Le best of du Salon du meuble de Milan

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Entre l’extension de gammes existantes et la mise en avant de valeurs sûres, le secteur de la maison joue la carte de la prudence. Plus rares, les vraies nouveautés sont aussi beaucoup plus abouties. Une conduite responsable qui sied bien à la crise.

A comme anniversaire. Cette année, on célébrait les 25 ans d’Edra, les 50 ans de Flos, les 60 ans de Moroso, les 100 ans de Poltrona Frau. Autant d’entreprises qui chacune à leur manière continuent d’écrire l’histoire du design à l’italienne.

B comme Belgique. Comme en 2011, les trois Régions du pays avaient uni leurs forces pour exposer la crème de la crème du design belge, cette fois à la prestigieuse Triennale de Milan. L’occasion pour 25 créateurs établis ou en devenir de montrer le meilleur d’eux-mêmes. S’y côtoyaient, entre autres, la casserole à moules de Nedda El-Asmar pour Demeyere (photo), le bureau Overdose de Bram Boo pour Bulo (photo) sans oublier les premiers produits de la marque Objekten (photo) du Bruxellois Alain Berteau.

C comme canapés. Le sofa dans tous ses états reste la pièce forte sur laquelle misent encore les grand éditeurs de meubles. On épinglera notamment le très ambitieux – parce que très différent de ce qui existe sur le marché – M.A.S.S.A.S. (NDLR : pour Moroso Asymmetric Sofa System Adorably Stitched) de Patricia Urquiola pour Moroso (photo), le très casual chic Altopiano de Ludovica+Roberto Palomba pour Zanotta (photo), sans oublier l’élégant Sherman.93 de Rodolfo Dordoni pour Minotti (photo). Trois univers en totale cohérence avec les codes des marques qui les lancent.

D comme Discipline. Certes il en faut pour fabriquer et distribuer des meubles. Mais Discipline, c’est avant tout un nouvel acteur du design, lancé par Renato Preti (par le passé, l’entrepreneur a déjà soutenu B&B Italia, Skitsch…). La première collection (photo) rassemble des objets de 14 designers – Philippe Nigro, Klauser & Carpenter, Mario Bellini… – qui tiennent ici un même discours de durabilité (lire aussi les lettres G et R). Le design sans conscience, c’est du passé.

E comme extension. Plutôt que de lancer de nouveaux concepts dans le vide, la tendance est résolument à la consolidation des gammes qui plaisent. Les chaises Hal de Jasper Morrison pour Vitra (photo) et Audrey de Piero Lissoni pour Kartell cartonnent ? Ces fabricants les proposent désormais dans d’autres finitions. Quant au fauteuil Papilio de Naoto Fukasawa, il passe en mode duo dans une version love seat ou se miniaturise (photo) chez B&B Italia.

F comme favoris. Rien à voir ici avec la liste de vos sites Internet préférés. Derrière ce nom de code utilisé aussi pour qualifier les poils de barbe qui peuvent descendre le long des joues se cache la nouvelle collection (photo) de… Moustache ! Des objets plus chers, dans un premier temps produits en Corian dans le prolongement de la collaboration que la marque française a tissée avec le fabricant de matériau à l’occasion du Salon du meuble. Mais qui pourra à l’avenir accueillir des éditions limitées (lire aussi la lettre S) et servir de tremplin à des projets qui se prêtent moins à une production industrielle.

Photo Leo Torri

G comme green spirit. De la plume d’oie dans le rembourrage des sofas chez Zanotta, du lin pour recouvrir sur les canapés ClishClash de la collection Successful Living from Diesel chez Moroso (photo), du cuir traité de manière écologique chez Vitra : les labels sont de plus en plus nombreux à miser sur nos envies de produits écologiquement corrects.

H comme home sweet home. Ikea (lire en page ??) applique la recette mieux que personne : plutôt que d’aligner froidement chaises, canapés, tables, lits… dans ses showrooms, le géant suédois recrée des ambiances plus vraies que nature. Une scénographie qui fait école depuis quelques années déjà chez Vitra et que l’on retrouvait aussi chez Zanotta et chez Cappellini (photo). Oubliée la pièce de musée et son côté glacé : le meuble design devient un objet de vie.

I comme icônes 2.0. Chez Vitra, on ambitionne en tout cas de créer celle qui pourrait demain remplacer celle d’hier. Le Grand Repos d’Antonio Citterio (photo) dévoilé à Milan dans une version un peu plus large fait clairement de l’oeil aux trentenaires désireux d’investir mais pas dans le classique fauteuil Eames de papa. Quant au dernier habillage du Lounger de Jaime Hayon – bois et cuir noir – pour Barcelona Design (photo), l’hommage au maître frise le copier-coller.

J comme jeux Olympiques. Certes, faire éditer ses meubles tient du parcours du combattant pour le jeune designer. Mais ce n’est pas le seul point commun que le monde du design aura cette année avec la compétition sportive de haut niveau. La torche olympique des jeux de Londres (photo) a été dessinée par le duo de créateurs Edward Barber et Jay Osgerby avant d’être montrée le 16 avril dernier à la Triennale de Milan.

Photo Linda Brownlee (torche seule) ou Marcus Tondo

K comme Kravitz. Assurément,  » le  » buzz du Salon de Milan. A l’initiative de Philippe Starck, le musicien qui se pique de design depuis quelques années déjà, a relooké pour Kartell la célèbre chaise Mademoiselle. Ses modèles, produits en série limitée (lire aussi la lettre S) ne marqueront sans doute pas l’histoire du design. Mais l’effervescence autour de la visite de Lanny Kravitz d’abord sur le site de la Fiera et ensuite lors de la soirée très privée qui s’est déroulée à la boutique Kartell (photo) du centre-ville a permis de mieux faire connaître cette marque qui propose un design pointu sur le plan technologique, made in Italy et pourtant abordable.

L comme lainage. On connaît la passion des frères Bouroullec pour le textile. Mais aussi la manière dont ils aiment détourner l’usage que l’on peut en faire. L’étagère Folio (photo) créée pour Established & Sons est l’un de nos coups de coeur de Milan. À la place d’une porte  » classique « , on trouve ici un textile – tissé en Belgique s’il vous plaît ! – fixé, telle une tenture, dans une glissière en aluminium. Un objet ambitieux parce que différent, comme on les aime.

Photo Ed Reeve.

M comme mini. Pas de doute, le message est passé : la taille moyenne des logements urbains, même dans les quartiers les mieux lotis, ne cesse de diminuer. Et le marché du meuble s’y adapte : belle idée chez Molteni où les volumes de rangements modulables Grado de Ron Gilad (photo) peuvent vivre leur vie en solo ou se combiner horizontalement ou verticalement selon l’espace dont on dispose. La preuve aussi avec la collection de chaises-fauteuils et de tables basses (photos) signée Cecilie Manz et labellisée minuscule (sans majuscule, donc) par le producteur scandinave Fritz Hansen. Des meubles sobres, compacts, aussi à l’aise dans un bar cosy qu’un intérieur privé. Dans le même esprit, on applaudit l’unique nouveauté 2012 de Vitra : les toutes petites étagères en plastique Corniches des frères Bouroullec (photo) qui semblent sortir du mur comme par magie.

N comme Nendo. Impossible de lister ici toutes les nouvelles collaborations de la star montante de ce Salon de Milan. On retiendra toutefois un nouveau canapé pour Moroso (plus d’info à la lettre P), une gamme de produits pour la salle de bains chez Bisazza (photo), les étagères Drop presque invisibles chez Cappellini, la lampe Hood chez Established & Sons (photo). La bonne nouvelle, c’est que ce bureau japonais dirigé par Oki Sato sera l’un des invités d’honneur de la prochaine Biennale Interieur à Courtrai, du 20 au 28 octobre prochain.

Photo Ed Reeve pour E&S

O comme outdoor toute ! Tandis que Zanotta et B&B Italia poursuivent le développement de meubles de jardins souvent dérivés de leurs créations indoor, les spécialistes de l’extérieur multiplient les collaborations avec les designers stars : Stephen Burks chez Dedon (photo), Jasper Morrison chez Kettal, Jean Nouvel chez Emu (photo). Chez Kartell aussi, on pouvait découvrir le nouveau lit OK signé Rodolfo Dordoni (photo), premier élément d’une gamme complète en préparation.

P comme prototypes. Un mot qui va de pair avec prudence. Le temps où l’on montrait sans réserve des  » brouillons  » de meubles comme s’ils étaient sur le point d’être en vente le mois suivant est bien révolu. Les fabricants font désormais clairement la part des choses entre le  » ready to go  » et l’objet qui demande encore du travail. Et ils annoncent cash la couleur. Les canapé et fauteuil Zabuton de Nendo pour Moroso (photo) ? Pas attendus avant 2013. La chaise Eames de Vitra en cuir écologique ? Un jour peut-être si les tests de résistance s’avèrent concluants. Les projets des jeunes designers indiens, tchèques et brésiliens (photo) présentés sous le label Cappellini Next ? A ce point à l’état d’idée que Giulio Cappellini avait choisi de les suspendre, en plein ciel !

Q comme question de style. Il faudra s’y faire : le couple mode-design n’est pas une passade, au contraire. De nouvelles alliances se nouent chaque jour (lire la lettre Z), d’autres se renforcent et prennent même pied dans de nouvelles pièces de la maison. Après Armani et Fendi, c’est au tour de Diesel de se lancer dans la cuisine.

R comme recyclable. Un must aujourd’hui dès que l’on parle d’édition de meubles (lire aussi la lettre G) qui explique sans doute l’omniprésence du bois depuis quelques années. Chez des fabricants historiques comme Artek ou Swedese mais aussi chez Edra qui proposait cette année une pièce marquetée en bois de rose de Massimo Morozzi (photo).

S comme séries limitées. L’idée fait toujours recette, chez Cassina entre autres, qui produira en marge de la première fabrication industrielle de la bibliothèque nuage de Charlotte Perriand 50 exemplaires hors norme de cet objet iconique. Quant à la version Maharam du canapé Polders de Hella Jongerius pour Vitra (photo), chacun des coussins sera habillé d’un tissu Kvadrat différent – tantôt du feutre brodé, tantôt un mohair de chèvre ou un imprimé écossais signé Paul Smith. Un modèle unique en son genre qui ne sera édité qu’à 100 exemplaires, dont quatre réservés à la Belgique.

T comme Tetris. Seule la maison Hermès, qui cultive comme personne l’art du voyage, pouvait imaginer des murs qui ont la bougeotte ! C’est à l’architecte japonais Shigeru Ban que l’on doit cet ingénieux système modulable d’éléments architecturaux. Module H, c’est d’abord un grillage en aluminium qui se greffe – et s’enlève aussi au besoin – sur le mur et sur lequel viennent s’incruster ensuite des jeux de panneaux de cuir ou de tissus qui se clipsent – on a testé – en un tour de main. Tellement simples à déplacer que l’on peut même imaginer de changer de décor en fonction des saisons.

Photo Grégoire Alexandre

U comme usine. Tom Dixon avait (presque) déménagé la sienne à Milan, en installant dans le hall des locomotives à vapeur du National Museum of Science and Technology, les machines de l’un de ses fournisseurs. On connaît la passion du créateur britannique pour le monde de l’industrie. Les lampes Stamp (photo) et un prototype de chaise étaient donc manufacturées sur place à partir de feuilles de métal passées dans des presses Trumpf. Une démonstration voir-faire qui a nécessité près de quatre mois de préparation.

V comme vagabondes. En mettant au point un socle alimenté par des batteries rechargeables, Alessi invente le successeur de la bougie et de la lampe à huile. Plus besoin de fils qui s’entremêlent partout ou de rallonges si l’on est trop loin de la prise. Le luminaire de 500 grammes à peine se fait nomade : mieux encore, grâce au dimmer intégré, l’intensité lumineuse peut être adaptée au lieu et aux circonstances.

W comme wonderland. Pas de doute, face à l’austérité ambiante, le Néerlandais Marcel Wanders fait de la résistante. Son horloge géante, opportunément baptisée Big Ben (photo), confirme le goût du fondateur de Moooi pour les univers oniriques à la Lewis Carroll.

X comme la croix que le secteur semble avoir définitivement faite sur l’extravagance gratuite et la démesure bling-bling.

Y comme y a-t-il vraiment un lien entre l’art et le design ? Tout porte à le croire si l’on se penche sur les tapis édités par Nodus, signés par des stars du design, tellement précieux – le modèle Lion (photo) signé Aldo Bakker demande quatre mois de travail – que l’on se voit mal les fouler du pied dans sa chambre ou dans son salon.

Z comme zébrures à gogo. Que pouvait-on attendre d’autre de l’arrivée de Roberto Cavalli (photo) dans l’univers de la maison ? Si l’on en croit le succès de la collection Home de Diesel, c’est dans l’interprétation la plus littérale de leurs codes que les marques de mode se font une place en déco. Son partenaire JC Passion qui prendra en charge la fabrication l’a d’ailleurs bien compris.

Par Isabelle Willot

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