Le Vif Black déco

Martin Szekely s’expose au Centre Pompidou de Paris, les frères Bouroullec à celui de Metz. 70 000 visiteurs au dernier salon Maison & Objet, la grande foule aussi pour Design September 2011, qui vient de s’achever à Bruxelles.

Jamais le design n’avait été autant mis en valeur. À tel point que certains n’hésitent plus à le classer parmi les arts majeurs de notre époque. Et, en dehors des galeries, dans nos intérieurs lambda, le succès des rééditions de meubles iconiques va dans le même sens : on assiste bel et bien à une starification de la discipline, très loin de sa vocation première qui était de rendre les objets de notre quotidien plus fonctionnels. Le cas de l’aspirateur est à ce titre emblématique : inventé au tournant du XXe siècle pour soulager la ménagère, il se devait d’être le plus discret possible. Ses qualités étaient calquées sur celles que l’on attendait du « petit personnel » d’alors, efficace, dévoué et quasi invisible – son surnom d' »électro-bonne » est d’ailleurs révélateur. Et malgré les avancées technologiques qui n’ont cessé de rendre l’engin plus performant, sa description de fonction est restée assez similaire au cours des décennies. Du moins jusqu’au coup de génie de James Dyson, qui opère une révolution copernicienne électroménagère : son aspirateur à lui sera beau et ne se cachera plus – au point d’être exposé dans la collection permanente du MoMa, à New York. Le couturier Issey Miyake fera carrément défiler sa collection printemps-été 2008 dans un décor intégrant souffleries et bouches à air jaunes reproduisant en version maxi les éléments du fameux aspiro. Tom Cruise et Leonardo DiCaprio, eux, déclareront que « dysonniser sa maison a du bon », et l’inventeur britannique sera même anobli par Queen Mum, rappelle Anne Eveillard, auteur de Ces machines qui parlent de nous, récemment paru aux Editions des quatre chemins.

Dès lors, posséder un Dyson tient du statut social. On l’exhibe, tout comme on le fait de son frigo Smeg looké fifties, contre-pied radical à l’intégration prônée dans les cuisines des années 90. Démarche identique pour la Nespresso, dont l’acquisition est un sésame pour le club des branchés – carte de membre et accès aux boutiques labélisées inclus. Que l’on consomme du café ou pas, « on est obligés de posséder cette machine, sinon rien ne va plus », confirme Séverine Renou, créatrice du blog Electromeninges.fr. De grands noms du design ont d’ailleurs apporté leur contribution à ce succès, d’Alberto Alessi qui a dessiné un modèle pour la marque à Andrée Putman et sa fille Olivia qui ont imaginé pour elle une collection de tasses et autres accessoires. Mais finalement, des stars – on ne parle pas ici de George Clooney – qui s’invitent chez nous pour nous filer un coup de main et nous rendre plus belle la vie de tous les jours, c’est de l’élitisme… ou tout le contraire ?

Delphine Kindermans, Rédactrice en chef
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