L’Orient, une valeur sûre en déco

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Indémodable, la déco venue du Maghreb ou du Proche-Orient reste une valeur sûre, prisée pour sa richesse, sa chaleur et le savoir-faire de ses artisans. Focus sur des créateurs qui la réinterprètent de façon contemporaine, dans un esprit mix & match.

Certains signes ne trompent pas. Alors qu’ils tentent de conquérir le marché belge avec leur division Home, deux poids lourds de la grande distribution proposent des collections fortement inspirées par le Pays du couchant lointain.

Des verres Primark d'inspiration marocaine.
Des verres Primark d’inspiration marocaine.© MARIE-FRANÇOISE PLISSART / SDP

Selon Primark Home, découvrir sa collection SS16 (pour Spring/Summer ou Summer Spices, « épices d’été ») revient « à pénétrer dans l’enceinte d’un souk », tandis que H&M promet d’insuffler une « bohemian vibe » aux intérieurs avec ses coussins, tapis, vases et lanternes aux motifs géométriques rappelant l’artisanat marocain. Outre ces empires textiles, d’autres marques aussi populaires que Fatboy s’y mettent aussi. On avait pu le constater avec les poufs Baboesjka ou Pfffh, et l’exploration du thème se poursuit avec la lanterne Lampie-on – mais à la différence des labels précités, qui misent sur le mimétisme, le roi du hamac part de l’esthétique orientale pour réinterpréter de façon moderne ses créations ludico-pratiques. Et c’est ce mélange de genres que nous avons eu envie de creuser.

La lanterne Lampie-on de Fatboy.
La lanterne Lampie-on de Fatboy.© MARIE-FRANÇOISE PLISSART / SDP

Car, les modes vont et viennent, bien sûr, mais l’exotisme raffiné du monde arabe reste encore et toujours d’actualité, même si la tendance a connu son lot d’évolutions. Charles Kaisin nous décrypte le phénomène. L’an dernier, le Bruxellois s’était illustré avec l’aménagement de l’hôtel Almaha, somptueux riad à Marrakech, où il célébra le mariage réussi de l’authenticité du cru et de sa propre syntaxe contemporaine, notamment par le biais de ses fameux pixels – il en fallut 27 000 pour représenter la place Jemaa el-Fna dans un des salons.

D’après lui, cette esthétique singulière, venue d’Orient, repose sur quatre points : « La répétition d’un élément ou d’un motif, l’exploration de la géométrie – comme dans les moucharabiehs -, la présence d’une trace humaine dans la réalisation et enfin, une palette de couleurs distincte – l’ocre, le rouge brique, les tons sable ou le blanc immaculé… Pour cet hôtel, je suis parti de la géométrie, ma formation d’architecte m’ayant fortement influencé. Ce rapport entre la tradition et le regard du designer me plaît beaucoup, il génère des trajectoires, des relations étonnantes. »

Un mur pixellisé de Charles Kaisin, à l'hôtel Almaha de Marrakech.
Un mur pixellisé de Charles Kaisin, à l’hôtel Almaha de Marrakech.© MARIE-FRANÇOISE PLISSART / SDP

Quels sont toutefois les secrets d’un mélange réussi ? « S’il s’agit de réinterpréter, on peut chercher différentes pistes dans les facettes, les pixels, mais aussi les figures fractales ou s’inspirer d’autres processus créatifs, jouer sur les répétitions, l’imbrication de formes complexes, etc., suggère le Belge. Il y a énormément de moyens d’approcher les codes du design pour décliner le style voulu. A part ça, pour donner cette touche à un intérieur sans verser dans le total look, la première démarche, assez simple, serait par exemple de choisir un tissu à motif pour complètement changer l’aspect d’un canapé. Ensuite, il y a de belles gammes de peintures mates qui, en quelques coups de pinceaux, peuvent donner à un mur un tout autre esprit… »

L'Orient, version H&M.
L’Orient, version H&M.© MARIE-FRANÇOISE PLISSART / SDP

Bon nombre de concepteurs reprennent par ailleurs à leur compte des éléments – luminaires, mobilier ou accessoires -, susceptibles d’évoquer les charmes dépaysants de ces contrées méridionales -ferronnerie, métal ciselé ou martelé, jeux de lumière, illusions d’optique, mosaïques et faïences, textiles chatoyants… Ce ne sont pas les options qui manquent pour composer une variante 3.0 de cet art de vivre à l’orientale, convivial et confortable comme un coussin en sabra.

PAR MATHIEU NGUYEN

Luminaire

Hind Rabii

Hind Rabii
Hind Rabii© MARIE-FRANÇOISE PLISSART / SDP

Créatrice de luminaires, Hind Rabii s’est installée près de Verviers, et pratique un design « émotionnel, essentiel et féminin » où l’on distingue sans peine une influence maghrébine, sans qu’elle s’en réclame pour autant. « Notre vécu imprime forcément un impact à ce que l’on fait, dit-elle. La collection Belle d’I, que j’ai cosignée avec Luc Vincent, provient tout droit de mon enfance, de voyages, d’expériences passées. On a redessiné le verre pour obtenir une forme qu’on a l’impression de connaître, d’avoir côtoyée tous les jours. C’est ce type de concept qui me plaisait et qu’on a voulu travailler. Récemment, le designer israélien Dan Yeffet (lire par ailleurs) m’a dit : « Nous autres Méditerranéens, nous avons subi une masse d’influences qui rend notre design si particulier : il n’est jamais droit, jamais clinique, mais toujours coloré, chaud et fait de matières nobles. Donc, bien sûr, on décèle une filiation dans les teintes et les formes, mais nos collections se veulent très contemporaines, et ne sont justement pas destinées à un intérieur de style oriental – au contraire. » Son site Web présente d’ailleurs ses articles chez elle, dans un environnement plutôt brut et rustique. « Je n’habite pas une tente berbère ou un palais marocain, mais une maison dans les bois. Je dessine des objets qui reflètent mes goûts et ma personnalité, ceux que j’aurais envie d’avoir chez moi. »

www.hindrabii.net

Lightyears

Lightyears
Lightyears© MARIE-FRANÇOISE PLISSART / SDP

Cet éditeur de luminaires danois, désormais intégré au groupe Fritz Hansen, réédite la suspension Orient depuis 2013, redonnant vie à un classique imaginé un demi-siècle plus tôt par Jo Hammerborg. L’an dernier, ce modèle nous revenait dans une nouvelle version Black mate, lui conférant une allure plus contemporaine que jamais.

www.lightyears.dk

Constance Guisset

En 2009, la designer avait réalisé une série de tables pour l’Institut français de Turquie. Intitulée Ankara, cette collection porte le nom de la ville qui l’a inspirée, et vient de s’enrichir de suspensions métalliques aux couleurs pastel, présentées ce printemps sur le stand de Matière Grise au Salon international du meuble de Milan.

www.matieregrise-decoration.fr

Mobilier

Dan Yeffet

Dan Yeffet
Dan Yeffet © SDP

Né à Jérusalem, il a étudié à Amsterdam avant de s’installer à Paris, où il s’est fait connaître pour ses créations chics et épurées, clairement influencées par ses origines ensoleillées. Ses produits pour la Gallery S. Bensimon, pour des éditeurs tels La Chance, Brokis, ainsi que les Belges, notamment Per/Use et le spécialiste de l’impression 3D Materialise, via sa ligne design .MGX, lui ont valu de nombreuses récompenses ces dernières années. Personne ne s’en étonnera.

www.danyeffet.com

Bethan Gray

Bethan Gray
Bethan Gray © SDP

Originaire du Rajasthan, la famille de Bethan Gray a migré vers la Perse et l’Arabie au cours des siècles, avant de poursuivre son périple au Pays de Galles et de s’installer en terre celtique. Cet héritage hors du commun, la designer, née à Cardiff, l’a transposé dans ses créations qui traduisent son amour du détail, des textures tactiles et des matériaux luxueux, et mettent en oeuvre à la fois la technologie de pointe et une connaissance approfondie des techniques artisanales. Découverte par Tom Dixon, qui lui décerne le prix New Designers, elle devient directrice du design pour Habitat, avant de fonder son studio en 2008. Proposées par certaines des plus prestigieuses enseignes du monde – dont évidemment Harrod’s – ses réalisations lui vaudront d’être désignée Best British Designer en 2013. Et ce qui séduit le jury à l’époque reste d’actualité, il n’y a qu’à voir les récents ajouts à ses lignes Band, Stud ou Brogue (photo) pour constater que Bethan Gray n’a rien perdu de sa patte toute en sobriété raffinée.

www.bethangray.com

Cheb Fusion

Cheb Fusion
Cheb Fusion© SDP

Il y a trois ans, Gilles Wynant et son épouse Mina Chhaib ont mis sur pied Cheb Fusion, une entreprise courtraisienne qui, comme son nom l’indique, pratique le « design fusion » avec l’ambition de faire un lien entre les mondes. « Durant nos nombreux voyages au Maroc, en Turquie ou aux Emirats, on a vu des meubles qu’on aimait bien, mais aussi beaucoup de mobilier vieillot, en bois trop massif, explique Gilles. Cela nous a donné l’idée de lancer une ligne plus jeune pour rafraîchir ces pièces d’inspiration traditionnelle, dans un esprit contemporain. » Ils décident alors de dessiner le Cheb, guéridon octogonal entre les pieds duquel se découpent les arches caractéristiques d’une porte marocaine. Une idée toute simple à l’effet imparable, c’est le carton immédiat. « Notre Cheb plaît énormément, se félicite-t-il. On a des clients de tous les secteurs, architectes, bureaux ou particuliers, en Belgique mais aussi à Marrakech ou à Dubai. On a jeté un pont entre deux mondes, c’est comme un jeu de ping-pong : ici, la magie de l’Orient nous intrigue, tandis que notre style moderne les intéresse. » Encouragé par ce rapide succès, le duo a ensuite incorporé à son catalogue d’autres produits à la croisée des influences, dont différentes versions du Cheb, la table de salon Kech, ou encore les bibliothèques LED Nichenn.

www.chebfusion.com

Accessoires

Nedda El-Asmar

Nedda El-Asmar
Nedda El-Asmar© L. PIRONNEAU / SDP

Impossible d’aborder les accessoires sans penser à notre Designer de l’année 2007, Nedda El-Asmar, orfèvre-joaillière ayant collaboré avec des maisons telles qu’Hermès ou Villeroy & Boch.

Au moment d’évoquer ses réalisations rappelant ses origines irakiennes, comme son narguilé pour Airdiem (photo) ou son brûleur d’encens pour Zeri Crafts, Nedda nous surprend : « Ce narguilé est un projet comme un autre, c’est une commande. Si je devais imaginer un service pour la cérémonie du thé japonais, je l’approcherais de la même façon. Mais naturellement, cette culture, je la connais, donc c’est plus facile de l’intégrer », reconnaît-elle.

Quand bien même, on lui demande comment elle opére la synthèse de la tradition et de la modernité qui caractérise ces projets : « J’essaie de trouver l’équilibre entre la demande du client et mon travail, répond-elle. Le style oriental est versé dans l’ornement – et si l’on prend de la vaisselle blanche, typiquement européenne, que l’on recouvre de motifs locaux, elle semblera venue de là-bas. Je préfère penser en termes d’objet plutôt que de décor, je ne veux pas simplement utiliser une imagerie, mais l’intégrer dans un produit en trois dimensions. »

www.nedda.be

Notre Monde

Notre Monde
Notre Monde© L. PIRONNEAU / SDP

Marque du label belge Ethnicraft, Notre Monde commercialise les tables, plateaux et miroirs de l’Américaine Dawn Sweitzer, d’origine italo-irlandaise mais amoureuse des motifs moyen-orientaux.

www.notremonde.com

Images d’Orient

Images d'Orient
Images d’Orient© L. PIRONNEAU / SDP

Ligne lancée à Beyrouth, en 2000, par Peggy Dabar et son frère, Images d’Orient promeut l’héritage méditerranéen de ses fondateurs à travers des produits colorés et inspirés du graphisme local, en métal, textile, porcelaine ou PVC.

www.imagesdorient.net

Arzu Firuz

Enfin, on a envie de terminer en vous parlant d’Arzu Firuz, jeune Turco-Panaméenne basée à Paris, qui reproduit des objets orientaux tels que tapis, coussins ou moucharabiehs, avec des matériaux « ordinaires », comme le vinyle, qui dans son cas imite parfois le bois — voir sa collection Trompe-l’oeil.

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