilent.  »

A l'intérieur du musée L, un jeu de volumes qui invite à la déambulation.
A l’intérieur du musée L, un jeu de volumes qui invite à la déambulation.© JeanPierre Bougnet

La visite se termine à l’extérieur, sur la place, pour se rendre compte de l’unité de ce quartier, incroyablement bien pensé en termes de fonctionnalité.

Le passé agricole

Avant de rejoindre le centre actuel, les plus courageux peuvent faire un détour par la Ferme du Biéreau, l’une des huit fermes brabançonnes qui occupaient le plateau avant l’implantation du centre estudiantin. Chacune d’entre elles a été réaffectée et s’est vu attribuer une nouvelle activité, comme celle-ci devenue un centre culturel musical. On trouve à côté également un restaurant branché de la région, le Loungeatude.  » On a voulu conserver une trace du passé tout en valorisant la culture, qui joue un rôle majeur dans le développement urbain « , insiste Philippe Piette. Dans ce même esprit, on compte par ailleurs 120 interventions artistiques dans toute la cité : des sculptures, des fresques… ainsi qu’une multitude de graffs réalisés lors du Kosmopolite Art Tour, en 2012.

Partout dans la ville, le street art anime la brique et le béton.
Partout dans la ville, le street art anime la brique et le béton.© Office du tourisme – Inforville

La brique reine

Au départ de la place des Sciences, il est aussi possible de descendre directement la rue des Wallons, un axe intéressant car il témoigne de l’architecture  » médiévale  » mise en place dès le départ.  » Il y a eu, au début, une opposition entre les partisans du béton et ceux de la brique, observe le directeur de l’Office de tourisme. Quand on emprunte cette artère, on voit que cette deuxième l’a emporté, tout comme l’ardoise et les châssis en bois, des matériaux traditionnels.  » Aujourd’hui, cette voie a un peu perdu de son lustre et est devenue un lieu de passage où l’on ne s’arrête quasi plus. Mais un projet de revitalisation est en route pour réimplanter des commerces de qualité et rénover la place éponyme, à l’horizon 2019.

Dès le départ, un choix fort : une entité assez petite, très dense et piétonne, favorisant la rencontre entre étudiants et habitants.

Au pied de cette pente, on aboutit sur le bâtiment des Halles, qui abrite la gare et l’Office de tourisme. L’édifice affiche en façade de grandes arches, clin d’oeil à celles de la Halle aux draps de Leuven. On repère là aussi l’entrée du centre commercial L’Esplanade qui  » a donné le dernier coup de rein pour transformer Louvain-la-Neuve en vraie ville, il y a une dizaine d’années « , observe Philippe Piette.

Le renouveau

Direction ensuite la Grand-Place qui, au coeur de la journée, grouille de monde. Là, ce sont deux infrastructures plus récentes qui retiennent l’attention. A commencer par L’Aula Magna, une boîte en verre et acier dessinée par le Belge Philippe Samyn et abritant notamment une grande salle de plus de 1 000 places pour des congrès ou concerts. Inauguré en 2001, le lumineux mastodonte tranche avec le bâti des alentours. Il assure aussi une transition vers le lac où les Néo-louvanistes se promènent régulièrement – en réalité un bassin d’orage qui récupère les eaux qui ne peuvent plus s’écouler à cause de la dalle.

Juste en face, le chantier d’un nouveau pan de ville s’achève : le Resort Urbain Agora, un complexe de 30 000 m2 comprenant des logements de standing et un hôtel ouvert récemment, le Martin’s, avec restaurant, spa et salles de séminaires. Un projet colossal qui restructure un îlot et concrétise la volonté de la cité de s’orienter vers le tourisme. Un peu plus loin, un gîte d’étape de 124 lits, dans un esprit auberge de jeunesse, est également en construction.  » Il faut faire jouer à ce secteur le rôle de développeur économique qu’il a ailleurs, que ce soit en matière d’affaires ou de loisirs. Ce tourisme urbain axé sur l’architecture commence à attirer du monde, se réjouit Philippe Piette. Nous avons beaucoup de Flamands notamment, surtout des pensionnés, qui viennent visiter les lieux, ayant connu en leur temps les campus réunis à Leuven…  »

La rue des Wallons, typique du bâti de Louvain-la-Neuve, inspiré des cités médiévales.
La rue des Wallons, typique du bâti de Louvain-la-Neuve, inspiré des cités médiévales.© Inforville

La pièce majeure

Enfin, la balade peut se terminer au musée Hergé, ouvrage remarquable réalisé par l’architecte français Christian de Portzamparc.  » En 1996, Fanny et Nick Rodwell m’ont présenté cette belle idée de musée, se souvient-t-il. Ils cherchaient le lieu. C’est en 2001 que ce site fut choisi. En 2004, je leur ai proposé l’esquisse et ils l’ont aimée. Le volume est un prisme allongé qui semble flotter dans la forêt de vieux arbres. Depuis le quai, une passerelle est tendue vers le musée comme vers un bateau. En regardant l’édifice, ce que l’on voit d’abord, c’est un intérieur coloré, onirique. On pense peut-être aux cases de la bande dessinée qui nous font pénétrer un monde sans fin. Ce paysage, mélange de ville et de nature, est caractérisé par le trait d’Hergé. On y entre, on voit le ciel de l’autre côté, et les arbres… Sommes-nous entrés dans un dessin ? Le trait d’Hergé sera notre ligne. Parfois agrandi, projeté. Nous sommes dedans « , conclut le concepteur dans une note de présentation.

Juste à côté, le parc de la Source, rénové dans la foulée de ce chantier terminé en 2009, sera le point final verdoyant de notre visite au pays de la brique et du béton…

Le musée Hergé, un navire flottant parmi les arbres.
Le musée Hergé, un navire flottant parmi les arbres.© Herge ? Nicolas Borel
Notre shopping déco

Superbien.

Superbien
Superbien© Lindsey Zébier

Voilà un lieu qui porte bien son nom. Ouvert il y a un an et demi par un graphiste et sa compagne architecte d’intérieur, il propose mobilier et déco triés sur le volet, avec une préférence pour le design scandinave ou vintage. On retient les canapés Fest Amsterdam, les étagères Little Anana et les Pikaplant, des végétaux sous globe. Le plus : un Photomaton rétro et, à l’entrée, le comptoir de douceurs préparées chaque matin par Cup’Inn.

27, Grand-Rue. http://superbien.be

Trame-C.

Trame-C
Trame-C© C-trame

Cette  » mercerie actuelle « , qui s’intègre dans le projet de revitalisation de la rue des Wallons, loue des machines à coudre et propose des ateliers. On y trouve des textiles aux tons joyeux, mais aussi des objets et vêtements sélectionnés avec soin – les coussins enfantins Zoé Mommen, les légumes crochetés Saf, etc.

5, rue des Wallons. www.facebook.com/Trame.C.Mercerie.Actuelle

Rose Avril.

Rose Avril
Rose Avril© Elodie Grégoire

Derrière cette enseigne, Marie-Eve Havaux et Joëlle Deuse qui  » avaient envie d’accessoires pour la maison différents de ce qu’on voyait partout « . De là est né cet antre dédié à la déco, au style coloré et scandinave, mais qui propose aussi des travaux de graphisme. Dans les rayons : des articles Muuto et Ferm Living, les cosmétiques naturels de La Compagnie de Provence, la vaisselle en bambou Ekobo…

8/A, rue des Wallons. www.roseavril.be

Ooak.

Citron Grenadine
Citron Grenadine© Odeline MacDonald

Inspiré du cabinet de curiosités, cette adresse expose de la déco, des accessoires et des plantes vertes, parmi lesquelles des cactus et des terrariums, parfaitement dans la tendance slow et vintage du moment. L’idée étant d’offrir un concept mixte, on peut, en plus, y déguster des bagels, et ce dans cette ambiance zen.

34, passage de l’Ergot. www.facebook.com/OOAKPOPUP/

Citron Grenadine.

Ooak
Ooak© Laurence Bouserez

Référence en matière de layette, ce magasin propose aussi du petit mobilier et de la déco pour chambres d’enfants. Le sélection se fait au coup de coeur, en privilégiant les marques européennes ou éthiques. En vrac : les textiles de Numero 74, les tippis et paniers Nobodinoz et la vaisselle Bloomingville.

36, passage de l’Ergot. www.citrongrenadine.be

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