Abercrombie & Fitch qui refuse d’employer une femme voilée est-il coupable de discrimination?

Samantha Elauf © Reuters

La marque aux multiples polémiques est-elle coupable de discrimination religieuse en refusant le port du foulard islamique chez ses vendeuses. C’est ce que devra déterminer mercredi la Cour suprême des États-Unis, plus haute juridiction du pays.

Ce n’est pas la première fois qu’Abercrombie & Fitch est au coeur de l’actualité. En effet, l’entreprise a successivement été épinglée pour son racisme « anti-gros » ou « anti-moches« , ou encore « anti-pauvres« , critères somme toute subjectifs.

Cette fois-ci, ce sont les neuf juges de la Cour suprême qui devront examiner la plainte de l’Agence fédérale pour l’égalité devant l’emploi (EEOC) contre la chaîne de vêtements très prisés des adolescents. Ils devront ainsi trancher et ainsi déterminer qui de l’enseigne ou de l’employée a raison, d’un côté l’employeur, qui exige le strict respect de sa politique vestimentaire pour son personnel, de l’autre, une candidate à une offre d’emploi, dont les convictions religieuses empêchaient de s’y plier.

L’histoire remonte à 2008. Samantha Elauf, alors âgée de 17 ans, se voit refuser un poste de vendeuse chez Abercrombie au sein d’un magasin pour enfants de Tulsa, en Oklahoma (sud)., au motif qu’elle portait un foulard lors de l’entretien de recrutement, violant par là même la politique vestimentaire d’A&F. Elle ne mentionna d’ailleurs pas sa confession religieuse, ni ne demanda un quelconque aménagement par rapport au règlement.

Les
Les « modèles » Abercrombie face à leurs fans Hong Kong© Wikicommons / Natalitiameom

Mais pour Abercrombie, « les modèles », comme la marque qualifie ses vendeurs, « sont tenus de présenter le style Abercrombie aux clients », souligne l’entreprise dans son argumentaire à la Cour. Sont ainsi interdits le foulard, ainsi que toute sorte de « chapeaux », et ceux à tout le personnel de magasin, qui doit afficher « le style du lycéen classique de la côte Est ». Déroger au règlement expose à des sanctions disciplinaires, allant jusqu’au licenciement. Car l’enseigne est convaincue que toute exception vestimentaire aurait un impact négatif sur son image, sa marque et ses ventes.

« Mme Elauf savait que le magasin d’Abercrombie avait une politique en matière d’apparence qui interdit les vêtements noirs et exige des modèles qu’ils portent des styles de vêtements similaires à ceux qui sont vendus dans le magasin », avance les représentants de la marque Abercrombie, en précisant n’avoir jamais eu connaissance d’un « quelconque différend religieux ».

Car après avoir obtenu 20.000 dollars de dommages et intérêts en première instance, la jeune musulmane a été déboutée en appel, d’où ce recours devant la Cour suprême, déposé par le gouvernement de Barack Obama, qui – via l’Agence fédérale pour l’égalité devant l’emploi (EEOC) qui soutient la jeune femme, tout comme une coalition d’organisations religieuses.

N’ayant pas fait de demande explicite d’aménagement du règlement d’Abercrombie en fonction de sa confession, selon la Cour d’appel, la loi fédérale de 1964 de protection des droits civiques ne s’appliquait pas dans ce cas. Mais aux États-Unis, les cours d’appel sont divisées sur la question: celle qui est compétente ici a estimé que l’employé doit faire une demande auprès de l’employeur, tandis que celles d’autres régions indiquent qu’il suffit que l’employeur soupçonne un potentiel différend.

Ce sera donc à la Cour suprême d’arbitrer le litige, et de déterminer « qui porte la responsabilité d’initier le dialogue sur un possible problème religieux ? L’EEOC juge qu’elle repose sur l’employeur tandis qu’Abercrombie argue que (…) c’est du devoir de l’employé ou du candidat dans chaque situation », explique l’experte et avocate constitutionnelle Rachel Paulose.

La réponse de la Cour suprême est attendue fin juin. Très attendue même puisque selon les organisations religieuses, les plaintes pour discrimination religieuse sur le lieu de travail ont plus que doublé au cours des quinze dernières années aux États-Unis. Un verdict qui pourrait servir de modèle, et une affaire qui ne va sans doute pas faire celle de la marque, déjà dans la tourmente.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content