Glölande, le village dans les nuages de Walter Van Beirendonck pour Ikea

Walter Van Beirendonck x Ikea © DR

Pour sa première véritable incursion dans l’univers de la maison, Walter Van Beirendonck signe une collection capsule pour le géant suédois, dont il personnalise une trentaine de produits. Son fil rouge : les personnages de Wondermooi, un conte de fées polychrome dont le créateur belge a le secret.

Glölande, le village dans les nuages de Walter Van Beirendonck pour Ikea
© DR

Il y a tout juste un an, Ikea nous invitait à ses Democratic Design Days dans son fief d’Almhült, petite bourgade du Småland entièrement dévouée au géant de l’ameublement suédois, qui y dévoilait avec faste ses nouveautés et ses collaborations à venir, dont certaines aux accents très fashion. Fier de son coup, l’empire jaune et bleu se réjouissait de l’arrivée prochaine des collections capsules de créateurs prestigieux : Katie Eary, Martin Bergström et Walter Van Beirendonck – barbu le plus célèbre de la mode belge et membre des Six d’Anvers. Depuis lors, la fantasmagorique collection Glödande est devenue réalité et la presse internationale est conviée à l’Atomium pour son lancement. Linge de maison, vaisselle, papeterie et même tee-shirts : fort de trente-quatre références flashy, un tsunami de couleurs vives s’apprête à envahir les rayons d’Ikea. C’est donc perchés dans une boule de métal que nous avons rencontré Walter Van Beirendonck, enthousiaste à l’idée de nous présenter ses petits copains cartoonesques aux noms bien de chez nous : Kwade Tijger, Vliegmachien, Rood, Spiegel et 1000G (« Duizendoog », Mille yeux). Bienvenue à Wondermooi.

L’annonce de votre collaboration avec Ikea a surpris tout le monde. Comment est-ce arrivé ?

Très simplement : Ikea m’a envoyé un mail, pour voir si cela m’intéressait. J’étais un peu étonné, je ne m’y attendais pas. Mais après quelques échanges, j’ai pu m’apercevoir qu’ils étaient parfaitement au courant de ma manière de travailler et de mes différents projets en cours, c’était un choix réfléchi de leur part. J’ai senti qu’il était important pour eux que je puisse pleinement m’exprimer et les conditions étaient réunies pour que ce soit le cas. Ils étaient prêts à me laisser raconter mon histoire.

C’est ce qui vous a poussé à accepter ?

Glölande, le village dans les nuages de Walter Van Beirendonck pour Ikea
© DR

Ça, et l’envie de toucher un large public avec des produits démocratiques, comme je l’ai déjà fait avec des vêtements pour JBC. J’ai des fans qui dépensent beaucoup d’argent pour pouvoir porter mes créations ; alors, je suis content de pouvoir proposer des choses accessibles au plus grand nombre. L’idée d’entrer dans la maison des gens et de plaire à un public jeune, vieux, amateur de mode ou simplement de couleurs, me séduit. J’aime cette collection et j’espère qu’elle changera la vie de ceux qui l’achètent, ne fût-ce qu’en leur donnant le sourire. Et puis, il y a évidemment l’aspect financier, plutôt avantageux quand on a affaire à un groupe d’envergure planétaire.

L’équipe d’Ikea avait-elle en tête une idée précise ?

Non, mais ils avaient des questions auxquelles j’ai répondu avec des propositions. J’ai commencé à élaborer l’histoire, que je leur ai ensuite présentée, pour leur montrer où je voulais aller avec les imprimés. Ce n’est qu’après que l’on a parlé des produits – qui, d’ailleurs, existaient déjà dans le catalogue. Je n’ai pas dessiné de nouvelles boîtes ou assiettes.

En revanche, vous dites avoir voulu « donner une âme à une boîte ». Comment s’y prend-on ?

En la considérant autrement. Pour moi, elle a un caractère, un tempérament, un look, et l’on comprend ça grâce au contexte qui l’entoure. Et avec un peu de feeling, ça devient plus qu’une « bête boîte ». C’est pour ça que j’ai créé toute cette histoire, et les différents personnages qui la peuplent. Pour humaniser le côté tellement universel du label, qui est omniprésent partout dans le monde.

Glölande, le village dans les nuages de Walter Van Beirendonck pour Ikea
© DR

Venons-en à cette fameuse histoire…

Il s’agit d’un conte de fées intitulé Wondermooi. Cela parle d’un peuple très heureux qui habite dans les nuages, leur société est un grand mix plein de diversité, on y retrouve beaucoup de races, de couleurs et de fourrures différentes. Un jour, l’un d’entre eux observe qu’un trou s’est formé dans un nuage. Puis un deuxième. Et le lendemain, encore un. C’est un gros problème, parce que leur environnement commence à être tout perforé et personne ne sait ce qu’il se passe. Jusqu’à ce qu’un des héros, nommé Vliegmachien, entende une rumeur, qui le conduit tout droit vers la lune et le soleil. Ils sont en train de pleurer et ce sont leurs larmes qui creusent les nuages. Désespérés face aux malheurs de notre monde, ils sanglotent sans arrêt. Alors Vliegmachien retourne à Wondermooi, explique la situation, et Rood, le plus intellectuel, réfléchit à une solution. Il pense à la « magical dust », une poussière magique qu’il répand partout sur la planète. Quand les Terriens la respirent, ils éternuent et soudain, oublient leur agressivité pour retrouver le bonheur. Le vent porte la poussière jusqu’à ce que tout le monde soit atteint, et cela se termine par un happy end. Voilà ce que j’ai raconté aux gens d’Ikea.

Où avez-vous été chercher tout ça ?

Je ne sais plus. Dans mes recherches. Quand je me lance dans ce genre de projet, je me documente beaucoup, je fais des collages, j’écris des textes… C’est ma façon habituelle de procéder, le recours au storytelling m’aide à arriver à un certain résultat. Signer une ligne pour Ikea, des vêtements ou des costumes pour un ballet, pour moi, c’est la même démarche. Sauf que cette fois, ça m’a pris deux ans, alors qu’une collection me demande maximum six mois.

C’est la première fois que vous réalisez des accessoires pour la maison ?

Oui. Mais j’aime que mon boulot parte dans tous les sens. Parallèlement à cette collaboration, je travaillais sur un opéra à Anvers et le fait de pratiquer des activités aussi éloignées est ce qu’il y a de plus intéressant.

On s’attendait à du textile, mais il y a une large typologie de produits…

J’ai fait un tas de propositions, j’étais persuadé que cette personnalisation pouvait s’appliquer à de nombreux articles. Ça s’est vérifié et l’équipe est restée proche de ce qui avait été dessiné. Mais on a aussi renoncé à certains idées qui ne marchaient pas.

Glölande, le village dans les nuages de Walter Van Beirendonck pour Ikea
© DR

Reste-t-il des articles que vous n’avez pas pu sortir ?

Oui, des poupées à l’effigie de mes personnages. C’était difficile à réaliser, d’où l’idée de créer des figurines par impression 3D.

Et d’où vient le nom Glödande ?

Moi, j’avais appelé ça Wondermooi, mais Ikea n’utilise que des noms suédois. Glödande signifie « brillant », « incandescent », c’est le nom de la gamme, mais celui du récit reste Wondermooi.

A l’inverse, c’est sans doute la première fois qu’on voit du néerlandais dans les rayons d’Ikea…

Oui, c’est très exotique d’une certaine manière. Cela convenait à l’aspect tellement atypique des personnages, tout en soulignant la langue néerlandaise et le côté belge. Cela me tient à coeur et je sais que ça touche beaucoup le public aussi.

La collection Glödande sera disponible depuis le 7 juin prochain. www.ikea.be

WALTER VAN BEIRENDONCK EN 8 DATES

1957 Naissance à Brecht.

1981 Diplôme de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, aux côtés d’Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs et Marina Yee – les « Six d’Anvers ».

1983 Lancement d’une première collection sous son propre label.

1985 Le créateur commence à enseigner à l’Académie d’Anvers.

1987 Les « Six » défilent à Londres.

1997 Conception de costumes de tournée pour le groupe U2.

2006 Il prend la tête du département Mode de l’Académie.

2016 Collaboration avec Ikea.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content